Les espoirs d'une fin à la guerre en Ukraine à l'issue de l'appel téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine n'ont été que de courte durée. Alors que le président des États-Unis se présente comme le roi du deal, force est de constater que rien de concret n'advient à l'heure actuelle et que les combats se poursuivent, les Ukrainiens tenant, coute que coute, la ligne de front.
Éditorial – 1, impasse de la place Rouge (T 1714)
Editorial —1, Red Square impasse
Hopes for an end to the war in Ukraine following the phone call between Donald Trump and Vladimir Putin were short-lived. While the US president presents himself as the king of the deal, it is clear that nothing concrete is happening at the moment and the fighting continues, with the Ukrainians holding the front line at all costs.
Après quatre mois à la Maison Blanche, Donald Trump peut s’estimer, à juste titre, bien baladé par le Kremlin. Malgré deux appels téléphoniques, quatre missions de son envoyé spécial Steve Witkoff à Moscou, le bilan de celui qui se présente comme le roi du deal et de la diplomatie transactionnelle est bien faible : au mieux, un échange de 1 000 prisonniers réalisé ces derniers jours.
Contrairement à ce que vient d’affirmer le Président américain, Vladimir Poutine n’est pas « absolutely crazy ». Bien au contraire, il poursuit sa logique géopolitique sans dévier d’un centimètre de ses objectifs concernant l’Ukraine dont il veut la capitulation. Même, les exigences russes s’accroissent de semaine en semaine avec désormais l’idée de créer une zone tampon sur le territoire ukrainien de 15 à 20 km de profondeur en plus des territoires déjà occupés. Face à la posture russe, la Maison Blanche semble bien incapable d’agir rationnellement tant les concessions ont été importantes depuis le 20 janvier.
Paradoxalement, plus Vladimir Poutine en veut, moins ses armées gagnent du terrain. Les Ukrainiens tiennent la ligne de front, certes en concédant quelques kilomètres carrés chaque semaine mais sans pour autant devoir être acculés à des replis tactiques conséquents. La guerre d’attrition et d’usure se poursuit et pourrait ainsi durer encore des mois. Les difficultés pour Kyiv demeurent majeures, dont la problématique du recrutement avec une population, certes unie derrière son Président dont la cote de popularité est remontée à plus de 70 %, mais lasse de cette guerre injuste. Il y a la volonté de trouver une voie pour un processus de paix mais pas à n’importe quelle condition.
Le fossé est donc abyssal entre les vues de Moscou, la soif d’un deal rapide et médiatique à Washington, l’opiniâtreté de Kyiv et l’appui européen réel mais relativement impuissant. Pour Moscou, il n’est pas nécessaire d’infléchir la stratégie actuelle, d’autant plus que l’opinion publique russe – bien formatée par une propagande continue et solide – reste persuadée que cette « opération spéciale militaire » est indispensable pour « dénazifier » non seulement l’Ukraine mais aussi le reste de l’Europe. Poutine sait jouer du temps long, contrairement à son homologue américain, adepte de l’immédiateté et du show médiatique. Deux temporalités s’affrontent avec, hélas, un avantage pour celle du Kremlin, servie d’ailleurs par une diplomatie retorse mais terriblement efficace pour gagner du temps et diviser pour mieux s’imposer.
Il est donc bien difficile de prévoir ce qui va arriver dans les prochaines semaines avec notamment un rendez-vous majeur pour la sécurité en Europe lors du sommet de l’Otan dans un mois à La Haye (Pays-Bas). La venue de Donald Trump a été confirmée, mais dans quel but et avec quel état d’esprit pour le Président américain ? D’ici là, malheureusement pour les Ukrainiens, les choix tactiques restent limités : tenir sur la ligne de front autant que possible et le plus longtemps possible, en s’efforçant de conserver la solidarité européenne. Calendrier dramatique d’autant plus que d’ici un gros mois, les Européens, bousculés par les gesticulations trumpiennes, auront l’esprit aux vacances d’été. Un été meurtrier ?