Militaire - Armée de terre française : bilan des départs volontaires - États-Unis : budget de la défense 1967-1968 - La crise anglo-maltaise - Allemagne fédérale : répercussions sur la défense des mesures d'assainissement budgétaire - Rééquipement des forces armées belges et néerlandaises - La propulsion par énergie atomique et le désarmement du cargo Savannah
Armée de terre française : bilan des départs volontaires
Les diverses mesures édictées par les lois 63-1333 et 63-1334 du 30 décembre 1963, en vue de faciliter la réduction des effectifs de l’Armée de terre par départs volontaires, ont cessé d’être applicables (à l’exception des articles 5 et 6 de la loi 03-1333 qui demeurent applicables jusqu’au 31 décembre 1968) à compter du 1er janvier 1967.
Au cours des trois années d’application de ces lois, 6 396 officiers ont quitté volontairement l’Armée de terre.
L’article 3 de la loi 63-1333 permettait de quitter l’Armée en bénéficiant d’une pension de retraite calculée sur le grade ou l’échelon supérieur. L’article 4 de cette même loi offrait la possibilité d’être placé en position de disponibilité pour une période déterminée. Les articles 5 et 6 permettaient le reclassement dans les collectivités locales et les administrations de l’État autres que l’Éducation Nationale. La loi 68-1834 autorisait le reclassement des officiers dans des emplois relevant du ministère de l’Éducation nationale.
Bénéficiaires des différents articles et lois
Loi 63-1333 :
Article 3 : 4 462
Article 4 : 560
Articles 5 et 6 : 62
Soit : 5 084
Loi 63-1334 : 1 312
Total général : 6 396
Répartition par grade
Colonels : 204
Lieutenants-colonels : 952
Commandants : 2 297
Capitaines : 2 857
Lieutenants : 86
Total général : 6 396
Répartition par arme
Infanterie : 1 107
Arme blindée cavalerie (ABC) : 475
Artillerie : 546
Train : 266
Musique : 10
Génie (arme) : 345
Transmissions (arme) : 285
Infanterie de Marine : 729
Artillerie de Marine : 185
Cadre spécial métro et TDM : 1 590
Intendance fonctionnaire : 111
Matériel ingénieurs : 43
Intendance O.A. : 252
Matériel adjoint : 350
SMB : 102
Total : 6 396
Répartition par origine
Grandes Écoles (Polytechnique, St-Cyr) : 15,4 %.
IA (École spéciale militaire interarmes, concours des corps de troupe) et Officiers de réserve : 87,1 %.
Rang et OAEA (Officiers d’active formés dans les écoles d’armes) : 47,4 %.
Répartition par âge (à la date du départ)
42,75 % des officiers avaient 50 ans ou plus.
86,80 % des officiers avaient entre 45 et 49 ans.
17 % des officiers avaient entre 40 et 44 ans.
8,45 % des officiers avaient moins de 40 ans.
Le nombre des volontaires a été légèrement supérieur au total des départs. Certains officiers, dont le maintien en service était indispensable pour l’Armée de terre, n’ont pas été autorisés à bénéficier de ces lois de dégagement.
États-Unis : budget de la Défense 1967-1968
Le programme de Défense pour la période 1968-1972 et le budget de Défense 1967-1968 ont été présentés, le 23 janvier 1967, aux Commissions intéressées du Sénat par M. McNamara.
Le budget de Défense 1967-1968 (1er juillet 1967 - 30 juin 1968) s’élève, en ce qui concerne les autorisations de programme, à 79 556 millions de dollars contre 77 451 en 1966-1967, en augmentation de 3 % seulement sur celui de l’année précédente. Il est vrai que ce dernier ne s’élevait initialement qu’à 63 355 M$ auxquels est venu s’ajouter un collectif substantiel en cours d’exercice.
Quant aux crédits de paiement, ils se montent à 76 828 M contre 71 325 en 1966-1967 (initialement ils avaient été fixés à 61 404).
Ce budget est influencé par deux causes :
– la prolongation du conflit au Vietnam,
– le développement des armements nucléaires soviétiques.
Conflit vietnamien. — Les crédits budgétaires ont été calculés en tenant compte que le conflit vietnamien ne sera pas réglé en juin 1968. Les dépenses prévues pour le Vietnam ont été fixées à 21 900 M$, en augmentation régulière depuis 1965 :
1965 : 103 M$
1966 : 5 812 M$
1967 : 19 419 M$
1963 : 21 900 M$
C’est également ce conflit qui est la cause d’une augmentation constante des effectifs sous les drapeaux :
– au 30-6-65 : 2 655 383 h.
