L’administration Trump II a entamé un désengagement massif d’Afrique avec la fin de l’aide au développement, provoqué par le démantèlement de plusieurs agences américaines dont la United States Agency for International Development (USAID). Au soft power se substitue un volet économique privilégiant une approche transactionnelle autour de l’extraction de matières premières. Le risque est un vide stratégique.
La stratégie africaine des États-Unis sous Trump II : désengagement, prédation économique et fin du soft power
US African Strategy Under Trump II: Withdrawal, Economic Predation and the End of Soft Power
The second Trump administration has begun a massive withdrawal from Africa with the end of US development aid—a result of the dismantling of several American agencies, including the United States Agency for International Development (USAID). In place of soft power comes an economic policy with a commercial approach to the extraction of raw materials. The risk is a strategic vacuum.
Les choix de l’administration Trump II induisent un changement de paradigme de la conduite de la politique étrangère américaine au détriment de la promotion de la démocratie et au bénéfice d’un mercantilisme assumé. Fidèle au slogan « America First », le second mandat de Donald Trump met fin à plusieurs piliers historiques de l’influence américaine dans le monde, notamment l’Aide publique au développement (APD). L’Afrique, continent historiquement marginalisé mais stabilisé en partie grâce aux instruments de diplomatie publique, devient désormais le théâtre d’un repli stratégique doublé d’une logique extractive agressive. Le démantèlement de la United States Agency for International Development (USAID), la mise à l’écart de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) et la suppression des opérations multilatérales témoignent de cette mutation géopolitique brutale. Pour saisir les contours de cette rupture stratégique, nous examinerons d’abord le retrait de l’APD, puis le démantèlement du soft power, avant d’analyser la logique extractive désormais au cœur de l’engagement américain en Afrique.
La fin de l’aide publique au développement
L’un des gestes politiques les plus radicaux du second mandat de Donald Trump est certainement la suspension de l’APD. Dès janvier 2025, un décret présidentiel suspend toutes les dépenses internationales pour 90 jours (1). Ce gel est suivi du licenciement de plus de 5 000 employés de l’USAID et de l’annulation de 83 % des projets en cours. L’agence, pilier de l’aide humanitaire américaine depuis 1961, voit son budget (42,8 milliards dollars américains – USD) ramené à 20 % de son niveau antérieur. Donald Trump affirme que l’aide extérieure « ne protège pas l’Amérique » et la qualifie de « gaspillage sans contrepartie directe ». Les conséquences sont immédiates. Dans plus de 80 pays, dont une trentaine en Afrique subsaharienne (2), des campagnes de vaccination sont interrompues, des programmes d’eau potable suspendus, où des régions entières basculent dans une insécurité alimentaire critique.
Le président Trump justifie cette orientation en affirmant que « chaque dollar dépensé à l’étranger doit renforcer la sécurité intérieure ou créer un retour direct » (3). Ce repositionnement idéologique transforme fondamentalement le rôle de l’Amérique dans les pays en développement. Jadis principal bailleur de fonds de l’éducation, de la santé et de l’agriculture durable, les États-Unis se retirent en masse, laissant alors des zones entières sans appui logistique ni médical. Cette approche a été vivement critiquée sur la scène nationale, notamment par le Républicain Andrew Natsios, directeur de l’USAID de 2001 à 2006 sous la présidence de George W. Bush. Ce dernier plaide pour une réforme plutôt qu’un démantèlement. Selon lui, l’agence représente un outil essentiel de stabilisation dans des contextes fragiles, et sa disparition met en péril non seulement les bénéficiaires directs de l’aide, mais aussi les intérêts stratégiques des États-Unis eux-mêmes (4). Il est à noter que d’autres considèrent néanmoins que cette « fin de l’industrie de l’aide » pourrait représenter une opportunité pour repenser l’approche du développement. Par exemple, Zainab Usman, directrice du programme Afrique à la Carnegie Endowment for International Peace, appelle à substituer aux logiques d’assistance humanitaire des modèles plus axés sur l’industrialisation, l’investissement et la souveraineté économique des pays africains (5).
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