Dans son nouvel éditorial de la semaine, le général Jérôme Pellistrandi revient sur les dix derniers jours diplomatiques concernant la guerre en Ukraine. Si rien de concret n'a pu sortir des sommets d'Anchorage et de Washington, le conflit, lui, se poursuit bel et bien sur le front ukrainien avec des bombardements massifs. Vladimr Poutine campe sur ses positions, et Donald Trump oscille entre réhabilitation de la figure du Président russe et soutien affiché, mais relatif, à l'Ukraine. Une rentrée, après un été, de tous les dangers.
Éditorial – Indépendance de l’Ukraine : une fête amère (T 1741)
Editorial —Independence of Ukraine: a bitter celebration
In his latest weekly editorial, General Jérôme Pellistrandi looks back at the last ten diplomatic days concerning the war in Ukraine. While nothing concrete has emerged from the summits in Anchorage and Washington, the conflict continues on the Ukrainian front with massive bombings. Vladimir Putin is sticking to his guns, and Donald Trump is oscillating between rehabilitating the Russian president and offering open, but limited, support for Ukraine. A return to school after a summer of great danger.
Ce dimanche 24 août, l’Ukraine, avec d’autres États issus du démembrement de l’ex-URSS, fêtait le 34e anniversaire de son indépendance. Ce jour concordait aussi avec les 3 ans et demi de guerre depuis le 24 février 2022 et le début de l’« opération spéciale militaire » voulue par Vladimir Poutine.
Malgré la présence du général (retired) Keith Kellogg, l’envoyé spécial de Donald Trump, et avec des festivités limitées, l’ambiance était cependant amère au regard de la situation militaire et diplomatique, après l’agitation générée par le sommet du 15 août à Anchorage où Donald Trump a accueilli très chaleureusement Vladimir Poutine, avec la crainte d’un nouveau Munich 1938, obligeant les Européens à démontrer leur solidarité dans l’urgence après la rencontre de lundi dernier à Washington.
Au final, rien n’a changé malgré les déclarations des uns et des autres à la Maison Blanche. Moscou reste sur sa ligne intransigeante abondamment relayée par Sergueï Lavrov, y compris lors de ses entretiens en anglais au profit de médias américains. Ces jours-ci marquent la reprise du procès en légitimité du président Volodymyr Zelensky : aux yeux de Moscou, celui-ci n’a aucun droit à signer un accord « de capitulation » et doit donc être remplacé après un processus électoral… Encore une voie pour gagner des délais et, de ce fait, retarder aux calendes grecques un éventuel cessez-le-feu. Il faut souligner, hélas, que cette légitimité du Président ukrainien – pourtant respectant les principes de la Constitution ukrainienne au regard de la loi martiale – est aussi remise en cause par des leaders politiques en France, démontrant leur alignement sur les thèses de Moscou.
Sur le terrain, la guerre se poursuit avec des bombardements toujours intensifs tant sur l’ensemble du territoire que sur des cibles nouvelles comme l’usine appartenant à des capitaux américains à Moukatchevo, à l’ouest de l’Ukraine, pratiquement à la frontière avec la Hongrie. Le message de Moscou était clair, suscitant à peine un mécontentement de Donald Trump. Sur la ligne de front, la pression russe est permanente, obligeant Kyiv à des efforts permanents pour colmater les brèches.
Les perspectives raisonnables de vraies discussions diplomatiques semblent très lointaines au regard des positions de Moscou et malgré les déclarations optimistes ce dimanche du vice-président américain J. D. Vance disant que les Russes ont fait de grandes concessions que l’on ne connaît pas encore. Ceux-ci ne cessent de répéter que ce sont les Occidentaux – comprendre les Européens – et Voldymyr Zelensky qui refusent d’adhérer au processus de paix en cours animé par la Russie et les États-Unis. Diviser pour mieux régner est un vieux principe largement mis en œuvre par la diplomatie soviéto-russe dont Sergueï Lavrov est l’héritier direct. En attendant de voir les propositions russes (autres que celles déjà connues), il s’agit pour l’Ukraine de tenir le plus possible et le plus longtemps sur la ligne de front, en attendant que la Raspoutitsa ne vienne ralentir les opérations. Pour les Alliés dont la coalition des volontaires, poursuivre les efforts de soutien à l’Ukraine. Ainsi, Londres vient d’annoncer sa volonté de poursuivre la formation de militaires ukrainiens jusqu’à la fin 2026. L’essentiel demeure cependant sur la volonté réelle ou non de Washington de faire pression sur Moscou. Et cela repose sur Donald Trump. En a-t-il seulement envie ?