– au 30-6-66 : 3 091 552 h.
– au 30-6-67 : 3 386 820 h. (estimation).
– au 30-6-6S : 3 464 300 h. (effectifs budgétaires).
À ces effectifs s’ajoutent les personnels civils :
– au 30-6-66 : 1 103 699 ;
– au 30-6-67 : 1 216 595,
– au 30-6-68 : 1 240 100 ;
ces augmentations successives sont la conséquence d’une part de la création de nouveaux postes civils en relation avec le conflit vietnamien et, d’autre part, du remplacement de militaires par des civils ; 115 000 militaires environ ont été rendus disponibles depuis le début de 1966.
Les besoins en munitions sont tels que les crédits munitions sont globalement en nette augmentation (sauf en ce qui concerne l’Air) :
Budget 1966-1967 |
Budget 1967-1968 |
|
US Army |
1 945 M$ |
2 224 M$ |
US Navy |
1 889 M$ |
1 723 M$ |
US Marine Corps |
231 M$ |
463 M$ |
US Air Force |
1 739 M$ |
1 629 M$ |
Les matériels aériens (avions et hélicoptères) bénéficient de très importantes commandes :
– US Army : 1 479.
– US Navy et Marine Corps : 680.
– US Air Force : 874.
Développement des armements nucléaires soviétiques. — L’accélération de l’installation de Missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) en silos protégés et la mise en place d’un système de défense antimissiles en URSS ont amené les Américains à modifier leur programme quinquennal de défense 1968-1972 concernant leurs forces nucléaires stratégiques.
M. McNamara envisage donc :
– d’accélérer la mise au point du missile Poseidon dont la décision de production pourrait être prise en cours d’exercice,
– d’augmenter la proportion de Minuteman III dans le programme d’équipement de la force stratégique,
– de perfectionner les aides à la pénétration adaptées aux têtes nucléaires des deux missiles ci-dessus et d’en accroître la fabrication,
– de lancer des études concernant la mise au point de nouveaux corps de rentrée spécialement conçus pour l’attaque d’objectifs défendus par des missiles antimissiles ;
– de procéder rapidement au remplacement d’une part des Minuteman I par des Minuteman III, d’autre part des Polaris par des Poseidon.
Quantitativement, le nombre des vecteurs restera sensiblement le même :
– 1 000 Minuteman II (700) et III (300),
– 54 Titan II,
– 41 sous-marins SSBN : Polaris A3 (10) et Poseidon (31),
– 465 bombardiers.
Les Minuteman III et les Poseidon pourraient être armés de 8 têtes nucléaires pouvant être dirigées sur trois objectifs différents. Les besoins américains ci-dessus sont calculés uniquement en fonction de la menace soviétique. Pour M. McNamara, la menace chinoise n’aura pas de signification avant 1975 ; aucun crédit n’est donc prévu dans le budget 1967-1968 car les Chinois, estime-t-il, mettront plus de temps à créer une force nucléaire offensive que les États-Unis à édifier la parade nécessaire. Le programme antichinois est donc remis à plus tard.
La crise anglo-maltaise
Selon un calendrier arrêté par le gouvernement britannique, le retrait des unités anglaises de l’île de Malte s’échelonnerait dans les conditions suivantes :
– avant la fin de 1967, retrait progressif de la totalité des forces navales : 1 squadron d’escorteurs et de frégates, 1 squadron de dragueurs de mines, une escadrille de la Fleet Air Arm ;
– en 1968, dissolution d’un squadron de la RAF sur les 8 encore existants ;
– en 1970, retrait des 2 bataillons d’infanterie ;
– enfin, dès 1968, Londres cesserait de contribuer à l’entretien du Régiment d’artillerie maltais et réduirait progressivement l’importance des effectifs maltais servant dans l’armée britannique : ils sont actuellement de l’ordre de 2 500 hommes dont 400 sont affectés dans des unités stationnées outre-Rhin.
De 5 000 h. actuellement (2 600 h. pour l’Armée, 1 500 pour la Marine et 1 000 h. pour l’Air), les effectifs britanniques seront ramenés en 4 ans à 1 500 h. au total. Les charges d’entretien seraient ainsi réduites de plus de moitié : de 12,5 millions de livres par an à 5 ou 6 M.
Sur le plan stratégique, les conséquences de ces mesures sont très importantes. Elles diminuent la position de la Grande-Bretagne en Méditerranée. Gibraltar et La Valette ne seront plus que des escales pour la marine tandis que les 2 aérodromes de Malte, celui de Chypre et celui de Libye ne seront plus que des relais sur les lignes aériennes du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient.
