L’agression russe en Ukraine préoccupe les Français mais, lorsque le conflit a eu un impact économique en France, les débats nationaux se sont recentrés sur le pouvoir d’achat. Alors que la Russie cherche à détruire notre modèle démocratique et social, ainsi que notre prospérité, sommes-nous vraiment prêts à nous battre ? Pour mobiliser les Français, il faut décrire précisément les objectifs et les modes d’action russes contre notre pays. A cette prise de conscience doivent s’allier des mesures de lutte contre la désinformation et de renforcement de la cohésion nationale. En mettant l’accent sur les forces morales de sa population, la France pourra fonder un effort durable en faveur de sa sécurité et de la préservation de son modèle politique et social.
Pour quoi nous battrons-nous ? La société française face aux défis de la démocratie
« La force de la cité ne réside ni dans ses remparts ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens. » Thucydide
« Une Nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposés à faire. » (Ernest Renan, « Qu’est-ce qu’une Nation ? », discours de la Sorbonne du 11 mars 1882)
Entre les actions hybrides menées par la Russie contre les pays européens et la politique étrangère du nouveau président des États-Unis d’Amérique, l’Union européenne (UE) en général et la France en particulier se trouvent confrontées à un risque accru de subir leur destin. L’UE est confrontée à une menace militaire à ses portes orientales mais, plus encore, à une menace pour sa prospérité. Ces risques préoccupent les Français, comme en témoignent les sondages et le soutien immédiat porté à l’Ukraine après l’agression de la Russie. Pourtant, lorsque ce soutien a eu un impact économique en France, les débats nationaux se sont rapidement recentrés : pouvoir d’achat, réforme des retraites… Il est apparu que les Français n’étaient pas vraiment prêts à payer le coût de la guerre.
Or, les menaces n’ont pas disparu. Elles s’accroissent même. « La puissance militaire remporte les batailles, la force morale remporte les guerres », analysait le général américain George Marshall pendant la Seconde Guerre mondiale. Si ce sont les peuples qui gagnent les guerres… pourquoi sommes-nous prêts à nous battre ?
La défense de la démocratie, un choix qui ne va pas de soi
Revue nationale stratégique, stratégie nationale de résilience, réunion des responsables des partis politiques à l’Élysée pour faire le point sur la menace russe, projet de livret de conseils pour mieux faire face à la crise pour la population… les efforts de l’État se multiplient pour renforcer la résistance et la combativité de la Nation. Ces efforts sont fondés sur le postulat que les Français s’uniront et accepteront de fournir un effort collectif pour faire face à l’impérialisme russe : ils se mobiliseront naturellement pour défendre, comme à Valmy, la liberté et la démocratie si elles sont menacées. De fait, 84 % des Français se déclarent enclins à défendre la démocratie si elle était menacée en France, 76 % estiment que la démocratie est le meilleur système politique existant – sur les 13 % qui ne sont pas d’accord, 43 % habitent les Départements et régions d’outre-mer DROM) (1).
Il convient cependant d’être très conscient des fragilités du concept de démocratie : Après des décennies de progression continue depuis l’après-guerre, la démocratie est en recul. Selon l’ONG Freedom House, 54 % de la population mondiale vivait en démocratie en 2000, 50 % en 2018, 32 % en 2019. Il existe aujourd’hui trente-deux démocraties libérales, une proportion qui n’a jamais été aussi faible depuis 1995 (2). Se pourrait-il que la démocratie ne soit pas le régime libérateur et désirable entre tous ?
Les dérives des démocraties libérales sont en effet nombreuses : dictature de l’opinion, absence de politique de long terme, primauté de l’effet d’annonce sur le résultat durable… Toutefois, deux d’entre elles, moins palpables et probablement plus délétères, méritent qu’on s’y attarde. La première réside dans la perception d’une reconstitution des castes, privant les citoyens de leurs droits et de l’accès à la richesse nationale (3). Nourrie par le creusement des inégalités sociales perçu comme une manœuvre des puissances économiques et le sentiment de la confiscation du pouvoir par les partis politiques et les administrations, la confiance envers les députés et les partis politiques est globalement faible (respectivement 22 % et 14 %) et recule depuis deux ans ; 78 % des Français estiment que la démocratie fonctionne plutôt mal dans leur pays et que leurs idées sont mal représentées (4). L’autre dérive tient à l’évolution très juridique et technique du concept de démocratie qui s’entend désormais davantage comme un régime procédural, fondé sur le droit de vote et les libertés codifiées, que comme un régime politique émancipateur, fondé sur les libertés de l’individu et l’égalité des citoyens (5). Ainsi la démocratie peut être loin des citoyens, voire être oppressante par une centralisation excessive, bridant les initiatives des citoyens, confirmant les prédictions de Tocqueville (6). Pire, la démocratie se désolidarise, dans l’esprit de beaucoup, de la notion de liberté.
La progression des mouvements populistes en Europe se nourrit de ces dérives, qui sont en outre exploitées par les manipulations de l’information (7) qui polarisent les opinions, sèment le doute sur la sincérité des responsables politiques et le fonctionnement des institutions. Cette « ingérence d’atmosphère » (8) réduit de manière insidieuse et durable le prestige et la crédibilité de la démocratie en tant que régime politique.
