En septembre, la Russie a multiplié les survols de drones en Europe, testant les défenses de l’Otan et de l’Union européenn. Difficiles à détecter, ces engins exploitent des failles, renforçant l’insécurité. L’Europe peine à riposter face à cette guerre hybride, qui démontre bien que les considérations liées à la sécurité de l'Europe sont, plus que jamais, sérieuses.
Éditorial – Drones en Europe : le bouclier contre l’épée (T 1754)
Editorial —Drones in Europe: the shield against the sword
In September, Russia increased its drone flights over Europe, testing NATO and European Union defenses. Difficult to detect, these devices exploit weaknesses, increasing insecurity. Europe is struggling to respond to this hybrid war, which clearly demonstrates that European security concerns are more serious than ever.
Le mois de septembre a vu un accroissement des incidents liés aux drones avec la suspicion très documentée d’agissements de la Russie visant à tester et à déstabiliser les pays de l’Est européen, dans le cadre de la guerre en Ukraine. La multiplication des survols et des pénétrations en profondeur sur les territoires de pays membres de l’Otan et de l’Union européenne (UE) a largement suscité l’inquiétude des opinions publiques peu habituées à ce genre de pratique agressive, au contraire des Ukrainiens qui subissent quotidiennement les bombardements russes.
Les récents événements au Danemark et dans le nord de l’Allemagne interrogent d’autant plus que les drones n’ont pas pu être interceptés et se sont « évanouis dans la nature », avec des indices cependant troublants de navires de la flotte fantôme russe transitant entre la Baltique et la mer du Nord.
Toute la difficulté vis-à-vis des drones tient dans le processus de détection, de traçage puis d’interception, en ajoutant le fait que ces survols ont lieu de nuit, compliquant l’identification visuelle depuis le sol. Par ailleurs, les radars de contrôle des espaces aériens n’ont pas forcément une granulométrie suffisamment fine pour détecter des objets volants de relativement petite taille. De plus, visiblement, les opérateurs ont joué sur l’effet de surprise dans des pays, certes, en soutien de l’Ukraine mais qui ne sont pas en guerre et dont le niveau de vigilance n’est pas maximal.
C’est bien l’effet recherché dans le cadre de la guerre hybride menée par le Kremlin contre l’Europe, allant des rhétoriques guerrières de Moscou destinées à faire peur, à des activités illicites comme ces survols, ou des actions de déstabilisation comme les récentes têtes de porc déposées sciemment devant des lieux de culte musulman en France ou encore la désinformation systématique via les réseaux sociaux.
Copenhague a été obligé de décider l’interdiction de l’usage de drones cette semaine en vue du sommet des dirigeants européens de mercredi puis de la Communauté politique européenne (CPE) jeudi, avec 47 États participants. Cette mesure de précaution traduit la difficulté à faire face à cette nouvelle menace que constituent les drones, alors même qu’ils sont devenus d’usage courant dans le civil, y compris pour des applications professionnelles comme le BTP, la sécurité civile, les médias, les archéologues, les urbanistes, les agriculteurs… la liste est longue des nouveaux métiers assistés par les drones, dont la suspension temporaire souligne l’extrême complexité du contrôle des espaces aériens à très basse altitude. Comment discriminer entre un usage ludique, professionnel ou malfaisant ?
Là encore, c’est le débat classique entre l’épée (le drone) et le bouclier (le système anti-drone). Il n’y a pas une solution miracle mais des juxtapositions de systèmes de nature différente et qui doivent être adossés à un ensemble de contrôle et de décision efficace, alors même que la nature des engins concernés oblige à des réactions rapides, les temps de vol étant généralement assez courts. Il faut ainsi créer des bulles d’interdiction avec une capacité de détection puis une autorité de décision. Cela est faisable lors de grands événements comme les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 où des dispositifs nombreux et polyvalents avaient été déployés.
Est-il néanmoins possible de mettre tout un pays sous cloche pour une durée indéterminée ? La guerre hybride a encore tout son avenir devant elle. ♦