Sur le plan économique maltais, la décision britannique risque de provoquer une crise sérieuse. L’île, en effet, ne peut subvenir à ses besoins sans aide extérieure. La balance commerciale est fortement déficitaire : les exportations ne s’élèvent qu’à 5 M£ contre 29 M pour les importations, dont l/8e réservé à des produits alimentaires. Les dépenses britanniques dans l’île représentaient jusqu’ici 1/3 du revenu national, tandis que le 1/6e de la population salariée maltaise était employée dans les organisations britanniques, notamment à la base navale de La Valette.
Au moment de la proclamation de l’indépendance de l’île, en 1964, Londres avait consenti, en échange de facilités militaires, une aide économique à Malte de 50 M£ échelonnée sur dix ans – 18,8 M£ avant le 31 mars 1967 et 31,2 M£ au cours des 7 années suivantes – pour permettre :
– la reconversion de l’arsenal de La Valette,
– la création d’industries légères,
– le développement du tourisme.
Cette aide apparaît insuffisante pour pallier les menaces de chômage consécutives à la réduction de 9 000 à 8 000 du nombre des Maltais employés par les forces anglaises. Actuellement, on compte dans l’île 8 000 chômeurs, soit 10 % de la population active. Les relations anglo-maltaises sont tendues ; déjà, le Premier ministre maltais, le Dr Borg Olivier, a remis à Londres, en janvier dernier, un aide-mémoire précisant que la Grande-Bretagne a rompu unilatéralement les accords de défense du 21 septembre 1964 et abandonné les facilités militaires que le gouvernement maltais lui avait accordées. Des mesures de rétorsion ont même déjà été appliquées : refus de ravitailler les appareils de la RAF notamment.
En Angleterre, l’opinion est partagée : les uns critiquent la position gouvernementale et rappellent les épreuves subies par Malte pendant la dernière guerre ; les autres réclament la neutralisation totale de l’île, tandis que l’URSS profite de la situation pour renouveler sa demande d’ouverture d’une ambassade à La Valette.
Le conflit prend ainsi un aspect nouveau. Mais Londres, sans revenir sur ses décisions qui sont en conformité avec son programme d’économies appliqué depuis juillet 1966, pourrait les accommoder d’amendements qui permettraient de concilier les intérêts des deux pays et de sauvegarder la vie économique de Malte.
Allemagne fédérale : répercussions sur la défense des mesures d’assainissement budgétaire
La dégradation de l’économie allemande – marquée notamment par un abaissement du taux d’accroissement du PNB, par une diminution de la demande intérieure, par un recul des investissements, par une augmentation du coût de la vie et du nombre des chômeurs – a contraint le nouveau Chancelier de l’Allemagne fédérale, M. Kiesinger, à promulguer dans les plus bref délais un plan d’assainissement budgétaire et de relance économique.
Le déficit budgétaire, évalué à 3,68 milliards de marks, sera comblé en partie par 2,58 M de marks d’économies réalisées sur les crédits de divers départements. Le budget de la Défense nationale subit une réduction de 240 M de marks, qui engendrera certaines mesures à prendre dans les trois Armées. C’est ainsi que, selon les déclarations de M. Schrœder, ministre de la Défense, les effectifs de la Bundeswehr se stabiliseraient autour de 460 000 h.
L’Armée de terre restera provisoirement à 315 000 h, y compris les services et les unités de la Défense territoriale. Plutôt que de se consacrer à la mise sur pied de nouvelles divisions, elle s’attachera au recomplètement de brigades déficitaires et à la modernisation des grandes unités.
La Marine, par suite de la réduction de ses crédits – de l’ordre de 10 à 15 % – devra échelonner son programme de constructions neuves et ralentir certains travaux de carénage et de refontes.
L’Armée de l’air ne subirait sans doute aucune réduction de crédits mais l’industrie aéronautique, dont la situation reste préoccupante, devrait abandonner l’étude de certains programmes, notamment de l’avion à décollage vertical EWR VJ-101 et de l’avion de transport Dornier DO-31.
Toutefois, les crédits réservés à la Recherche et aux Essais du ministère de la Défense sont maintenus en augmentation très sensible : 810 M de DM contre 601 en 1966.
