Aéronautique - Airbus : la spirale du succès
1969 : Français et Allemands signent le premier accord de coopération pour la construction d’Airbus.
1979 : vendu à plus de 350 exemplaires, l’appareil devient un succès.
Dix ans après son lancement il est intéressant de faire le point de ce programme aux plans historique et technique.
Historique
Les débuts : 1969-1972
1969 : le 29 mai est signé le premier accord de coopération entre la France et la République fédérale d’Allemagne (RFA) pour la construction d’un avion court/moyen-courrier à grande capacité. L’objectif est de satisfaire d’abord une clientèle nombreuse appelée à se déplacer sur des distances relativement courtes.
Fin 1970 les Pays-Bas rejoignent les deux premiers pays, suivis, un an plus tard, de l’Espagne.
Au plan de l’organisation industrielle, la maîtrise d’œuvre concernant l’ensemble du programme est confiée au Groupement d’intérêt économique (GIE) Airbus. Au sein de ce groupement – de droit français, notons-le – les droits des membres sont ainsi répartis :
– 47,9 % pour la Société nationale industrielle aérospatiale ou SNIAS (fusion de Sud-Aviation et de Nord-Aviation, France) ;
– 47,9 % pour Deutsche Airbus, comprenant environ 2/3 pour MBB (Messerschmitt-Bölkow-Blohm) et 1/3 pour VFW (Vereinigte Flugtechnische Werke) ;
– 4,2 % pour la CASA (Construcciones Aeronáuticas Sociedad Anónima, Espagne).
Sont associées la firme hollandaise Fokker et la firme anglaise HSA (Hawker Siddeley), cette dernière à titre privé depuis que la Grande-Bretagne s’est retirée, officiellement, du programme.
1972 : le 28 octobre, vol du premier Airbus : un A300 B1.
L’appareil apparaît comme une réussite technique : ses performances et ses qualités de vol satisfont pleinement ceux qui l’ont conçu.
Les « vaches maigres » : 1973-1976
Le plus dur, pourtant, reste à faire : il faut vendre. L’arrivée sur le marché de cet avion se place, en effet, en même temps que celle du Boeing 747 puis du DC-10, à une période où la croissance du trafic subit un tassement tandis que le prix du pétrole augmente dans des proportions importantes.
Les compagnies aériennes, aux prises avec les difficultés financières résultant de cette situation et de l’achat de gros-porteurs, font preuve d’une grande réticence. Les ventes stagnent et se limitent à des ventes « politiques » aux compagnies nationales des principaux pays constructeurs (Air France, Lufthansa).
Techniquement, le programme se poursuit :
1974 : certifications des versions de base B2 et B4.
1976 : certifications FAA (Federal Aviation Administration, agence gouvernementale américaine) de la version B4, lancement de la version C4 (transformable passagers/cargo), mais la cadence de production est très ralentie pour éviter que la chaîne ne soit totalement arrêtée.
Le démarrage : 1977
Les compagnies aériennes retrouvent progressivement une situation plus saine, les courbes de trafic (passagers et fret) reprennent une pente ascendante que l’on n’avait plus observée depuis quelques années.
L’espoir renaît, concrétisé par 65 ventes au cours de l’année.
La spirale du succès : 1978…
Le carnet de commandes se gonfle sérieusement.
1978. En avril, Airbus prend pied dans la « forteresse américaine » avec la première commande d’outre-Atlantique. L’achat par la compagnie Eastern jouera, pour les autres, un rôle déterminant.
En juin, est lancé le programme A310, version plus courte, dérivée de la précédente. La cadence de production est augmentée.
1979. En juin, la Grande-Bretagne se joint aux partenaires d’Airbus Industrie et la répartition des droits des membres devient :
– 37,9 % : Aérospatiale (France) ;
– 37,9 % : Deutsche Airbus (Allemagne) ;
– 20 % : British Aerospace (GB) ;
– 4,2 % : CASA (Espagne).
L’entrée de la Grande-Bretagne dans le groupe est assortie de certaines clauses commerciales pour éviter que ne soient pénalisés les premiers partenaires.
Mi-1979 les commandes s’élèvent à 359 avions dont 227 fermes (175 A300 et 52 A310) et 132 options (77 A300 et 55 A310).
L’avenir
Toutes les compagnies aériennes sont appelées à remplacer leurs avions de conception ancienne, bruyants et gros consommateurs de pétrole. Face à cette demande, l’Airbus, plus silencieux et économique que ses concurrents, se trouve fort bien placé.
Le marché est estimé à plus de 1 300 avions court/moyen-courrier et de 900 avions moyen/long-courrier. Une part importante de ce marché paraît maintenant tout à fait accessible. Pour s’adapter aux commandes, la cadence de production, de 2,7 avions/mois en 1979, doit passer à 3 en 1980 et à 3,8 en 1981. Il est envisagé de la porter, au-delà, à 8 (2 équipes) avec la mise en service, début 1983, de l’A310, dont les certifications doivent être acquises avant la mi-1983.
