Au-delà de ses conséquences directes, telles que prédation financière ou destruction d'actifs, la menace criminelle a un impact profond sur la stratégie même de l'entreprise. Elle contraint, en premier lieu, son mode de développement international en créant de nouveaux critères de choix des zones d'investissement et des modalités juridiques et techniques d'implantation. Elle parasite également l'action du dirigeant, en éprouvant régulièrement son intégrité. Elle touche, enfin, le cœur même du développement de l'entreprise par la pression qu'exercent les coûts de management des risques criminels sur sa rentabilité.
L'action criminelle, entrave au développement de l'entreprise
Dilapidation, détournement ou destruction des ressources de l’entreprise ; responsabilité pénale du dirigeant : telles sont les conséquences directes de l’action criminelle qui viennent instinctivement à l’esprit. Il en est une oubliée pour l’entreprise, souvent indirecte, parfois insidieuse : la restriction de sa liberté de mouvement. L’équipe dirigeante peut être amenée à abandonner certaines options de développement, jugées désormais trop risquées ou à trop faibles espérances de rentabilité. Si les choix d’expansion se réduisent à peau de chagrin, la survie de l’entreprise, en tant qu’organisation intègre sur le marché, peut être menacée.
Un exemple : EDF au Brésil
Quand EDF, avec quelques alliés, investit en 1996 plus d’un milliard d’euros pour acquérir la société brésilienne privatisée Light, fournisseur d’électricité dans l’État de Rio de Janeiro, les dirigeants fondaient de grands espoirs dans ce développement à l’international. Même s’ils savaient qu’ils n’auraient pas une totale liberté dans la fixation du prix de l’électricité, ils tablaient sur une rentabilité du capital investi de 10 à 12 % (1). L’expansion locale se poursuivit avec la prise de contrôle de Metropolitana en 1998, fournisseur d’électricité à São Paulo. Restée seule à la tête de Light, EDF s’interroge en 2004 sur son intérêt à persévérer au Brésil devant l’accumulation de pertes enregistrées année après année. L’augmentation du capital d’environ un milliard d’euros en 2002 n’a pas résolu les difficultés : bien sûr la crise locale de l’énergie a contribué à ces déconvenues, mais le gouvernement brésilien a néanmoins offert des compensations financières importantes à la filiale d’EDF ; bien sûr le rachat de Metropolitana a accru sensiblement l’endettement de Light, mais il ne peut expliquer les déboires à lui seul. Il y a une autre cause : Light souffre de pratiques criminelles, en particulier à Rio de Janeiro. Des organisations locales détournent les réseaux d’électricité pour effectuer des branchements clandestins. De fait, un quart du courant fourni par Light ne serait pas facturé à la clientèle. En d’autres termes, EDF fournit l’énergie gratuitement à une grande partie de la population de Rio. Il est dès lors compréhensible que l’entreprise connaisse des difficultés pour rentabiliser son activité.
Analyse du risque
À l’instar d’EDF au Brésil, certaines menaces ou actes criminels entravent donc le développement de l’entreprise. Ses dirigeants n’ont pas simplement à gérer un détournement des ressources, mais aussi la viabilité de l’activité dans la zone géographique en question. S’ils sont incapables de se défendre, ou de préserver un rapport coûts-bénéfices à leur avantage, le retrait du pays devient l’une des rares options envisageables. En conséquence, les modèles classiques de développement à l’étranger, fondés sur une analyse de l’attractivité des marchés et de leur accessibilité, se révèlent aujourd’hui insuffisants. Sans doute les risques pays sont-ils analysés, mais ces études portent essentiellement sur les dimensions politiques et économiques. Il est temps d’intégrer la menace criminelle dans le raisonnement. Un chef d’entreprise souhaitant internationaliser ses activités doit aujourd’hui être capable de répondre à quatre questions-clés :
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