L’Alliance atlantique à l’heure des choix décisifs
M. Raymond ARON intitulait un de ses récents articles : « L’Alliance Atlantique s’interroge ». Cette formule traduit bien l’ambiance générale des réunions de la fin de l’année 1960 : Conférence des Parlementaires de l’OTAN, Comité Militaire, Conseil Atlantique — et celle dans laquelle s’est ouverte l’année 1961. Et ces interrogations, qu’elles aient pour objets l’armement atomique, le renforcement du Conseil Atlantique ou les problèmes économiques, ne portent sur les moyens qu’en apparence. En réalité, elles portent sur les fins.
Il était prévu que 1960 serait une année de réflexions et d’études. Lors de la session ministérielle de décembre 1959 du Conseil Atlantique, M. Christian Herter avait réclamé la préparation et la mise au point d’un « plan de dix ans » qui, définissant les objectifs à atteindre en 1970 et précisant certains des moyens à utiliser, permettrait à l’Alliance d’aller au-delà de l’analyse rétrospective des résultats obtenus depuis 1949 et d’une réponse conjoncturelle aux événements, donc de se projeter sur l’avenir, de répondre aux événements par une attitude fondée sur une logique. Ce projet avait été admis à l’unanimité. Tout au long de l’année, plusieurs gouvernements et le Secrétariat International de l’OTAN avaient travaillé à ce « plan de dix ans », qui devait constituer l’essentiel du Rapport de M. H. Spaak à la session ministérielle du Conseil. Or M. Spaak n’a présenté qu’un « Rapport intérimaire », reportant son Rapport général à la session de printemps du Conseil. Certes, l’élection de M. John Kennedy à la présidence des États-Unis a empêché M. Christian Herter de prendre certaines initiatives : il faut attendre le printemps 1961 pour que la nouvelle administration américaine soit à même de préciser ses vues. Mais cette élection (ou, plus exactement la victoire des Démocrates sur les Républicains) était, en elle-même, une des hypothèses dont on ne pouvait pas ne pas tenir compte. On ne peut donc pas se référer à elle seule pour expliquer que la session de décembre du Conseil Atlantique n’ait abouti à aucune décision, ni à l’adoption d’aucun projet précis.
Comment expliquer ce fait ? Essentiellement par les difficultés qu’éprouvent les responsables de l’OTAN à faire admettre aux gouvernements des pays membres la nécessité d’un réaménagement profond de l’Alliance, de son adaptation à une situation fondamentalement différente de celle de 1949. Avant d’analyser les problèmes posés par ce réaménagement, il est utile de rappeler que, sur le plan militaire, un réexamen général est en préparation — pour « couvrir » les années 1962-1966, et qu’à cet égard l’année 1961 va être décisive. Le Conseil Atlantique a dû, en décembre, constater que si des progrès avaient été accomplis par rapport à 1958 et 1959, ils restent insuffisants. Ce jugement ne peut pas, évidemment, ne pas tenir compte de l’évolution des forces soviétiques, cette évolution étant caractérisée par :
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