L’intervention des militaires dans les affaires politiques est pratique courante au Proche-Orient. Le cas de l’Iran, où militaires et religieux travaillaient de concert, est particulier. Aujourd’hui, les mollahs n’ont plus, pour les soutenir, que les Pasdarans. Nul doute que ceux-ci joueront les premiers rôles sur les scènes nationale et internationale.
Les militaires et la politique en Iran
Politics and the military in Iran
The involvement of the military in politics is commonplace in the Middle East. Iran, where the military and religious leaders work in concert, is a special case. Today the mullahs have only the Pasdaran to support them. There is little doubt that the latter will play the leading role both nationally and internationally.
Dans la plupart des pays du Tiers-Monde la seule organisation bien formée en ordre n’est que l’armée ou l’ensemble des forces armées. Cependant, peu de pays définissent le rôle de l’armée dans leur constitution ; car en général le rôle que l’on connaît pour l’armée n’est que la défense du pays vis-à-vis des agressions venant de l’extérieur. Au cours du XXe siècle on a assisté à plusieurs coups d’État ou putsch, menés par les forces armées ; elles peuvent aussi réprimer des émeutes et combattre les mouvements subversifs. Parmi les pays qui ont défini le rôle de l’armée dans leur constitution, le cas de l’Iran suscite une curiosité qui mérite d’être abordée. En comparaison avec deux de ses voisins, à savoir la Turquie et le Pakistan où l’armée fait partie intégrante du gouvernement et est considérée comme une institution politique, la place des forces armées iraniennes dans la hiérarchie du pouvoir, voire leur rôle interne, manque de clarté alors qu’elles sont partout présentes. L’armée turque est garante de la laïcité de l’État turc ; l’armée pakistanaise est considérée comme le chien de garde de l’État ; elles peuvent justifier d’une façon ou d’une autre leur intervention sur le podium politique. En revanche, il n’y a pas de justification légale pour que les forces armées iraniennes interviennent dans tous les domaines. Pire, c’est la dichotomie qui règne puisque deux forces armées doivent protéger le pays face aux agressions et aux attaques étrangères : l’armée nationale et les gardiens de la révolution.
Les aspects historiques
L’État moderne ne commence en Iran que dans les années 20 avec Réza Shah qui n’était qu’un colonel de la division cosaque encadrée par l’armée russe dissoute après la révolution d’octobre 1917. Réza Mirpanj appuyé par les Anglais et chargé de procéder à l’unification du pays pour pouvoir faire face aux idées révolutionnaires communistes évinça la dynastie Qajar pour constituer une république laïque. Pour ne pas froisser les chefs religieux qui craignaient l’idée républicaine (URSS, Turquie) considérée par nature comme hostile aux religions, Réza Shah se dirigea vers la fondation d’une dynastie en choisissant un nom purement persan, Pahlavi. Il est devenu Roi en 1925 en ramassant tous les pouvoirs entre ses mains, et pour la première fois l’Iran se dotait d’une armée homogène, encadrée selon le modèle européen, se substituant aux armées tribales d’autrefois. Cette armée devait avant tout être obéissante à l’égard de la personne de Réza Shah, et prête à intervenir dans tous les domaines, à l’intérieur comme à l’extérieur si le Shah le désirait. Cette armée n’avait pas le droit de se mêler de politique. Après l’abdication de Réza Shah en 1941, à cause de sa collaboration avec l’Allemagne nazie, son fils lui succéda en poursuivant la même démarche. Les rois Pahlavi eux-mêmes avaient des grades militaires et se trouvaient à la tête des trois forces législative, exécutive et judiciaire, ainsi qu’à la tête des trois forces armées. Pendant le règne des Pahlavis les militaires étaient donc écartés de la politique, et les armées n’intervenaient que par ordre du roi pour lutter contre les émeutes, contre les résistances tribales ou autres ; comme en 1953 lorsqu’elles sont intervenues provoquant la chute du Premier ministre, à tendance démocratique, Mossadegh.
Avec la révolution islamique de 1979, la situation change complètement. L’armée royaliste tombe entre les mains des ayatollahs. Les généraux sont exécutés les premiers jours, quelques officiers supérieurs sont mis en retraite forcée précoce, et le reste jurant fidélité à l’égard de l’ayatollah Khomeini et de la révolution islamique reste en place et assistera à la modification profonde de l’organisation de l’armée. Cependant, la méfiance que les dirigeants de la révolution islamique éprouvaient à leur égard, surtout les mollahs qui n’avaient jamais vu de près un militaire de haut grade, a eu pour conséquence la marginalisation de la communauté militaire. Bien que pendant la guerre Iran-Iraq l’armée nationale ait fait preuve de courage et même de hardiesse pour défendre l’intégrité territoriale, les militaires n’ont toujours pas le droit de se mêler de politique. L’imam Khomeini montra son intelligence en refusant la dissolution de l’armée nationale alors même que les communistes et quelques groupes révolutionnaires l’encourageaient à le faire. Malgré tout, l’armée nationale reste depuis 1979 dans l’ombre d’une autre force appelée les gardiens de la révolution islamique (Pasdarans) ; cette force armée qui s’arroge le droit d’intervenir où elle désire. On peut se demander pourquoi ?
Il reste 63 % de l'article à lire
Plan de l'article