La famille Airbus
L’Airbus se présente comme un avion à fuselage large, propulsé par deux réacteurs de la gamme des 20 tonnes, à grande soufflante et fort taux de dilution. Peu bruyant et ayant une faible consommation, il a des qualités très recherchées à une époque où les riverains des aérodromes deviennent plus exigeants quant aux nuisances de bruit, et où le prix du pétrole a renchéri dans de notables proportions. Par ailleurs, la conception moderne de son aérodynamique lui donne, au décollage et à l’atterrissage, des performances intéressantes.
La famille Airbus (simplifiée)
|
A300 B2 100 ou 200 |
A300 B4 100 |
A300 B4 200 |
A310-200 |
A310 Dev. |
Masse maximum au décollage |
142 t |
157 t |
165 t |
132 t |
140,6 t |
Carburant maximum |
34 t |
49 t |
49 t |
43 t |
43 t |
Distance franchissable |
2 000 NM * |
3 000 NM * |
3 200 NM * |
3 000 NM * |
3 500 NM * |
251 passagers |
214 passagers |
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Passagers maximums |
220 à 345 |
200 à 250 |
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Maximum fret en soute |
30 t |
30 à 34,5 t |
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Moteurs |
CF 6.50-C 51 000 Lbs |
CF 6.80A 48 000 Lbs |
* Chiffres arrondis à utiliser avec précaution, car ils dépendent des aménagements intérieurs variables d’une compagnie à l’autre.
** L’installation de réacteurs RB 211.524 B4 de 50 000 Lbs est également envisagée sur tous les types mais elle est subordonnée à la réalisation de certaines conditions commerciales.
A300
Le premier avion A300 était un B1. Rapidement il a paru nécessaire d’améliorer le produit, ce qui a donné naissance au B2, le premier commercialisé : 137 tonnes au décollage, il pouvait emporter 34,5 tonnes de carburant et transporter 345 passagers. La distance franchissable, avec 250 passagers, était de 1 600 NM. Airbus proposait aussi une version B4, plus lourde (150 tonnes au décollage). La capacité d’emport de carburant était augmentée de 10 tonnes, la distance de 900 NM. Par la suite, les masses maximales au décollage étaient encore relevées et les versions actuelles fixées comme l’indique le tableau ci-devant.
Le modèle A300 existe donc en plusieurs versions : B2 (court-courrier) 100 et 200, B4 (moyen-courrier) 100 et 200. Elles sont certifiées avec des moteurs General Electric CF 6.50-C et dérivés, pour des vitesses maximales opérationnelles (VMO) de 345 à 360 KTS et des mach maximaux (MMO) de 0,82 à 0,86. Ces versions seront également proposées avec des moteurs Pratt & Whitney JT9D-59A.
Enfin le B4 existera aussi en version « convertible » fret/passagers, c’est la version A300 C4 capable de transporter 41 tonnes de fret, dont le premier exemplaire devrait voler fin 1979.
A310
À partir du modèle 300, Airbus Industrie lance le programme 310 en 1978.
Selon une pratique maintenant bien connue, appliquée notamment aux États-Unis (par Lockheed par exemple), l’avion préalablement « découpé en tranches » est raccourci. Ceci permet, pour une capacité un peu moindre, de réaliser une notable économie de poids et de prix.
L’A310 bénéficie de l’expérience acquise sur l’A300 qui permet, entre autres, d’étendre l’utilisation des matériaux composites à presque toutes les structures secondaires. L’aile est redessinée, elle a un profil optimisé (alias super-critique) ; le train, nouveau, permet des opérations de maintenance plus aisées. Enfin la cabine de pilotage est conçue, éventuellement pour 2 membres d’équipage disposant de calculateurs digitaux et d’une visualisation électronique encore améliorée.
Il va sans dire que les progrès technologiques réalisés dans la construction de l’A310 bénéficient, en retour, à la construction de l’A300.
L’A310 sera équipé de réacteurs CF6.80 ou Pratt & Whitney et peut-être, un jour, de Rolls Royce.
L’éventail des modèles Airbus est donc susceptible de satisfaire, au maximum, les besoins des compagnies, il est même envisagé d’étendre la gamme, un jour, à un quadriréacteur.
Conclusion
Face à la puissante industrie aéronautique américaine, omniprésente dans les compagnies aériennes notamment avec Douglas et Boeing, après l’échec commercial de Concorde, un certain pessimisme pouvait prévaloir sur le vieux continent.
Un quart de siècle après la Caravelle, l’industrie européenne vient, avec l’Airbus, relever le défi et démontrer que, malgré ses contraintes, la coopération seule permet de rester présent dans la compétition.
Bien placé face à ses concurrents américains, l’Airbus est susceptible de poursuivre l’excellente percée qui a été faite sur le marché. ♦