Avec les évolutions de la doctrine américaine, l’avenir de la dissuasion nucléaire pour protéger l’Europe se pose. Le renforcement des capacités françaises et britanniques est nécessaire, tout en essayant de maintenir un lien transatlantique fort afin d’éviter un risque de prolifération par les États privés de la protection des États-Unis.
L’avenir de la dissuasion nucléaire transatlantique et européenne
Puissances nucléaires et alliances dans un nouveau contexte stratégique
The Future of Transatlantic and European Nuclear Deterrence
Nuclear Powers and Alliances in a New Strategic Context
As US doctrine evolves, the question arises over the future of nuclear deterrence to protect Europe. Strengthening of French and British capability is necessary, whilst at the same time trying to maintain a strong transatlantic link in order to avoid a risk of proliferation by countries deprived of US protection.
Si, depuis plus de 70 ans, les États-Unis sont le principal agent de dissuasion nucléaire de l’Alliance atlantique, le doute quant à la crédibilité et à la durabilité de l’engagement américain à protéger ses alliés européens ne cesse de croître. Certes, l’Otan a déjà essuyé nombre de tensions transatlantiques, mais l’échelle et le nombre de celles qui s’accumulent aujourd’hui sont inédits. L’administration du président Donald Trump s’est engagée, bien davantage que ses prédécesseurs, à accorder la priorité à la région indo-pacifique plutôt qu’au Vieux Continent. Les États-Unis cherchent également à « normaliser » les relations avec la Russie – bien que cette dernière continue à faire la guerre à l’Ukraine sous couvert de menace nucléaire et qu’elle soit hostile à l’Otan – et entretiennent désormais des relations beaucoup plus énergiques et transactionnelles avec leurs alliés. Trump et son administration ont ouvertement remis en question l’engagement de défense des États-Unis vis-à-vis des membres de l’Otan dont les dépenses militaires ne sont pas suffisantes ; ils ont menacé le Danemark et le Canada, critiqué les politiques internes de l’Europe et imposé des droits de douane conséquents aux alliés.
Ces événements ont suscité des exhortations à accorder à l’Europe un plus grand rôle dans la dissuasion nucléaire, notamment de la part de dirigeants de l’Alliance. En février 2025, le nouveau chancelier Friedrich Merz a appelé le Royaume-Uni et la France à renforcer leur protection nucléaire de l’Allemagne. À la suite de cet appel, le président français Emmanuel Macron a invité les alliés à un débat sur une possible protection par la dissuasion nucléaire française. Cette proposition a été bien accueillie par le Premier ministre polonais Donald Tusk qui en a profité pour signaler que le développement d’un programme nucléaire polonais n’était pas totalement exclu.
De toute évidence, les Européens doivent davantage participer à la dissuasion nucléaire sur leur propre continent, tout en continuant d’œuvrer avec les États-Unis à préserver, et idéalement à renforcer, la protection nucléaire américaine des alliés. La solution la plus réaliste consisterait à renforcer le rôle de la France et du Royaume-Uni dans la sécurité collective, et à investir plus largement dans les capacités non nucléaires à l’échelle de l’Europe. Cependant, pour la France et le Royaume-Uni, il serait bien plus difficile de se substituer à la vaste capacité de dissuasion des États-Unis que de la compléter, car elle est basée sur des forces nucléaires bien plus grandes et plus efficaces (1). L’abandon des alliés de l’Otan par les États-Unis n’est pas couru d’avance ; cette éventualité ne pourrait être totalement exclue si les tensions transatlantiques devaient continuer de s’intensifier. Si jamais cela se produisait et que les deux puissances nucléaires de l’Otan restantes ne formaient pas un substitut convaincant à la dissuasion américaine, la prolifération d’armes nucléaires chez les autres alliés pourrait devenir une réalité.
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