Économique - Crises gouvernementales, crises de Trésorerie, crise de l'économie française
Depuis notre dernière chronique, les événements ont évolué, en France, avec une grande rapidité. Le gouvernement de M. René Mayer, après avoir pris par décrets certaines mesures d’assainissement financier, a échoué devant l’Assemblée nationale en demandant des « pouvoirs élargis » pour opérer des réformes plus profondes. M. Paul Reynaud, tout en présentant un diagnostic précis de notre situation économique et financière, a échoué aussi devant le Parlement, pour des raisons d’ordre constitutionnel. Enfin, M. Mendès-France, qui s’était volontairement tenu à l’écart du pouvoir depuis 1945, n’a pu, non plus, obtenir l’investiture, malgré un programme économique et financier dont la grande majorité des Français a reconnu l’opportunité, pour des raisons tenant essentiellement à la politique extérieure, et, en particulier, à la politique de la France dans l’Union française.
Il ne faudrait cependant pas croire que le désaccord se limite aux questions extérieures, la quasi-unanimité étant faite sur le programme économique et financier. En effet, la liaison entre nos obligations extérieures et notre situation économique est étroite : les tensions inflationnistes actuelles résultent sans aucun doute, comme M. Mendès-France l’a souligné à juste titre, de l’excédent des dépenses nationales – dépenses de l’ensemble des unités économiques de la nation, particuliers, entreprises et État – sur les ressources disponibles dans l’économie française.
La suppression de ces tensions inflationnistes exige la réduction de certains postes de la dépense nationale. Étant donné le niveau de vie relativement faible de la masse de la population et la nécessité pour les entreprises de procéder à de larges investissements, l’essentiel de la réduction nécessaire est envisagé comme devant porter sur les dépenses publiques, dont les crises successives de la Trésorerie soulignent, au surplus, le niveau excessif sur le plan financier. Mais, ainsi que nous l’avons plusieurs fois écrit dans ces chroniques, les postes de dépenses publiques susceptibles de se prêter à des compressions notables sont très peu nombreux : il s’agit à peu près exclusivement des dépenses de construction et d’équipement ainsi que des dépenses militaires. On s’accorde en général pour constater que les dépenses de construction et d’équipement sont incompressibles, si on ne veut pas aggraver encore le problème du logement et rendre l’économie française incapable d’affronter les marchés mondiaux et européens. La compression semble ainsi devoir porter surtout sur les dépenses militaires et c’est par là que se manifeste la liaison étroite entre notre situation économique et financière et notre politique extérieure. En bref, l’économie française ne paraît pas pouvoir assurer simultanément, dans l’état présent des dépenses de consommation et d’investissement du secteur privé, les charges de l’équipement, de la construction, du réarmement et de la guerre d’Indochine. Si les limitations portent sur ces deux derniers postes de dépenses, c’est toute notre politique extérieure (alliance atlantique) et dans l’Union française qui est mise en cause.
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