Lors de l'historique rencontre en Alaska entre Donald Trump et Vladimir Poutine – la première entre les deux dirigeants depuis Helsinki en 2018 –, l’Ukraine s’est retrouvée en situation de grande vulnérabilité. Trump, adoptant une attitude complaisante, a validé les exigences russes sans obtenir la moindre concession. Pendant ce temps, l’Europe a tenté de soutenir Zelensky, mais Poutine a poursuivi sa guerre, intensifiant les bombardements en Ukraine, causant morts et blessés. Malgré l’optimisme affiché par Trump, la diplomatie russe avance méthodiquement, tandis que la situation reste critique.
Éditorial – La semaine de toutes les peurs (T 1739)
Les dirigeants européens (Commission européenne, Otan, France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Finlande) réunis à Washington autour de Donald Trump et Volodymyr Zelensky, le 18 août 2025 (© White House / Flickr)
Editorial —The week of all fears
During the historic meeting in Alaska between Donald Trump and Vladimir Putin —the first between the two leaders since Helsinki in 2018— Ukraine found itself in a highly vulnerable position. Trump, adopting a complacent stance, agreed to Russian demands without obtaining any concessions. Meanwhile, Europe attempted to support Zelensky, but Putin continued his war, intensifying bombings in Ukraine, causing deaths and injuries. Despite Trump's optimism, Russian diplomacy is moving forward methodically, while the situation remains critical.
En l’espace d’une semaine, jamais l’incertitude stratégique autour de l’Ukraine n’a été aussi forte. La réception plus que protocolaire de Vladimir Poutine par le président Donald Trump sur la base aérienne Elmendorf-Richardson près de la ville d’Anchorage, en Alaska, a sidéré. Même si la rencontre a été plus courte que prévu, avec l’annulation du déjeuner, le chef du Kremlin a pu se sentir à la fois reconnu et conforté dans ses positions par le locataire de la Maison Blanche. Poutine a su le flatter et imposer ses vues avec, comme conséquence immédiate, le refus d’un cessez-le-feu pourtant nécessaire au regard de la souffrance du peuple ukrainien. Donald Trump a entériné les demandes, voire plutôt les exigences du dirigeant russe, celui-ci parvenant à « noyer le poisson » en acceptant d’éventuelles discussions, moyennant le respect de ses objectifs.
Même si le dirigeant américain s’est autoflatté d’un succès majeur en se donnant une note de 10/10 pour ce sommet, force est de constater qu’il n’a pas su ou voulu imposer la moindre concession à son interlocuteur qui est reparti plus que satisfait de cette réhabilitation internationale replaçant la Russie sur l’échiquier mondial au seul rang qu’il admet, celui de la parité avec les États-Unis.
Après ce 15 août désastreux pour l’Ukraine et l’Europe, il a fallu éteindre au plus vite l’incendie et les Européens, face au probable lâchage américain, se sont activés comme jamais dans l’urgence pour accompagner le président ukrainien à Washington. Zelensky était, en quelque sorte, « convoqué » à la Maison Blanche pour devoir endosser les exigences de Washington pour mettre fin au conflit. La délégation européenne a su démontrer sa solidarité et son soutien tout en s’efforçant de conserver la relation transatlantique tellement mise à mal depuis le 20 janvier. La tâche était, de fait, difficile face à un président américain gonflé d’orgueil, affirmant avec une satisfaction visible qu’il avait « mis fin à 6 guerres en 6 mois » ; le plus grand négociateur que les États-Unis aient connu, selon lui… Cette dimension psychologique oblige ses interlocuteurs à la plus grande prudence. Il faut admettre que la coalition Zelensky-Europe ne s’en est pas trop mal sortie, même si rien de très concret n’en est issu. Du moins, Trump n’a pas basculé du « côté obscur de la Force » souhaité par le Kremlin.
Au final, après une séquence diplomatique hors normes, il faut cependant rester réaliste. Pour le Kremlin, rien n’a changé et Vladimir Poutine poursuit sa guerre avec l’objectif d’obtenir la capitulation de l’Ukraine. Il verrait bien d’ailleurs Zelensky venir à Moscou signer la défaite de son pays. Cela rappellerait le temps où les dirigeants des pays satellites de l’URSS venaient rendre compte au Kremlin et se soumettre aux oukases soviétiques. Et pour bien souligner qu’il se considère comme le maître du temps, ses forces n’ont cessé de bombarder l’Ukraine. Ainsi, depuis le 15 août, les frappes aériennes ont tué 31 civils et fait 145 blessés. Pendant ce temps-là, Donald Trump reste persuadé qu’un sommet bilatéral Poutine- Zelensky est possible dans la quinzaine. La machinerie diplomatique russe, hélas très professionnelle et aguerrie, explique qu’il y a d’abord beaucoup de travail en amont à traiter entre les experts. De ce côté-là, les diplomates russes disposent d’un savoir-faire sans nul autre pareil. Ainsi, il a fallu deux ans, entre 1973 et 1975 pour aboutir aux accords d’Helsinki dont on va célébrer le cinquantenaire le 1er septembre. Pour Moscou, chaque jour gagné est un succès et permet d’infliger des pertes aux Ukrainiens. Les punir pour ne pas rejoindre le bloc russe.
Que va-t-il se passer après cette semaine de tous les dangers ? Une certitude, la poursuite de la guerre comme le démontrent les bombardements dans la nuit de mercredi à jeudi, avec un record de drones et de missiles envoyés par Moscou. Et beaucoup de questions autour de l’attitude de Donald Trump, entre complaisance pour Vladimir Poutine et désintérêt pour un conflit qu’il ne parvient pas à maîtriser. Il risque d’être déçu, le 10 octobre 2025, lorsque sera annoncé le Prix Nobel de la paix 2025… ♦