Les Émirats arabes unis ont massivement investi en Afrique avec une stratégie qui a longtemps manqué de visibilité. Leur politique d’influence a été marquée par une militarisation des modes d’action. Désormais les EAU s’attachent à élargir le champ des coopérations, en particulier avec plus d’États du continent.
Les Émirats arabes unis : un acteur majeur en Afrique dont la stratégie interroge
The United Arab Emirates: A Major Player in Africa Whose Strategy is Open to Question
The United Arab Emirates (UAE) have invested heavily in Africa according to a strategy which has for long lacked visibility. Their policy of influence has been marked by militarisation of their modes of action. Currently, the UAE are broadening their field of cooperation—in particular with more countries on the continent.
Les Émirats arabes unis (EAU) ont su s’imposer en ce premier quart de XXIe siècle comme un acteur majeur sur le continent africain. Les indicateurs statistiques les classent, en 2023, au 4e rang des pays dont la présence et le poids économique sont les plus importants en Afrique (1). L’État fédéral émirien se situe au 2e rang des plus grands importateurs de ressources naturelles en provenance du continent africain avec 7,6 %, soit 47,6 milliards de dollars américains (USD), contre 15,2 % pour la Chine et au 6e rang des pays exportateurs vers l’Afrique (3,8 % avec 28,7 Mds USD) juste devant la France et loin derrière la Chine (22,8 %). Plus significativement, les EAU occupent aujourd’hui le 3e rang des pays créditeurs vis-à-vis des pays africains avec 6,5 % (15,5 Mds USD) derrière la France qui enregistre 10,1 %. Néanmoins, le poids de cette dette est extrêmement concentré autour d’un petit noyau de pays contrairement à la Chine qui se classe au 1er rang, en absorbant 36,1 % de la dette mais répartie sur l’ensemble du continent. Cependant, si l’on ajoute 5,5 % pour l’Arabie saoudite et 4,1 % pour le Koweït, le pourcentage du poids de la dette des pays du Golfe atteint 20 % et donne un aperçu de leur influence sur le continent aujourd’hui.
Cette politique proactive des EAU, combinant implication sécuritaire et militarisation accrue, met en évidence des relations devenues complexes avec les pays africains où les Émirats ont massivement investi, et ce, afin de sécuriser leurs intérêts. Toutefois, la lisibilité stratégique de cet acteur devenu majeur en Afrique ne cesse d’interroger. Nous examinerons la cohérence, les contradictions et les limites de la montée en puissance émirienne en Afrique, à la lumière de la littérature existante et d’entretiens effectués auprès de praticiens et chercheurs établis aux EAU.
La présence émirienne en Afrique
L’empreinte commerciale, maritime, financière de l’État fédéral émirien en Afrique s’inscrit dans le cadre d’une politique d’influence, d’abord menée par Dubaï, pour saisir les opportunités économiques dans le secteur des infrastructures de transports, des télécommunications et de la logistique portuaire. Au début des années 2000, Dubaï est la vitrine de l’État fédéral pour promouvoir la politique de diversification économique du pays en Afrique, avec priorité donnée au commerce. La crise financière mondiale de 2008 rejaillissant sur les équilibres internes de l’État fédéral, inverse les rapports de force en faveur de la capitale politique des EAU. La crise précipite l’éclatement de la bulle immobilière dubaïote, provoquant son surendettement, que la capitale politique de la fédération, Abou Dabi, prend en charge, en injectant 10 Mds USD à Dubaï en décembre 2009. La dette dubaïote s’élève en tout à 20 Mds USD, montant total de l’aide apportée par la Banque centrale aboudhabienne à Dubaï pour rembourser sa dette.
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