Parfois discrédité par des affaires qui sont exploitées, voire altérées, par des médias en quête de sensationnel, le renseignement français traverse une crise d’identité. Ce trouble est dû essentiellement aux relations complexes que les acteurs de cette activité controversée, mais indispensable dans tout État, entretiennent avec le pouvoir politique et les organismes d’information destinés au grand public. Le malaise est amplifié par les dysfonctionnements inhérents à une certaine pesanteur bureaucratique et aux luttes internes entre les différents services et réseaux. Le débat a pris une dimension particulière avec la place que le renseignement doit occuper dans une démocratie, un sujet brûlant qui s’efforce de concilier des notions apparemment contradictoires, comme le secret et la transparence, la raison d’État et la légalité.
Les services de renseignement français en quête d'une nouvelle identité
Tout homme responsable a besoin d’être renseigné. Le politique doit savoir avant de décider ; le chef militaire a besoin de connaître son adversaire et son terrain d’engagement avant de monter une opération ; le chef d’entreprise est dans la nécessité d’avoir des informations sur ses concurrents pour organiser une stratégie de profits. Ce triple constat s’impose comme une évidence depuis la nuit des temps. Pour être pleinement efficace, la fonction renseignement doit donc être intégrée dans notre culture nationale. Or notre société contemporaine, souvent égarée par les contradictions émises dans un climat d’agitation médiatique, éprouve un sentiment étrange de méfiance envers « les fonctionnaires de l’ombre. » Cette suspicion est notamment le fait du pouvoir politique qui éprouve des difficultés certaines à entretenir un dialogue suivi avec un service qu’il utilise pourtant fréquemment.
Renseignement et politique
Les relations entre les deux entités ont souvent été secouées par des événements pitoyables qui ont mis en lumière l’incapacité de l’État à maîtriser certaines situations délicates. Parmi les ondes de choc qui ont ébranlé le pouvoir, celles consécutives aux affaires Ben Barka et Greenpeace retiennent toujours l’attention en raison des enseignements que les analystes continuent d’en tirer.
Quarante ans après l’enlèvement à Paris en octobre 1965 et l’exécution de Mehdi Ben Barka, de nombreux mystères demeurent. S’il s’avère que l’opération visant à faire disparaître l’opposant marocain a été commanditée à la seule initiative du général Oufkir, beaucoup de questions entretiennent toujours la polémique sur l’implication des services secrets dans cet épisode qui a longtemps perturbé les relations entre Paris et Rabat. Avec le recul, il est établi que le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage français (SDECE) n’a joué aucun rôle moteur dans le montage de cette lamentable affaire. Il a tout simplement été « débordé » par les agissements d’exécutants occasionnels dont certains étaient des truands notoires. Cet incident a montré les dangers de la trop grande latitude laissée aux recruteurs d’agents temporaires qui, par manque de formation, peuvent se lancer dans une mécanique infernale d’initiatives malheureuses ; et a mis en évidence, d’une part la puissance (et la nuisance) de l’emballement médiatique pour déconsidérer des services de la République, d’autre part la carence des réactions politiques. L’absence de clarification par les hauts responsables du gouvernement pour empêcher que l’événement ne prenne une ampleur démesurée a scellé un contentieux d’incompréhension durable dans le monde du renseignement.
Il reste 88 % de l'article à lire
Plan de l'article