En 1914, l’armée française, en pantalon rouge et peu motorisée, part confiante pour une guerre courte. Quatre ans plus tard, elle est méconnaissable : bleu horizon, motorisation massive, aviation offensive, chars et artillerie lourde, marquée par 1,5 million de morts. En 1940, la défaite révèle une armée et une nation mal préparées, avant que la Résistance et la Libération ne transforment à nouveau doctrines, équipements et société. Aujourd’hui, face aux menaces, l’armée doit continuer à évoluer avec l’appui de la Nation.
Éditorial – 11 novembre 1918-11 novembre 2025 : La révolution tactique (T 1767)
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Editorial —November 11, 1918 — November 11, 2025: The Tactical Revolution
In 1914, the French army, in its red trousers and with limited motorization, confidently set out for a short war. Four years later, it was unrecognizable: horizon blue uniforms, massive motorization, offensive aircraft, tanks, and heavy artillery, marked by 1.5 million deaths. In 1940, defeat revealed an ill-prepared army and nation, before the Resistance and the Liberation once again transformed doctrines, equipment, and society. Today, faced with threats, the army must continue to evolve with the support of the nation.
Lorsque l’armée française mobilise du 2 au 18 août 1914, le pantalon des soldats est rouge garance et la coiffe un képi mou en drap. L’essentiel des troupes se déplace à pied, tandis que les rares voitures servent aux officiers généraux. L’artillerie est surtout forte du canon de 75 mm, héros malgré lui de l’affaire Dreyfus. L’enthousiasme est au rendez-vous, tous étant persuadé que l’armée de la Revanche de 1870 est prête et que la guerre sera courte et qu’elle prendra fin à l’automne. Si la mobilisation est une réussite logistique, nul ne pouvait penser que la Grande Guerre serait longue de plus de 4 ans.
En novembre 1918, quand le clairon sonne l’armistice, tout a changé. Le rouge garance a été remplacé par le bleu horizon, malheureusement teinté du sang du million et demi de soldats tués pour la France. La motorisation est devenue une réalité industrielle, la Voie sacrée charriant sa noria de camions transportant armes et ravitaillement tandis que le chemin de fer irrigue les arrières de la ligne de front. L’aviation ne se contente plus d’observer, elle attaque et bombarde. Le Service de Santé s’est réorganisé pour absorber une quantité inimaginable de blessés, tandis que les hôpitaux militaires se multiplient partout et aussi très loin du front pour essayer de sauver un maximum de blessés tandis que les Gueules cassées deviennent de plus en plus nombreuses dans les villes avec le besoin d’une reconnaissance au regard des souffrances endurées.
Les chefs ont changé, voire ont été limogés, car peu adaptés à cette guerre en mutation permanente. La doctrine évolue pour essayer de percer le no man’s land des tranchées. L’artillerie gagne en calibre et en portée, le char FT 17 apporte une mobilité tactique tandis que nos industries tournent à plein régime servies par les femmes qui ont remplacé les maris partis au front.
L’Armée de terre de 1918 n’est plus celle de 1914. Elle s’est profondément transformée, comme la société française qui ne sera plus jamais celle de la Belle Époque ca 1880-1914).
Il en fut de même une vingtaine d’années plus tard, mais cette fois-ci sous le coup de la défaite de mai-juin 1940. Cette armée qui se croyait toujours la première armée du monde fut vaincue, ainsi que la Nation entière par la faillite de son haut commandement et de ses élites politiques incapables de comprendre le péril nazi.
Il fallut l’Appel du 18-Juin pour sauver l’honneur et participer à la victoire finale de 1945, avec une armée profondément transformée. À la bande molletière a succédé la Rangers américaine. Aux chars R 35 et B1 de 1940, ce sont désormais les blindés américains qui équipent tant la 2e Division blindée (2e DB) de Leclerc que la 1re Armée de De Lattre.
Le commandement a été totalement changé, les vaincus du printemps 1940 n’ayant plus leur place dans la nouvelle armée. La doctrine a changé, même si le courage du combattant de 1940 ne doit pas être oublié. La Nation a profondément changé, d’autant plus qu’elle s’était grandement divisée entre les Collaborateurs, les attentistes – la majorité – et ceux qui avaient choisi de résister. De nouvelles institutions émergent, issues du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) et qui sont encore vivantes aujourd’hui comme l’emblématique Sécurité sociale.
Même si les armées sont très vite replongées dans un nouveau conflit, l’Indochine (1946-1954), la mutation imposée par la Seconde Guerre mondiale va perdurer et obliger nos armées à ne plus rester sur un modèle figé comme ce fut le cas durant l’entre-deux-guerres. C’est bien une leçon à retenir de ce 107e anniversaire de l’armistice de 1918, à l’heure où les nuages noirs s’accumulent à l’est de l’Europe. Le temps des dividendes de la paix est définitivement révolu et nos armées doivent poursuivre leur transformation pour répondre aux menaces d’aujourd’hui et de demain. Pour ce faire, il faut le soutien de la Nation. ♦
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