Ce texte analyse les implications systémiques, géopolitiques et stratégiques des récentes mutations de la scène mondiale et vise à brosser les axes directeurs d’une stratégie intégrale et globale de l’Europe dans le monde. En identifiant le « pivot géographique de l’histoire du XXIe siècle » dans l’océan Indien, l’auteur croit y repérer un espace de présence européenne inaperçu et décisif. L’Unité politique de l’Europe, affirme-t-il, ne se fera pas par la paix ou par consensus, mais par la nécessité et par une « alliance de volontaires ». Elle sera davantage bismarkienne que fédéraliste.
Une autre stratégie pour l'Europe
A different strategy for Europe
This article analyses the systemic, geopolitical and strategic implications of recent changes in the world and suggests the elements of a European global strategy. Identifying the Indian Ocean as the ‘geographical fulcrum of the twenty-first century’, the author believes the region is an unnoticed but vital space where Europe must be present. Europe’s political unity, he maintains, will not happen peacefully or through consensus, but of necessity and via an alliance of ‘volunteers’. It will be more Bismarckian than federalist.
Entre 1989 et 1991 ont été tournées trois grandes pages de l’histoire contemporaine, géopolitique, stratégique et systémique. Le système international passe de la bipolarité à un état hybride d’unipolarisme imparfait et de multipolarisme tendanciel, la dissuasion, stratégiquement « dormante », y jouant une fonction de sanctuarisation et d’insularisation politique. Le monde se fraye un chemin agité et procède de la stabilité à l’instabilité ; et donc d’une forme d’équilibre stationnaire à des turbulences et tensions permanentes et diffuses, aggravées d’une course à la prolifération nucléaire et chimique.
En ce qui concerne la « gouvernabilité » du système, celle-ci évolue de la logique de la négociation à celle de la coercition dans le règlement des litiges, conjoncturels ou séculaires, entre acteurs en compétition, au Proche-Orient ou dans le golfe Persique, en Asie centrale et méridionale comme en Asie du Sud-Est. L’Histoire s’est remise en mouvement. Elle s’était nourrie depuis 1945 des dilemmes et des préoccupations de sécurité de l’époque de la bipolarité, aboutissant à une forme de stabilité relative entre systèmes opposés, codifiée par la dissuasion nucléaire et celle-ci a joué tout au long de cette période un rôle stabilisateur majeur, voire décisif.
Après l’implosion de l’empire soviétique s’ouvre une phase d’ajustements à caractère intereurasiens et une remise en cause des vieilles certitudes sur les grandes options stratégiques. L’opposition des peuples de la terre et des peuples de la mer, qui avait constitué la base du raisonnement géopolitique depuis Mackinder jusqu’à Haushofer, fut contournée dans l’après-guerre par la théorie du Rimland, l’anneau péninsulaire extérieur, dont le containment démontra la pertinence politique et la réussite stratégique.
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