Sur le plan international, les démocraties libérales n’apparaissent plus comme des modèles : contraintes par les règles du droit international et accusées d’être partiales, les démocraties semblent incapables d’apporter une réponse ferme face aux dictatures proliférantes/désinhibées. Le terme même de « démocratie » a été galvaudé, faisant désormais référence à des régimes politiques très différents, où la sincérité ou la liberté du vote ne sont pas toujours respectées, comme l’Inde ou la Turquie. La Russie et la Chine même se veulent des démocraties ! Pour ces dernières, la démocratie doit être « à [l’] état particulier [du pays], sur la base de son système social et politique, de son contexte historique, de ses traditions et de ses caractéristiques culturelles uniques » (9) En définitive, la démocratie n’est plus un régime correspondant à des critères définis tels que la séparation des pouvoirs, la liberté d’expression, le suffrage universel et le pluralisme des partis.
Dans ces conditions, le citoyen pourrait très bien ne pas ressentir le besoin de défendre un tel modèle, et c’est d’ailleurs bien ce qui est recherché par nos adversaires. Car si les Français affichent leur volonté de défendre leur démocratie, qu’en sera-t-il en cas d’attaque d’un allié ou d’un ami de la France ? Les Français s’uniront-ils pour défendre la démocratie dans son principe ?
Il importe de ne pas tenir pour acquise la volonté de nos concitoyens d’accepter le sacrifice de vies françaises hors de nos frontières, dans des proportions infiniment plus importantes que les pertes que nous avons endurées lors de nos engagements en Afghanistan ou au Sahel. Certains estiment que la guerre de la Russie contre l’Ukraine ne nous concerne pas, d’autres jugent que notre modèle de société dysfonctionnel n’est pas digne d’être défendu. Déjà fragilisée dans sa cohésion (10), la société française pourrait littéralement se fracturer sur ce sujet et la mobilisation de la population appelée de leurs vœux par nos autorités politiques et militaires risque de ne pas aller de soi.
Sans même aller sur le plan des idées, la mobilisation de la population française devra d’abord se manifester par l’acceptation collective du prix à payer pour soutenir le renforcement de nos armées et de la résilience nationale. Soutenir l’effort de guerre ukrainien, dans le contexte contraint des finances publiques (11) que nous connaissons, impliquera d’opérer des arbitrages budgétaires au détriment de la population (réduction des aides sociales ou hausse des impôts, par exemple). Or, les sondages montrent que la guerre en Ukraine et la menace russe passent au second plan face aux sujets nationaux, notamment ceux liés au pouvoir d’achat. En 2024, le pouvoir d’achat figure ainsi en tête des préoccupations de 38 % des Français, alors que la guerre en Ukraine n’arrive qu’en 9e position (12). Malgré la baisse de l’inflation en 2023 et 2024, 45 % des Français estiment que leur pouvoir d’achat couvre seulement leurs besoins voire ne les couvrent pas (+3 points par rapport à 2023) (13). L’inflation provoquée par la guerre en Ukraine a fortement mobilisé l’opinion publique française, entraînant une bascule dans les priorités affichées du gouvernement, de la politique extérieure vers la politique intérieure.
Le débat sur la réforme des retraites, qui est intervenu après le début de la guerre en Ukraine – la loi est passée en février 2023 –, a bien illustré les difficultés à fédérer la population française sur un sujet pourtant central pour la Nation. Si la plupart des Français soutiennent les Ukrainiens dans leur combat pour leur souveraineté et souhaitent que la France leur apporte tout son soutien diplomatique et militaire, il n’est pas certain qu’ils tiennent cette position si cela s’avère trop coûteux.
Percevoir la menace et ses conséquences pour mieux se mobiliser
L’absence de risque immédiat à nos frontières rend la menace russe relativement abstraite. L’agressivité russe se matérialise le plus souvent pour les Français par des campagnes de désinformation ou les tentatives de déstabilisation rapportées par les médias (14). Pour la plupart de nos concitoyens, la guerre en Ukraine est une donnée angoissante mais sa réalité reste lointaine. En l’absence de perception de la menace, il est difficile de modifier notre comportement pour endurcir notre volonté à défendre notre modèle de société. Or, la Russie crée insidieusement les conditions de notre passivité, pour nous empêcher de réagir lorsqu’elle augmentera le niveau d’agressivité à notre encontre. Notre défense passe donc d’abord par la bonne compréhension du projet et des mécanismes à l’œuvre, et elle commence bien avant le stade du conflit armé.
Les actions de la Russie sur notre territoire et sur le plan international peuvent avoir un impact sur la vie de notre pays. Le but de Vladimir Poutine n’est probablement pas de dominer militairement les pays d’Europe occidentale : ce serait pratiquement intenable. L’idée est cependant du même ordre : il s’agit de nous priver de toute capacité d’action, comme l’explique Sergueï Karaganov, l’un des plus influents experts en politique étrangère en Russie (15) : « l’Europe est à l’origine des principaux maux de l’humanité, de deux guerres mondiales, de génocides, d’idéologies antihumaines, du colonialisme, du racisme, du nazisme… La paix dans le sous-continent ne pourra être établie qu’après que la colonne vertébrale de l’Europe aura été brisée ». Ces idées ont été reprises par Sergeï Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe, lors d’un entretien au groupe de presse Krasnaïa Zvezda (16). L’objectif final est de réduire les pays d’Europe occidentale à une existence minoritaire sur la scène internationale, d’en faire des sujets, non plus des acteurs. Or, il n’est pas besoin de les envahir pour cela. Le ministre des Armées, dans son ouvrage Vers la guerre (17), écrit que « nous pouvons être défaits sans être envahis ».
