L’évolution de la menace et de sa perception conduisent à estomper la distinction traditionnelle entre défense et sécurité et à réorienter les missions des armées. Cela constitue un défi majeur pour la fonction renseignement, qui doit prendre en compte des besoins supplémentaires dans un contexte marqué par l’évolution technologique, des contraintes juridique et de ressources, les attributions des services. Ceux-ci ont entrepris de le relever en commun et de s’adapter. Les voies passent principalement par l’amélioration de la coordination et le développement de la coopération internationale.
Renseignement de sécurité, un défi pour le renseignement d'intérêt militaire
Security intelligence: a challenge for intelligence of military interest
Changes in the threat and its perception are leading to a blurring of the traditional distinction between defence and security, and a reorienting of the armed forces’ missions. That is a major challenge for the intelligence community, which has to take account of additional requirements in a context of evolving technology, legal and financial constraints, and the services’ various capabilities. The latter are addressing the challenge and adapting. The solutions lie mainly in the improvement of coordination and greater international cooperation.
L’attentat du 11 septembre 2001 a incontestablement créé un choc. A-t-il vraiment marqué une rupture ? L’histoire le dira, mais probablement moins que la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, voire que la décolonisation ou même le premier choc pétrolier, en dépit de l’effet médiatique considérable qu’il a eu de par le monde. Toujours est-il que désormais les armées sont davantage impliquées dans des missions de sécurité. Celles-ci induisent des besoins particuliers en renseignement qui posent un défi que doit relever le renseignement d’intérêt militaire, dont le champ a tendance à s’étendre jusqu’à se confondre avec celui du renseignement de défense et de sécurité.
L’évolution du contexte
On ne peut nier que les attentats du 11 septembre 2001 aient constitué un saut qualitatif en matière de terrorisme. Pourtant, les menaces parfois qualifiées de « nouvelles » ne le sont pas tant que cela. Sans remonter à Ravaillac, à la secte des Assassins ou aux nihilistes russes, le terrorisme ne date pas de 2001. Nous le savons hélas bien en France. Nous y avons connu un terrorisme national (Action directe, ETA, certains séparatismes dont le corse) aussi bien qu’international (arménien, kurde, le DC8 d’UTA, la rue de Rennes, la station Port-Royal du RER…). À l’étranger, on a connu l’attentat des jeux olympiques de Munich, le détournement de l’Achille Lauro, les attentats de Lockerbie ou du métro de Tokyo (probablement le premier exemple d’utilisation d’agents chimiques à des fins terroristes). D’autres phénomènes tels que la criminalité organisée, y compris la piraterie maritime et les trafics d’armes, de drogue, d’êtres humains qui sont d’ailleurs parfois liés à la mouvance terroriste, ne datent pas non plus d’hier.
En fait, sans chercher à approfondir la relation de cause à effet entre l’œuf et la poule, on peut aussi penser que ce sont surtout la sensibilité de l’opinion et des considérations politiques qui ont incité, dans la plupart des pays, les gouvernements à conférer une priorité nouvelle à la lutte contre les menaces constituées par le terrorisme, mais aussi l’immigration clandestine qui peut en être le vecteur, tout comme les trafics qui peuvent le soutenir. La pression exercée en ce sens par les États-Unis et parfois des considérations de politique intérieure n’y sont pas étrangères : c’est le cas de l’action de la Russie au Caucase, qualifiée de lutte antiterroriste. De fait, les armées sont amenées à s’investir davantage face à ces phénomènes ; défense et sécurité sont désormais étroitement liées, comme devrait le prendre en compte le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale en cours d’élaboration.
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