Dans cette étude, l'auteur traite de l'élargissement de l'Otan et de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale, compte tenu de la présence, de la position et de la situation de la Russie.
L'Europe centrale entre Russie, Otan et UE : dix ans après
L’année 1989 symbolise désormais l’unification — et même la réunification — des deux parties d’un continent européen divisé depuis 1945. En laissant se dérouler pacifiquement ce processus qui, pourtant, signifiait sa propre défaite, l’URSS gorbatchévienne avait été de fait associée à la construction de cette Europe nouvelle de « Brest à Brest ». L’euphorie de la réconciliation avait été confirmée en 1990 lorsque, à l’occasion de la crise du Golfe, l’URSS avait affiché sa volonté de ralliement et d’association pleine et entière à la « communauté des États démocratiques ». Le document commun signé le 3 août par MM. Baker et Chevardnadze constituait une primeur puisque, pour la première fois depuis 1945, l’URSS et les États-Unis se retrouvaient pour s’opposer ensemble à un État sinon allié tout au moins ami de Moscou. Certes, M. Chevardnadze avait bien considéré que cette décision avait été la plus difficile qu’il eût eu à prendre de sa carrière (1), mais elle fut prise. L’ordre bipolaire commença alors à se diluer pour laisser place à ce que, en juin 1991, James Baker appella de ses vœux : la formation d’une « communauté transatlantique de Vancouver à Vladivostok » partageant des valeurs identiques (2). Cette communauté, qualifiée dès lors d’« euro-atlantique », prit forme au sein de l’Otan dans le Conseil de coopération nord-atlantique (CCNA) instauré lors du sommet de l’Otan qui se tint à Rome en novembre 1991. Un mois plus tard, l’URSS disparaissait, modifiant la nouvelle donne issue des révolutions de 1989.
Dix ans plus tard, que reste-t-il de cette euphorie des premiers mois ? Qu’est-il advenu de cet espoir de réunification européenne conçue alors comme une intégration dans les structures occidentales des États qui avaient eu le sentiment d’avoir été abandonnés en 1945 ? Que reste-t-il de cette idée de formation d’une entité paneuropéenne, voire euro- ou transatlantique ?
L’Union européenne : une politique d’abandon ?
Dix ans après les révolutions de 1989, le processus d’intégration paneuropéenne paraît bien malade et l’euphorie n’est plus de mise, ni en Europe centrale ni en Europe occidentale, ni en Russie. Ces dix années ont bien été marquées par quelques progrès de l’intégration, mais elles ont surtout été caractérisées par une série de rendez-vous manqués, de maladresses politiques et d’incompréhension de part et d’autre ; au point que l’on peut se demander si l’Europe qui fut, un demi-siècle durant, coupée en deux, ne serait pas en train de se reconstituer en une Europe à nouveau multiple, divisée ; une Europe plus marquée par des ruptures de solidarité et des exclusions que par l’unité et l’intégration. Ces interrogations apparaissent surtout à partir de 1994-1995, c’est-à-dire à un moment où la question des adhésions, tant dans l’Union européenne que dans l’Otan, cesse d’être incantatoire pour être conçue comme une perspective concrète. La rhétorique laisse la place aux modalités d’adhésion, ouvrant ainsi une réelle rivalité entre les deux organisations faisant l’objet des convoitises les plus expresses des pays candidats. Le paradoxe de cette deuxième partie de la décennie 90 tient à ce que, sous couvert d’unification, le processus d’intégration pourrait susciter une série de divisions nouvelles.
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