Les sanctions internationales contre la Birmanie et la junte militaire, présentées comme le moyen de faire émerger la démocratie dans ce pays, ont eu pour effet d'aggraver la pauvreté de la population et de renforcer considérablement le poids de la Chine populaire sur cette région hautement stratégique. Les États-Unis et l'Union européenne devraient renoncer à cette politique contre-productive pour privilégier le soutien aux investissements étrangers durables et revenir à une action d'influence constructive.
Birmanie : un enjeu majeur pour les relations euro-asiatiques
Birmanie
Les Occidentaux semblent l’avoir oublié : la Birmanie constitue plus que jamais un axe clé de communications vers l’Asie du Sud-Est. Après l’avoir convoitée dès le XVIIIe siècle, ils mésestiment aujourd’hui sa dimension stratégique et préfèrent focaliser leur action diplomatique sur un seul objectif : le renversement de la junte au pouvoir au Myanmar. Pour légitime qu’elle soit, cette ambition s’appuie cependant sur une conception simplifiée de la réalité politique et sociale de la Birmanie. La libération d’Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix, assignée à résidence depuis 2002, est présentée comme le symbole et l’aboutissement de la démocratisation du pays. Or, entre cette libération et l’instauration d’un régime démocratique, il y a un pas. De la même façon, la politique des sanctions économiques et financières s’impose comme le seul instrument censé infléchir la junte. Naguère plus modérée, la diplomatie européenne tend à s’aligner sur la position américaine, comme en témoigne le durcissement de la politique de sanctions décidée par les ministres des Affaires étrangères européens à l’issue du dernier sommet du Forum Europe-Asie (Asem, Asia-Europe Meeting).
La réaction de la junte à cette initiative donne pourtant à réfléchir sur l’efficacité politique de ces sanctions. Le State Peace and Development Council (SPDC), son nom officiel, a vécu le renforcement des sanctions comme un camouflet face à ses récentes tentatives d’ouverture. Le 19 octobre dernier, la junte a immédiatement destitué et assigné à résidence le Premier ministre, le général Khin Nyunt, lequel avait été à l’origine d’une reprise du dialogue avec les différentes factions de l’opposition. Sur le plan diplomatique, elle radicalise également ses positions et se replie sur les relations régionales avec l’Inde et la Chine. La politique des sanctions montre, ici, son caractère contre-productif. On peut, dès lors, s’interroger sur ce qui se passera lorsque la Birmanie assumera la présidence de l’Asean (Association des Nations du Sud-Est asiatique) en 2006.
L’isolement de la Birmanie par les Occidentaux n’apparaît donc pas comme la meilleure réponse stratégique aux nouveaux défis que leur pose la région : terrorisme islamique, balance structurellement déséquilibrée entre ressources et demande énergétique, et développement accéléré de la puissance chinoise alors même qu’aucun observateur n’est en mesure de prévoir l’évolution de son régime politique à moyen terme.
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