Dans sa manœuvre globale d’affaiblissement de l’Europe, la Russie met en œuvre de nombreux outils de la guerre hybride, allant de la lutte informationnelle aux interactions militaires hostiles (18), en passant par la corruption et la compromission, la subversion et les actions de déstabilisation, les campagnes de cyberattaques, voire l’intimidation stratégique et diplomatique. Pour bien comprendre l’ampleur du risque, il faut ici se livrer à un exercice prospectif. Suivons la gradation des actions, de la plus insidieuse à la plus ouvertement offensive, voyons comment ces actions, mises en œuvre de manière combinées et si nous leur laissons le champ libre, peuvent produire des effets très concrets sur l’équilibre de notre pays.
La Russie cherche en effet à exploiter toutes les occasions de semer le chaos (19). Il s’agit de mettre de l’huile sur le feu sur toutes les dissensions (lutte informationnelle, campagnes de déstabilisation), aggraver les troubles internes (sabotage et destructions) et gêner la réponse des services publics (attaques cyber et sabotage). Sur le plan international, il s’agit d’immobiliser les pays en les empêchant de s’entendre sur une action coordonnée (lutte informationnelle), en créant des diversions internes, voire en les privant de la capacité même à réagir étant donné la multitude de problèmes à traiter.
Dans la sphère informationnelle, la Russie multiplie les ingérences numériques (20) pour fragiliser les pays visés. Les nuisances ont pour objectif de dégrader l’image du pays (diminuant ainsi la volonté des citoyens à le défendre), de l’affaiblir sur le plan économique en s’attaquant à ses intérêts, ou de générer voire amplifier des troubles à l’ordre public, pour obliger l’État à consacrer des ressources plus importantes à sa stabilité. Si nombre de ces actions ne peuvent lui être officiellement imputées, l’implication de la Russie (21) dans la promotion et la diffusion d’informations trompeuses ou inexactes se dessine dans de nombreux narratifs hostiles aux pays occidentaux en général et à la France en particulier. En France, plusieurs campagnes ont été identifiées par l’agence Viginum, dépendant du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), notamment à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024, ou auprès des populations ultra-marines. Ces actions dans la sphère informationnelle peuvent être complétées par des actions physiques de déstabilisation, sur le territoire national visé. Pour la France, la Russie exploite régulièrement l’histoire coloniale – diffusion de contenus hostiles par les réseaux sociaux ou des influenceurs (22) – et l’antisémitisme – mains rouges sur le mémorial de la Shoah en mai 2024 (23) et campagnes de tags d’étoiles de David en octobre. En Allemagne, des actions ont été menées pour discréditer les Verts (Die Grünen), notamment le ministre fédéral de l’Économie Robert Habeck, avec, par exemple, le sabotage de centaines de pots d’échappement (24).
S’il est difficile de mesurer l’impact réel de ces campagnes sur l’opinion publique, on peut cependant imaginer que leur multiplication et leur perfectionnement dans la durée ne contribuera qu’à la fragmentation de la société sur tous les sujets, à la polarisation politique (25) et à la perte de confiance des citoyens dans leurs institutions.
Sur le plan européen, l’objectif de la Russie est de fracturer la cohésion de l’Union européenne (UE) et de paralyser ses processus décisionnels. Fidèles à la doctrine des « mesures actives » de la guerre froide, les discours russes insistent sur tous les points de contention entre États : lutte contre l’immigration au niveau européen, soutien à l’Ukraine, politiques internes de lutte contre les discriminations (26)… Les actions de manipulation des élections se poursuivront dans tous les pays considérés comme hostiles ou comme des cibles d’influence. La France en a été victime en 2017 (Macron Leaks (27)) ainsi que la Roumanie plus récemment (28). L’objectif est double : mettre en cause la sincérité des élections démocratiques et saper la confiance des populations dans leurs gouvernements ou, mieux, placer à la tête d’un pays un responsable politique favorable à la Russie et qui servira les intérêts de celle-ci.
À cheval entre les champs informationnel et cinétique, les actions hybrides (29) sont un cran supplémentaire sur l’échelle des attaques à notre encontre. La Russie est fortement soupçonnée d’avoir commandité les sabotages de câbles sous-marins de télécommunication en mer Baltique (30) ainsi que des attaques cyber contre de petites entreprises du secteur des énergies renouvelables et du traitement de l’eau (31). Sans que le lien de commandement ne puisse être confirmé, des acteurs criminels en lien avec l’écosystème cyber russe mènent régulièrement des attaques par rançongiciel ou déni de service sur les réseaux informatiques de certaines collectivités territoriales et hôpitaux en France (32).
Les actions de sabotage, opérées par des agents russes ou par l’intermédiaire de groupes radicaux locaux ou d’organisations criminelles, peuvent prendre des formes multiples (33) et provoquer des gênes importantes dans la vie de la Nation, voire une paralysie temporaire créant une diversion propice à d’autres actions. Il y a donc deux niveaux de nuisances recherchés dans ces actions : l’atteinte au potentiel économique des entreprises et la désorganisation de l’État, avec la recherche du « sur-accident ». Par exemple, une attaque cyber ciblée sur une organisation déjà sous tension (en raison de troubles à l’ordre public importants, d’une crise sanitaire ou d’une catastrophe naturelle) compliquerait la gestion de la crise et aggraverait son bilan humain, le sabotage d’une infrastructure critique couplée à une attaque cyber empêchant la détection de l’anomalie ou ralentissant la réponse de crise aura des effets dévastateurs.
