En France, les élites politiques se divisent avant l’élection de 2027, tandis que les conflits mondiaux persistent. Les tensions géopolitiques s’aggravent, avec, notamment, l’échec des négociations Ukraine-Russie. Le sommet de l'OCS, en Chine, montre l’émergence d’un nouvel ordre international non occidental, marginalisant une Europe affaiblie et peu consciente de son déclin.
Éditorial – Organisation de coopération de Shanghaï : un sommet si lointain mais si central (T 1744)
President.az, CC BY 4.0 via Wikimedia Commons
Editorial —SCO: A summit so distant but so central
In France, political elites are divided ahead of the 2027 election, while global conflicts persist. Geopolitical tensions are worsening, notably with the failure of the Ukraine-Russia negotiations. The SCO Summit in China signals the emergence of a new, non-Western international order, marginalizing a weakened Europe, barely aware of its decline.
Alors que nos élites politiques françaises se déchirent sur leur avenir personnel avec la perspective de l’élection présidentielle de 2027, la Terre continue de tourner et, hélas, les guerres qui vont avec. Jamais la situation géopolitique internationale n’a été aussi conflictuelle avec l’absence de perspective de retour à la paix, n’en déplaise à Donald Trump, persuadé d’avoir mis fin à au moins sept, voire dix conflits depuis son arrivée à la Maison Blanche le 20 janvier dernier. Au point d’être persuadé d’être le prochain Prix Nobel de la paix en octobre… Sur notre scène nationale, il faut souligner qu’un parti politique, à l’occasion de son Université d’été, a dénié toute légitimité au Président ukrainien, sous prétexte que son mandat serait échu. En oubliant que la constitution ukrainienne prévoyait cette situation en cas de guerre. Un alignement inconditionnel derrière le narratif du Kremlin.
Malgré l’agitation diplomatique lancée par le sommet d’Anchorage le 15 août, Washington a échoué dans son projet de rencontre entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine. Ce qui était prévisible au regard des conditions imposées par Moscou et qui ne sont ni plus ni moins que la capitulation de l’Ukraine. Ce qui est humainement impossible pour la nation ukrainienne compte tenu des sacrifices endurés depuis le 24 février 2022. Ce qui au miroir du droit international, serait la remise en cause de 80 ans de diplomatie post-1945. L’amateurisme de la diplomatie américaine est ici flagrant avec l’ambiguïté permanente d’un soutien mesuré à l’agressé, l’Ukraine. Ainsi, la semaine dernière, la porte-parole de la Maison Blanche, en s’exprimant sur les frappes meurtrières sur Kyiv, semblait mettre en cause les Ukrainiens qui frappent les installations pétrolières russes. Comme si l’on pouvait mettre sur le même plan le bombardement de quartiers résidentiels avec ses pertes civiles et réduire la production énergétique de la Russie et donc ses exportations permettant de financer la guerre…
Durant cette première semaine de septembre, il est indispensable et urgent de sortir du périphérique parisien avec ses contradictions et ses propositions démagogiques, voire populistes de certains de nos politiques peu sensibles aux affaires du monde et de se projeter en Asie, à Tianjin, en Chine, où se déroule le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). L’OCS a été créée en 2001 et s’affirme chaque année comme une réalité géopolitique qui, à défaut d’être une vraie union politique, se propose de légitimer un nouvel ordre international non occidental, valorisant un « Sud global » encore mal défini… Les États-membres de l’OCS rassemblent environ plus de 3 milliards d’habitants, démontrant une nouvelle dynamique qu’il ne faut pas négliger.
Vladimir Poutine en profite pour effectuer un voyage officiel de quatre jours en Chine. Il y rencontrera de nombreux dirigeants comme, bien sûr, l’hôte du sommet, Xi Jinping. Il y aura aussi le Premier ministre indien Narendra Modi, malgré les tensions entre son pays et la Chine. Néanmoins, les sanctions économiques voulues par Washington ne peuvent que refroidir New Delhi et renforcer sa volonté d’indépendance totale. Le Président turc et son homologue iranien seront également de la partie. Autant de dirigeants jaloux de leur nationalisme et pour certains franchement hostiles aux États-Unis mais aussi à l’Europe, qui apparaît plus que jamais comme un nain géopolitique, plus soucieux de maintenir son niveau de vie que de s’affirmer comme une vraie puissance. La modernité sera également au rendez-vous, la Chine voulant impressionner avec un environnement à Tianjin mettant en avant le modèle économique et politique chinois et, par ailleurs, critiquer implicitement le modèle que représente l’UE, aux antipodes de ce que porte l’OCS. Le clou du spectacle – car ce sera aussi un spectacle – sera le défilé à Pékin, à l’occasion de la fin de la Seconde Guerre mondiale. En effet, mercredi 3 septembre, l’Armée de libération populaire (APL) effectuera une démonstration de force avec plusieurs dizaines de milliers de soldats rassemblés autour d’une vingtaine de dirigeants internationaux, dont le Nord-Coréen Kim Jong-un.
Un sommet qui, certes, pourrait paraître lointain et exotique, mais qui révèle une nouvelle tectonique des plaques géopolitiques où l’Europe n’est plus, depuis longtemps, le centre du monde. Elle n’en a, malheureusement, pas encore pris conscience malgré la brutalité des nouveaux maîtres de l’ordre mondial. ♦