À l'occasion d'un colloque organisé par le SGDN et ayant pour thème « Économie de défense et désarmement », l'auteure a fait une communication fort intéressante sur les sanctions économiques appliquées au Nicaragua par les Américains. Les développements très complets de ce thème font l’objet de l’article ci-dessous. Nous rappelons que Mme Artaud a, en équipe avec Lawrence Kaplan, dirigé la rédaction d’un livre sur Diên Biên Phu, dont nous rendrons compte ; elle prépare en outre un ouvrage sur les États-Unis et le Nicaragua.
De Somoza à Ortega : l'efficacité des sanctions américaines au Nicaragua
À l’occasion du bain de sang sur la place Tien-an-Men en juin dernier, le Wall Street Journal posait la question de l’opportunité et de l’efficacité des sanctions à l’égard des régimes qui refusent de se démocratiser ou qui, pire encore, tel le gouvernement chinois, lancent une vague de répression brutale contre les opposants. À cette occasion, le grand journal américain citait deux exemples frappants par leur discordance. Les sanctions américaines auraient, selon lui, provoqué la chute de Somoza au Nicaragua en 1979. Par contre, elles seraient totalement inefficaces à l’égard du régime sandiniste qui maintient sa dictature depuis 10 ans (1).
Pourquoi des résultats si différents, à si peu de distance, alors que les sanctions sont adoptées par le même pays (les États-Unis), à l’égard du même fauteur de troubles (le Nicaragua), dans le même but (le respect des droits de l’homme et de la démocratie) ? Est-ce la nature du régime soumis aux sanctions ou le contexte international qui explique cette discordance ? Et d’ailleurs, est-il si assuré que, du point de vue des États-Unis, les sanctions imposées à Somoza aient été un succès sans limites, et qu’à l’égard du régime sandiniste, elles n’aient pas eu le moindre résultat ?
LA CHUTE DE SOMOZA : SUCCÈS DES SANCTIONS AMÉRICAINES ?
Pour des raisons géostratégiques, le Nicaragua a toujours été étroitement surveillé par les États-Unis : le lac Managua et son exutoire, le rio San Juan, constituent en dehors de la zone de Panama la seule voie commode pour traverser l’isthme centre-américain. C’est pourquoi, dès le début de ce siècle, afin d’éviter que des troubles intérieurs au Nicaragua ne provoquent une intervention étrangère (notamment celle de la Grande-Bretagne), le gouvernement américain a préféré intervenir lui-même : d’où le débarquement des marines, qui sont restés dans ce pays de 1912 à 1933 (à l’exception d’une brève période de 18 mois de 1925 à 1927). Cette intervention a ouvert la voie à l’établissement de la dynastie des Somoza (2), qui en dépit de son caractère dictatorial et des exactions de la garde nationale qui la maintenait au pouvoir, a toujours été soutenue par le gouvernement des États-Unis, du New Deal à la chute de Nixon. La formule, attribuée à Roosevelt, résume bien la situation : « (Somoza) est un enfant de p…, mais c’est notre enfant de p… » (3).
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