Exploitant les tensions sociales, l’action hybride peut aussi consister à instrumentaliser les mouvements contestataires pour faire dégénérer les manifestations. Alors que l’État de droit garantit l’expression des contestations populaires, il y a un intérêt pour une puissance adverse à décrédibiliser la capacité des démocraties à autoriser et sécuriser les manifestations. Ainsi, outre la dégradation de l’image nationale, l’accentuation des troubles à l’ordre public oblige l’État à concentrer des ressources précieuses au maintien de l’ordre, à la protection des emprises et à la remise en état des installations et matériels.
Concentré sur ces sujets prioritaires en interne, l’État cible perd sa capacité à répondre à des manœuvres hostiles à l’international ou sur ses marges. Quant à la population, elle perd progressivement confiance dans la capacité de son pays à assurer sa sécurité. Le stratège David Galula a décrit ce mécanisme dans son ouvrage Contre-insurrection. Théorie et pratique. Quand l’administration ne peut plus protéger les institutions, quand la population ne le veut plus, l’État s’effondre.
Enfin, les menaces territoriales – bien qu’elles ne pèsent pas directement sur le territoire métropolitain français – pourraient se concrétiser pour des pays membres de l’UE comme les pays baltes, sous couvert du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (34). De telles atteintes territoriales se dessinent derrière l’agression de l’Ukraine, derrière les interactions militaires hostiles en mer Baltique ou en mer Noire, derrière les intimidations stratégiques et diplomatiques (rhétorique nucléaire, déclarations de diplomates russes (35)…). Elles auraient des conséquences extrêmement importantes, pour les populations en question comme pour l’ensemble du monde.
L’UE pourrait entrer dans une crise sans précédent. Il existe en effet un risque important d’inertie collective si les États-membres ne parviennent pas à s’accorder sur la réponse à une agression territoriale russe dans le cadre de l’UE. Ce risque existe aussi au sein de l’Otan, en cas d’absence de leadership américain. Les pays européens empêtrés dans des difficultés internes (troubles à l’ordre public, marasme économique…) ou certains dirigeants européens, proches des idées russes et hostiles à toute solidarité avec les pays baltes, pourraient se montrer réticents à financer durablement une aide aux pays agressés. Le soutien politique et militaire ne viendrait alors que de quelques États membres, ce qui accentuerait encore les dissensions au sein de l’UE et bloquerait le processus décisionnel sur tous les dossiers, précipitant la dislocation de l’Union européenne.
Cela générerait une secousse économique énorme : perte de confiance des marchés, tarissement des investissements sur le territoire européen, crise des dettes souveraines dans les pays les plus endettés (incluant la France)… la survie même de l’Euro serait en question. Le SGDSN estime que la perte en points de PIB pourrait se compter par dizaines (36), rien que pour notre pays ; nombre d’entreprises n’y survivraient pas. Les Français seraient considérablement appauvris. Il deviendrait impossible pour l’État de financer notre modèle de protection sociale (allocations-chômage, sécurité sociale), ce qui accentuerait encore la dégradation des conditions de vie. Une émigration importante finirait de vider le pays de ses richesses.
Ainsi, en l’absence de détermination à lutter contre les menaces, la France pourrait être à moyen terme confrontée à des crises insurmontables, proprement existentielles. Cela aura un impact sur la sécurité et la prospérité de notre pays, mais également sur notre souveraineté. En effet, nous ne pourrions empêcher le démembrement de notre territoire ni nous opposer au pillage de nos ressources. Nos responsables politiques n’auraient pas d’autre choix que de se placer sous la tutelle d’un allié puissant, capable de nous financer et de nous protéger. Cet allié pourrait à sa guise décider de notre sort, à la manière dure, par une répression militaire en cas de velléités d’indépendance, ou à la manière souple, par une provincialisation économique nous rendant de facto incapables de nous émanciper.
Reconstruction de la combativité de la Nation autour de la cohésion nationale et de l’adhésion à la démocratie
Face à ce travail de sape permanent de notre moral et de nos institutions, la défense de notre pays ne peut reposer uniquement sur nos forces armées. D’ailleurs, privées du soutien de leur base arrière, nos armées ne seraient pas en mesure de développer toutes leurs capacités dans la durée en cas d’engagement de haute intensité (37). Nous avons besoin de la mobilisation de la population pour garantir la solidité de notre pays face à la crise, pour éviter l’effondrement général si bien décrit et analysé par Marc Bloch (38). Or, notre société présente des fragilités (aversion au risque, moindre rusticité…), très bien décrites par l’assemblée nationale en 2022, dans son rapport d’information sur la résilience nationale (39).
Décrire les risques et valoriser notre modèle
Pour cela, il convient d’abord de bien décrire les risques encourus par la France et l’Union européenne, sans « jouer sur les peurs », mais avec la sincérité que la population mérite. Sans avoir nécessairement les réponses à toutes les questions, le simple fait d’évoquer ces sujets anxiogènes commencerait à mobiliser la population, qui pourrait alors aussi participer à l’émergence des solutions. Ensuite, nous devons collectivement nous réapproprier la démocratie, devenue, nous l’avons vu, beaucoup trop technique et virtuelle. Cette réappropriation passera par une valorisation assumée du modèle et de ses valeurs d’une part, et par la réimplantation du fonctionnement démocratique dans les esprits, par des réformes permettant aux citoyens de s’investir et de décider au niveau local, d’autre part.
