Controverses américaines sur le Vietnam
Comme il était inévitable, les difficultés américaines au Viet Nam donnent lieu à diverses interprétations, et l’évidente impossibilité de gagner rapidement la guerre par le seul moyen de la force militaire fait proposer de nombreuses solutions.Il ne faut sans doute pas exagérer l’importance des prises de position et des manifestations qui, aux États-Unis, dénoncent la guerre et demandent sa cessation immédiate. Il ne semble pas que le peuple américain, dans son ensemble, soit prêt à abandonner la lutte ; il serait trop sensible à la perte de prestige qu’une défaite infligerait au pays tout entier, et d’autre part, comprend plus ou moins nettement quelles en seraient les conséquences sur la politique des États-Unis dans le monde. S’il est tout à fait normal que dans un pays où l’expression des idées est libre, des oppositions se manifestent, même violemment parfois, il n’est pas moins naturel que l’opinion publique, dans son ensemble, écoute ses dirigeants et les suive lorsqu’ils lui assurent que l’honneur et l’intérêt de la nation sont en jeu.
Aussi nous semble-t-il préférable, pour dresser un tableau des opinions actuellement affrontées dans les sphères dirigeantes de Washington, de prendre nos exemples parmi celles qui évitent toute outrance, et envisagent la guerre actuelle, de la façon la plus objective, dans ses développements et ses effets. Le sénateur George F. Kennan est bien connu ; il a tenu longtemps le poste d’ambassadeur des États-Unis à Moscou, et s’est penché à maintes reprises sur les affaires de l’Extrême-Orient. Le Général Maxwell D. Taylor a été chef d’état-major interarmées au Pentagone, et à cette époque avait violemment attaqué la politique militaire suivie par le gouvernement ; il est le père de la théorie de la « riposte graduée » — la « flexible response » — et lorsque le Président Kennedy accéda à la Maison Blanche, il fut l’un de ses collaborateurs et conseillers directs ; il remplaça M. Cabot Lodge dans le poste d’ambassadeur à Saigon en juin 1964 et eut alors l’occasion de faire appliquer ses idées et sa doctrine, jusqu’à ce que son prédécesseur lui succède à son tour en 1965.
L’opinion de ces deux hommes s’est exprimée au cours des débats du Comité Sénatorial des Affaires étrangères, en février 1966 ; les discussions, dont la presse mondiale a reproduit les passages essentiels, furent vives et conduisirent à de sérieuses controverses.Il nous a semblé intéressant de reproduire ici ces opinions, sans y ajouter pratiquement de commentaires, car elles sont suffisamment claires pour montrer devant quelle alternative se trouvent actuellement placés les Américains, en quête d’interlocuteurs qu’ils ne trouvent pas, et devant un adversaire qui frappe tout en se dérobant.
Il reste 91 % de l'article à lire