Auteur du Destin des Kurdes (L'Harmattan, 1998) et des Démons de l'Europe (1999), l'auteur nous présente la vie et l'œuvre modernisatrice d'un Égyptien qu'on a quelque peu oublié, à l'avantage de Kemal Atatürk.
Mohammed Ali d’Égypte, prophète de la modernité
Il est couramment écrit que Mustafa Kemal Atatürk (Salonique 1881, Istanbul 1938), le général turc aux yeux d’aigle qui a enfanté dans la douleur la république de Turquie, le 29 octobre 1923, a fortement influencé l’Égyptien Ghamal Abdel Nasser, le Tunisien Habib Bourguiba et bien d’autres. C’est en partie exact : les grands réformateurs modernistes que le Tiers-Monde pluriel a connus au XXe siècle sont en effet les fils spirituels d’Atatürk. Ils sont aussi, et surtout, les dignes héritiers d’un génial Égyptien, prophète de la modernité, qui avait bien compris tous les avantages qu’il pouvait tirer d’une coopération avec les puissances européennes : Mohammed Ali d’Égypte (Cavalla 1769, château de Choubra, près du Nil, 1849).
Né en 1769 à Cavalla (ou Kavala), en Macédoine, la même année que Napoléon, ce dont il était fier, Mohammed Ali d’Égypte va ébranler le Proche-Orient et révolutionner les institutions de l’Empire ottoman. Il abolira les discriminations religieuses à l’encontre des minorités non musulmanes, développera une éducation sur le modèle laïc, modernisera l’administration, nationalisera les biens religieux, destituera des ulemas (spécialistes en sciences religieuses dans les pays musulmans) opposés à sa politique de laïcisation, supprimera le traditionnel système ottoman d’affermage des impôts : tout cela en l’espace d’un demi-siècle.
Mohammed Ali appartient à la caste militaire de l’Empire ottoman où prédominent les origines balkaniques : en d’autres termes, l’Europe et la chrétienté ne sont pas pour lui des contrées mystérieuses et hostiles. Contemporain de Khéreddine, ministre tunisien réformateur (1), il va poursuivre le travail des Ottomans, conscients du retard de l’Orient par rapport à l’Europe. Le Tunisien Habib Bourguiba, les Égyptiens Nasser et Sadate, l’Algérien Ferhat Abbas, les Pahlavi d’Iran et le Turc Mustafa Kemal Atatürk en sont les dignes héritiers.
Il reste 83 % de l'article à lire
Plan de l'article