En effet, malgré les dérives décrites et ses détracteurs, la démocratie libérale reste le seul régime politique qui protège sa population et les libertés de celle-ci. On peut déplorer un prétendu laxisme de notre justice, il n’en reste pas moins qu’elle protège l’individu d’un emprisonnement arbitraire et d’une condamnation expéditive. Les citoyens sont en France mieux protégés que dans bien d’autres pays, où les habitants préfèrent ne pas appeler la police pour éviter que leur situation ne s’aggrave – partialité, violence, corruption des forces de sécurité intérieure… La démocratie, c’est aussi la capacité des individus et des groupes humains à décider de leur avenir commun. Elle garantit effectivement la liberté d’être qui on veut, au sens où nous sommes libres de penser et de nous exprimer, libres de nous réunir avec les personnes de notre choix, libres d’aller et de venir. C’est le régime politique le plus émancipateur dans le monde, ce qui est un moteur puissant pour l’être humain.
Il est donc essentiel de communiquer davantage sur les bienfaits de la démocratie libérale afin de saper tous les discours qui prétendraient que le système est en faillite. Au contraire, il fonctionne toujours et reste « le moins mauvais de tous les systèmes » politiques, selon les mots de l’ancien Premier ministre britannique, Winston Churchill. Dans les dictatures, le chef d’État tout-puissant impose sa volonté à tous, les décisions sont prises rapidement et la population semble se ranger derrière celles-ci comme un seul homme. Toutefois, dans les démocraties, la puissance générée par l’agrégation des volontés de chaque individu, mobilisé personnellement parce qu’il croit à son combat, est bien plus implacable.
La valorisation du modèle doit s’appuyer sur des réformes permettant le retour de la proximité dans la prise de décision et de susciter l’engagement et les actions collectives locales, afin de contrer les arguments liés à la confiscation du pouvoir et d’une hyper-centralisation absurde. Comme le constatait déjà Tocqueville au XIXe siècle avec De la démocratie en Amérique (40), permettre aux citoyens de s’investir dans des instances démocratiques locales compétentes pour l’administration de proximité est de nature à les impliquer dans la gouvernance de leur territoire et de leur faire appréhender la difficulté à arbitrer entre deux besoins contradictoires.
Enfin, il convient de prendre conscience que notre modèle social permet à chacun de bénéficier de la solidarité nationale, d’une protection sociale et médicale hors du commun, et d’un système éducatif certes perfectible, mais gratuit. Or, ce modèle social, cher aux démocraties européennes, approche (pour la France au moins) de la faillite (41). Sans remettre en question le principe de la sécurité sociale, il serait utile de faire percevoir aux contribuables le coût de notre système de protection médicale, par exemple en présentant systématiquement aux patients les factures des soins qui leur sont prodigués, notamment à l’hôpital, et qu’ils n’auront pas à payer. Notre système de santé n’est pas gratuit, il a un coût important que la solidarité nationale prend en charge. Cet éveil des consciences démonterait l’image de l’« argent magique » et permettrait ensuite de fonder un consensus national sur de futurs arbitrages budgétaires (42) ou d’efforts collectifs à fournir pour soutenir notre modèle social, fussent-ils douloureux (43). Notre droit du travail doit probablement aussi être retravaillé pour libérer la production de richesse, et nous devons nous unir au niveau européen pour redevenir une puissance économique. Ces conditions sont nécessaires pour garantir la prospérité et, par ricochet, la viabilité de notre modèle social. Ainsi les citoyens retrouveront également un accès plus important à la richesse nationale, renforçant ainsi leur foi dans leur régime politique.
Renforcer considérablement la lutte contre la désinformation
Cela doit d’abord consister dans l’éducation des citoyens, l’enjeu étant de renforcer leur engagement au service de l’intégrité de leur espace informationnel et de la démocratie en général. Cela passe bien entendu par le soutien de la liberté et de la pluralité de la presse, promouvant des informations exactes et fiables, sachant que ce soutien a un coût. Les citoyens doivent savoir qu’en refusant de financer la presse indépendante et de qualité (nécessitant souvent un abonnement) et en acceptant la contraction des budgets des médias publics (44), il favorise la prise de contrôle de l’information par des organismes qui lui feront perdre son indépendance.
Cela passe ensuite par le renforcement des compétences des citoyens en matière d’information et de culture numérique, en se concentrant sur les techniques de manipulation, sans considérer les contenus en tant que tels, de sorte de ne pas conduire les pouvoirs publics à s’ériger en ministres de la vérité. Cette formation pourrait être dispensée dans les écoles, comme en Suède ou en Estonie. En France, la coordination de ces actions pourrait être confiée au SGDSN avec les moyens afférents à Viginum, qui a développé un savoir-faire en sources ouvertes sur les techniques de manipulation de l’information (45).
Enfin, il faut rechercher une plus grande transparence dans les financements des médias de toute sorte, des associations (y compris les ONG), des centres de recherches et des influenceurs par des acteurs étrangers, et sensibiliser les publics susceptibles d’être ciblés par la manipulation (chefs d’entreprise, élus, universitaires…). Cela impliquerait d’adopter des lois de transparence, comparables à celles en vigueur aux États-Unis (Foreign Agents Registration Act), en Australie (Foreign Influence Transparency Scheme) et au Royaume-Uni (Foreign Influence Registration Scheme), qui ont le mérite de donner une visibilité sur la nature, le niveau et l’étendue des opérations d’influence menées par des agents étrangers. L’intérêt de ces dispositions légales déclaratives, en comparaison des lois répressives en matière de liberté d’expression (pénalisation de la diffamation, délits de presse, par exemple), est d’échapper aux procès en « censure » qui peuvent leur être facilement faits et de favoriser davantage la confiance dans les institutions.
