La géographie des mers et des océans à l’échelle de la planète ainsi que la variété des activités qui s’y développent ou s’y rattachent, déterminent un large éventail d’enjeux stratégiques qui se déclinent dans toutes les dimensions d’une politique étrangère : sécurité ; économie ; commerce et industrie ; développement des populations et des régions littorales ; développement de l’activité maritime et protection des ressources ; préservation de l’environnement et développement durable ; recherche fondamentale sur le milieu et l’écosystème marins ; culture, éducation, formation… Aucune ne peut être développée et mise en œuvre efficacement en dehors d’une vision d’ensemble.
Pour une politique globale des espaces maritimes
Depuis plusieurs mois, la recrudescence des actes de piraterie au large des côtes somaliennes comme la multiplication des agressions armées contre les navires de commerce dans le golfe de Guinée ont mis en lumière des réalités maritimes oubliées. Aux premiers rangs de celles-ci figurent : la forte dépendance de l’économie mondiale à l’égard du commerce maritime international ; l’attachement des puissances commerciales à la liberté des mers et à la libre circulation des marchandises ; l’importance du droit maritime international qui a façonné l’équilibre entre des États engagés à différents titres dans l’activité maritime (État du port, État côtier, État du pavillon) tout en posant les principes de la souveraineté de juridiction de chacun d’eux pour la gestion et l’exploitation des ressources de vastes zones maritimes et des fonds marins associés ; la nécessité de disposer de moyens nationaux capables de faire respecter le droit, protéger des ressortissants et préserver des intérêts répartis sur tous les océans du globe ; enfin, l’ampleur de la coopération internationale nécessaire pour conduire une action efficace dans un espace maritime souvent lointain.
Les nombreuses missions de lutte contre la piraterie conduites dans le golfe d’Aden ont mis en évidence les capacités et les conditions nécessaires pour mener avec succès et dans la durée ces opérations de police de la haute mer à longue distance. Dans le cas de la France, il convient de retenir : une organisation interministérielle de coordination de l’action de l’État en mer ; un centre diplomatique de gestion de crise ; une chaîne militaire de commandement des opérations interarmées ; un dispositif de surveillance maritime, d’échange d’informations et de renseignements ; des navires de guerre ou d’intervention pré-positionnés ; des équipes de reprise d’un navire par la force ; le prolongement de l’action de force par une procédure judiciaire afin de traduire les pirates appréhendés devant un tribunal. La mise en œuvre de telles capacités traduit l’aptitude d’un État à coordonner l’ensemble de ses moyens ministériels, dépassant le clivage traditionnel sécurité intérieure-sécurité extérieure, pour faire face à une crise à caractère maritime.
Cependant, la lutte contre la piraterie engagée par les principales puissances maritimes mondiales ne peut se limiter à une réponse en haute mer aux attaques de réseaux de pirates bien organisés alors que les causes du phénomène sont le fait de populations déshéritées et mettent en avant une jeunesse le plus souvent désœuvrée. Après avoir pris des mesures immédiates pour sauvegarder leurs intérêts, en déployant différentes forces navales au large de la Somalie, les grandes puissances ne pourront soutenir un effort sécuritaire dans la durée sans en payer un coût politique et financier disproportionné au regard de l’aide apportée aux pays de la région pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés. Dans ce contexte, la consolidation d’une politique globale des espaces maritimes de portée mondiale permettrait non seulement d’élargir le cadre des réponses aux questions soulevées par la piraterie dans le Nord-Ouest de l’océan Indien, mais également d’aborder les différents espaces maritimes avec une approche adaptée aux enjeux régionaux. C’est cette thèse qui est présentée ci-dessous.
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