Rééquipement des forces armées belges et néerlandaises
Depuis quelques années déjà, le gouvernement belge envisage de remplacer les 580 chars M46 Patton de la dernière guerre (Ndlr : Corée), complètement périmés mais qui équipent encore ses unités blindées, par des engins plus modernes. Deux chars sont toujours en compétition : l’AMX-30 français et le Leopard allemand. Bruxelles envisage une première commande de 334 chars ; le reste dépendra de la réorganisation des forces belges, actuellement à l’étude dans le cadre de la révision des engagements de la Belgique à l’égard de l’Otan. Le budget belge 1966 prévoyait déjà des crédits – 800 M de francs belges – pour la rénovation des unités blindées mais la situation économique difficile avait contraint le gouvernement à ajourner cette mesure. Enfin, la Belgique doit encore assurer la modernisation de son groupe de transport aérien doté de Fairchild C-119 Boxcar, soit par des Bréguet 941, soit par des Lockheed C-130 Hercules américains. Mais ce programme est reporté à quelques années.
* * *
Quant à la Hollande, elle doit procéder à la modernisation de son armée de l’air. Elle a signé avec le Canada des accords concernant la fabrication d’avions Northrop par la Canadian Aircraft Corporation. La firme américaine Northrop Corporation participera à la construction des cellules et d’une partie de l’équipement électronique. Les accords concerneraient :
– 75 chasseurs bombardiers monoplace, type CF-5A,
– 30 chasseurs d’entraînement, type CF-5B.
Coût total : 601 millions de florins, soit 810 millions de francs français. Il convient d’attendre l’approbation du Parlement, qui enlèverait définitivement toute chance au Mirage V.
La propulsion par énergie atomique et le désarmement du cargo Savannah
Le succès de l’énergie atomique pour la propulsion des sous-marins et son emploi sur certains croiseurs et gros porte-avions américains avaient fait penser, il y a quelques années, à son adoption rapide pour la propulsion des navires de commerce. Cependant le cargo américain à propulsion atomique Savannah, lancé en 1959, est resté le seul représentant de son espèce ; le brise-glace soviétique Lénine appartient à une autre catégorie, où les conditions de rentabilité sont différentes.
Or le Savannah va être retiré du service dans quelques mois, en juillet 1967, et placé dans la flotte de réserve. Son exploitation, régulièrement déficitaire – 3 M$ par an – est devenue incompatible avec les nécessités budgétaires américaines et les économies imposées par la guerre au Vietnam.
Cette décision appelle deux remarques.
1. – Les constructeurs du Savannah, cargo expérimental, de tonnage modeste – un peu plus de 20 000 t – n’avaient pas la prétention de réussir d’emblée un navire capable d’entrer en compétition, sur le plan de la rentabilité, avec les cargos à propulsion classique. Ils cherchaient à définir les conditions d’exploitation et les servitudes d’un tel navire.
Il est en effet permis de supposer que celui-ci ne devait pas rester unique : les installations de Galveston, où le Savannah se ravitaillait en combustible, peuvent assurer dix renouvellements complets par année. Un navire à propulsion atomique effectuant cette opération environ tous les quatre ans, c’est environ 40 cargos type Savannah qui pouvaient y être ravitaillés. On imagine mal que de semblables investissements aient pu être réalisés sans qu’existât alors un programme beaucoup plus ambitieux de flotte de commerce nucléaire. On est donc porté à croire que, dès son lancement, le prix de construction et les frais d’exploitation du Savannah furent tels qu’ils dissuadèrent les promoteurs d’aller plus loin. Aujourd’hui, rien n’incite probablement le gouvernement américain à poursuivre une expérience qui a donné tout ce qu’il pouvait en attendre.
2. – La seconde remarque concerne le budget des États-Unis. En dépit de leur prospérité, la guerre du Vietnam pèse de plus en plus lourd sur leur économie. Les réductions de dépenses, qui s’imposent, touchent avant tout les secteurs ou « une pause » peut être acceptée sans trop de dommages. La propulsion atomique des navires de commerce serait un de ces secteurs parmi beaucoup d’autres.
Les conclusions que l’on peut tirer du désarmement du Savannah doivent néanmoins être très nuancées et prudentes :
– Ce cargo n’est par rentable.
– Pour le moment, les États-Unis ne semblent pas disposés à poursuivre, sur le plan commercial, une expérimentation coûteuse.
– Mais sur le plan technique, les essais se poursuivent certainement, les nombreux bâtiments à propulsion nucléaire de l’US Navy le permettent. Il ne serait donc pas surprenant que dans quelques années les chantiers américains sortent un cargo très différent et capable d’entrer en compétition avec les bâtiments à propulsion classique. ♦