Développer le sens civique et la résilience par le renforcement de la culture de la défense civile
La France gagnerait enfin à créer une véritable culture de la défense civile, qui dépasse les seules associations de sécurité civile, pour tisser un maillage État-associations-citoyens assurant une résilience maximale de notre société et renforçant la cohésion nationale (46). Sans préjudice des mesures spécifiques de la stratégie nationale de résilience, cette culture de la défense civile s’inscrirait pleinement dans le deuxième objectif stratégique de la Revue nationale stratégique (RNS) de 2022 (47), « une France unie et résiliente ».
Pour toucher le public au plus tôt, il s’agirait d’organiser dans tous les lycées une semaine de formation dédiée à la prévention des risques et à la résilience de la Nation. Par le biais de séminaires et d’ateliers, les jeunes seront ainsi sensibilisés sur cinq journées :
– aux risques cyber, au fonctionnement des médias et aux risques de désinformation ;
– aux enjeux environnementaux et à la sobriété ;
– aux menaces géopolitiques, aux conduites à tenir face à une crise ;
– aux défis collectifs de notre société (hôpitaux, handicap, vieillesse, petite enfance), à l’engagement dans des associations de sécurité civile et de solidarité ainsi que dans les réserves ;
– au secourisme et à la prévention des conduites addictives, des violences sexuelles et sexistes, du harcèlement et des discriminations.
Afin de ne pas faire reposer l’organisation de ces journées sur le seul ministère de l’Éducation nationale, ces semaines pourraient se tenir lors d’une semaine de vacances, en bénéficiant de la structure d’accueil du lycée, sous l’animation des services de l’État (vocation interministérielle), des collectivités locales et des associations concernées. Outre l’approche préventive essentielle à la responsabilité et à la résilience des futurs citoyens, ces journées constitueraient la première brique de la « promotion durable de l’esprit de défense dans la société et l’État » (48) : capitalisant sur le désir de la jeunesse de s’engager (49), elles offriraient à l’ensemble d’une classe d’âge un panel de possibilités pour rejoindre les structures de leur choix selon leur sensibilité – associations de quartier pour encadrer d’autres jeunes, associations de solidarité ou de sécurité civile, pompiers volontaires, mais également engagement dans le service universel rénové ou dans les armées.
L’imbrication de la population avec les services de gestion de crise de l’État et la coopération des citoyens en cas de déclenchement des plans d’urgence pourraient également être développées, en nous inspirant du concept de « défense totale » des pays scandinaves, dans le double objectif de développer l’esprit de solidarité et de renforcer encore la résilience (en diminuant les risques de victimation) des organisations et des individus. Le dispositif estonien de la Defence League pourrait être repris notamment dans son volet « réserve civile » : les citoyens réservistes s’entraînent régulièrement aux côtés des associations de secouristes, dans les hôpitaux ou dans les entreprises de service public de manière à pouvoir renforcer ces structures en cas de crise. Le modèle de l’Association de formation de la défense nationale de Finlande (50) peut également nous inspirer. Il s’agit d’un collectif d’associations labellisées dans le concept de « défense totale », qui dispense gratuitement des formations à la défense nationale à destination de la population et des responsables locaux. Les cours donnent une vue d’ensemble sur la sécurité, le fonctionnement des forces de défense finlandaises, la sécurité de l’approvisionnement, l’économie, les communications et les transports. Ils préparent les citoyens à effectuer des tâches précises en temps de crise, tâches qui sont en adéquation avec leur formation professionnelle.
Enfin, le renforcement des compétences et des connaissances de base de la population peut être effectué par des événements éducatifs et des actions ciblées. Les exercices menés par les préfectures dans le cadre des plans d’urgence pourraient associer les acteurs de la société civile, notamment les associations, ainsi que les élus locaux. Ces exercices seraient l’occasion d’examiner systématiquement les vulnérabilités et les potentiels de résilience de diverses structures ciblées par les exercices, de développer une meilleure compréhension des risques locaux et de favoriser l’émergence de solutions bottom-up, renforçant là encore le sentiment de participation de la population à l’œuvre collective.
Conclusion
La mobilisation de la population pour la démocratie passe donc par la lutte quotidienne contre les puissances qui veulent réduire notre liberté et décider à notre place : il faut retendre constamment notre effort pour défendre les libertés et les conditions de la démocratie. C’est en mettant résolument l’accent sur les forces morales de sa population que la France pourra fonder un effort durable en faveur de sa sécurité et de la préservation de son modèle politique et social. Si la population française prend conscience de la valeur de son modèle de société, alors elle sera solidaire et prête aux sacrifices nécessaires pour le défendre. Alors la France sera pleinement dissuasive pour ses adversaires et sera au rendez-vous des objectifs qu’elle s’est fixée dans sa Revue stratégique. ♦
(1) Conseil économique, social et environnemental (Cese) et Institut Ipsos, Baromètre – état de la France, 2024, 2e édition, septembre 2024, 41 pages (www.ipsos.com/).
(2) Frachon Alain, « En nombre de pays pratiquant la démocratie, elle régresse ; en territoire déjà conquis, elle perd en qualité », Le Monde, 8 février 2024.
(3) Leridon Blanche, L’après 2024 : Crépuscule ou renouveau démocratique ?, Institut Montaigne, janvier 2025, 76 pages, p 64 : « Le dévoiement d’un certain nombre de politiques qui échappent de plus en plus à la concertation populaire, et qui se traduit notamment par la multiplication des agences, des autorités para-étatiques ou supra-nationales, par l’extension du pouvoir des banques centrales et des juges non élus et par un éloignement progressif des citoyens et de la prise des décisions qui les concernent. »
(4) Teinturier Brice, Latrille Pierre, Gallard Mathieu, Lamotte Diane, Fractures françaises – Anatomie d’une chute ?, Ipsos pour Le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et l’Institut Montaigne, décembre 2024, 133 pages (www.institutmontaigne.org/).
(5) Sur le sujet, voir Guénard Florent, La démocratie universelle, Seuil, 2016, 368 pages.
(6) Tocqueville (de) Alexis, De la démocratie en Amérique, tome II, 2e partie, chapitre VI : « Quel espèce de despotisme les nations démocratiques ont à craindre. »
(7) De l’information fabriquée à l’amplification de rumeurs, comme celle qui a généré les émeutes au Royaume-Uni lors de la période électorale de l’été 2024. Voir « Émeutes en Grande-Bretagne », Franceinfo (www.franceinfo.fr/).
(8) Leridon Blanche, op. cit.
(9) Déclaration commune de la Chine et de la Russie du 4 février 2022, en conclusion de la visite de Vladimir Poutine à Pékin (https://jacquesfath.international/2022/02/05/document/).
(10) Voir Fourquet Jérôme, L’archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée, Seuil, 2019, 384 pages. Crise des gilets jaunes, émeutes dans les banlieues, déclassement des zones rurales… Le fossé se creuse entre les citoyens. Voir aussi Mission d’information sur la résilience nationale, Rapport d’information, Assemblée nationale, 23 février 2022, 256 pages, p. 97-100 (www.assemblee-nationale.fr/).
(11) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques (synthèse du rapport), juillet 2024, 16 pages (https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-07/20240715-synthese-RSPFP-2024.pdf).
(12) Teinturier Brice, Latrille Pierre, Gallard Mathieu, Lamotte Diane, op. cit.
(13) Conseil économique, social et environnemental (Cese) et Institut Ipsos, op. cit.
(14) Voir, par exemple, Le Borgne Brice avec Complément d’enquête, « Fake news, mèmes et vidéos bidonnées… Plongée dans les documents internes d’une agence de désinformation russe », Franceinfo, 17 avril 2025 (www.franceinfo.fr/) ainsi que Dupont Laureline, Girard Étienne et Mandonnet Éric, « Les 13 agressions de Poutine en France : l’effrayante note des services secrets », L’Express, 13 mai 2025.
(15) Karaganov Sergueï, « Briser la colonne vertébrale de l’Europe : quelle doit-être la politique de la Russie à l’égard de l’Occident » [en russe], Profile.ru, 21 janvier 2025.
(16) « Je ne veux pas être antieuropéen. Cependant, la situation actuelle confirme l’idée défendue par de nombreux historiens. Depuis 500 ans (…), toutes les tragédies du monde sont nées en Europe ou se sont produites du fait de la politique européenne ». Extrait de l’entretien accordé par le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov au groupe de presse Krasnaïa Zvezda [en russe], Mid.ru, 2 mars 2025.
(17) Lecornu Sébastien, Vers la guerre ? La France face au réarmement du monde, Plon, octobre 2024, 288 pages.
(18) Comportement dangereux d’aéronefs russes contre ceux de l’Otan en patrouille, engagement radar d’aéronefs alliés par des navires russes, par exemple.
(19) Dugoin-Clément Christine, Géopolitique de l’ingérence russe : la stratégie du chaos, PUF, 2025, 248 pages.
(20) Une ingérence numérique étrangère est un phénomène inauthentique affectant le débat public numérique qui combine une atteinte potentielle aux intérêts de la Nation, un contenu manifestement inexact ou trompeur, une diffusion artificielle ou automatisée, massive et délibérée, l’implication, directe ou indirecte d’un acteur étranger (étatique, para-étatique ou non-étatique), selon la définition du SGDSN.
(21) La Roche Saint-André (de) Elsa, « JO 2024 : derrière une vidéo et des tags menaçant les athlètes israéliens, une nouvelle opération de déstabilisation russe ? », Libération, 18 novembre 2023.
(22) Saviana Alexandra, « La redoutable stratégie de la Russie et de la Chine pour déstabiliser la France en Outre-mer », L’Express, 26 mars 2024.
(23) Leloup Damien, Seelow Soren, « Mains rouges au Mémorial de la Shoah : l’enquête esquisse la piste d’une ingérence étrangère », Le Monde, 22 mai 2024.
(24) Armand Élodie, « Voitures sabotées, colis incendiés, infrastructures endommagées : l’Allemagne accuse le Kremlin de vouloir “déstabiliser les démocraties” », La Voix du Nord, 5 février 2025 (www.lavoixdunord.fr/).
(25) La polarisation politique, fondée sur des désaccords idéologiques et programmatiques, inclut une dimension affective où l’adversaire politique devient un ennemi. Elle transforme les élections en combat existentiel. Cette polarisation empêche le débat d’idées et l’élaboration de compromis, ce qui handicape le fonctionnement de la démocratie (Par exemple, le vote des budgets, comme aux États-Unis ou en France). Selon l’EU political barometer de l’université Charles III de Madrid, la France est le pays le plus polarisé d’Europe et a vu ses clivages idéologiques s’intensifier depuis juin 2024 (https://eupoliticalbarometer.uc3m.es/dashboard/ideology).
(26) Viginum, « RRN : une campagne numérique de manipulation de l’information complexe et persistante », SGDSN, 13 juin 2023 (www.sgdsn.gouv.fr/).
(27) Jeangène Vilmer Jean-Baptiste, The “Macron Leaks” operation: a post-mortem, Atlantic Concil et Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem), juin 2019, 58 pages (https://www.atlanticcouncil.org/).
(28) Riou Alexandre « Annulation de l’élection présidentielle en Roumanie : un séisme à la réplique inattendue », Fondation Jean Jaurès, 12 décembre 2024, 7 pages (www.jean-jaures.org/).
(29) Actions hostiles sous le seuil de la conflictualité, utilisant des intermédiaires, ciblant des objectifs non militaires, ou des objectifs militaires par ricochet.
(30) Hivert Anne-Françoise, « Après l’endommagement de deux câbles en mer Baltique, la crainte du sabotage et de la guerre hybride », Le Monde 19 novembre 2024.
(31) Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), Panorama de la cybermenace 2024, 52 pages (https://cert.ssi.gouv.fr/uploads/CERTFR-2025-CTI-003.pdf).
(32) Gadler Lucille, « Cyberattaque de l’hôpital de Corbeil-Essonnes : “Lockbit contribue à attaquer les secteurs sensibles” » (Interview), Public Sénat, 13 septembre 2022 (www.publicsenat.fr/).
(33) Destruction d’aiguillages ferroviaires, de répartiteurs électriques desservant des entreprises ou des villes, voire de matériel directement sur des emprises privées ou publiques…
(34) En 2023 en Estonie, 30 % de la population est russophone, 5 % ne bénéficie pas d’une nationalité estonienne pleine et entière (passeport gris), 6 % détient un passeport russe. En Lettonie, 50 % de la population est russophone, 9 % déteint un passeport gris et 2 % un passeport russe. Hivert Anne-Françoise, « En Estonie et en Lettonie, les russophones entre intégration et suspicion », Le Monde, 16 juin 2024.
(35) En février 2024, l’ambassadeur russe aux Comores Andrey Andreev a exprimé la volonté de la Russie de soutenir les Comores dans leur quête pour restaurer la souveraineté sur Mayotte, affirmant que son pays est prêt à examiner toutes les demandes de la partie comorienne. « La Russie se dit prête à aider les Comores à récupérer Mayotte », Comores-infos, 17 février 2025 (https://www.comoresinfos.net/la-russie-se-dit-prete-a-aider-les-comores-a-recuperer-mayotte/).
(36) Entretien avec Mme Castellotti, adjointe au directeur de la protection et de la sécurité de l’État au SGDSN.
(37) Merchet Jean-Dominique, Sommes-nous prêts pour la guerre ? L’illusion de la puissance française, Robert Laffont, 224 pages, 2024.
(38) Bloch Marc, L’étrange défaite, Franc-tireur, 1946 (posthume), 194 pages.
(39) Mission d’information sur la résilience nationale, op. cit., p. 93-95.
(40) « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. » Tocqueville (de) Alexis, op. cit.
(41) Le déficit de la Sécurité sociale s’est élevé à 15,3 milliards d’euros en 2024. Sans mesures correctives, la poursuite de l’augmentation de ce déficit est évaluée à 19,9 milliards d’euros pour 2028 par le Projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS) 2025. Cour des comptes, La situation financière de la Sécurité sociale. Un déficit devenu structurel malgré les mesures envisagées pour 2025, octobre 2024, 31 pages, p. 31 : « Une telle trajectoire fragilise la Sécurité sociale. Elle n’est pas soutenable au plan financier. » (https://www.ccomptes.fr/).
(42) Par exemple, comment concilier le coût de la résilience (redondance des réseaux de télécommunication, cybersécurité, développement de filières industrielles, constitution de stocks) avec la transition écologique ? ; comment provisionner les dépenses liées à l’âge, maintenir la soutenabilité du système des retraites et financer le réarmement européen ?
(43) Sbaihi Maxime, « Dénatalité française : “balançoires vides”, le point de bascule ? » Expressions par Montaigne, Institut Montaigne, 16 janvier 2025 (www.institutmontaigne.org/).
(44) Leridon Blanche, op. cit., p. 35 : « Il existe d’ailleurs un lien direct entre polarisation et budgets de l’audiovisuel public, ce dernier portant une responsabilité dans la fiabilité de l’information et le degré de polarisation. »
(45) Voir sur ce sujet Lassalle Bruno et De Gliame Brice, « Sensibiliser et armer les citoyens face à la guerre cognitive », RDN, n° 848, mars 2022, p. 88-93 (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php?carticle=22829&cidrevue=848).
(46) NDLR : voir également sur ce sujet « La commune : premier cercle et foyer de la résilience de la Nation », RDN, Tribune n° 1527, 27 septembre 2023 (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php?ctribune=1636) et « Les Foyers communaux de la résilience (FCR). Agir en confiance face aux crises », RDN, Tribune n° 1707, 7 mai 2025 (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php?ctribune=1821).
(47) Secrétariat général de la Défense et de la sécurité nationale (SGDSN), Revue nationale stratégique (RNS), 2022, 60 pages (https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/287163.pdf).
(48) Ibidem, deuxième point de l’objectif stratégique n° 2 de la RNS 2022.
(49) Selon une étude de l’Irsem d’avril 2024, 56 % des jeunes de 18 à 24 ans se considèrent comme engagés dans la vie collective en France, 56 % se disent prêts à s’engager dans les armées, 77 % se disent prêts à s’engager dans un service national universel, un service civique ou dans la réserve. Muxel Anne, Les jeunes et la guerre. Représentations et dispositions à l’engagement, Irsem, Étude n° 116, avril 2024 (www.irsem.fr/).
(50) National Defence Training Association of Finland, « Formation de défense volontaire en Finlande » (https://mpk.fi/en/).






