Pierre-Marie Gallois (mai 2009)
Il y a un paradoxe Gallois. On présente habituellement le général Pierre Gallois, tout au moins depuis les années 70, comme l’un des pères de la dissuasion nucléaire française, et notamment comme l’un de ses théoriciens pionniers, l’inventeur du « pouvoir égalisateur de l’atome » et de la « dissuasion proportionnelle ». On le connaît aussi comme un avocat et polémiste acharné du nucléaire, auteur d’essais en cascade, souvent critiques.
L’examen de sa carrière montre pourtant que Pierre Marie Gallois (1) n’a été associé directement aux affaires du nucléaire militaire que pendant une quarantaine de mois, entre août 1953 et février 1957. Encore l’était-il du fait de fonctions au sein de l’Otan, mais dans ses fonctions nationales exercées par ailleurs, au sein des cabinets, il fut chargé des « affaires aéronautiques » et jamais, tout au moins en ligne directe, de celles de « l’atome militarisé ». Et lorsque de Gaulle revient au pouvoir et s’engage au plan stratégique dans une politique de priorité absolue à la « force de frappe », Pierre Gallois a quitté l’uniforme depuis quinze mois.
Plaçons-nous en 1960, année de publication de son premier grand ouvrage, Stratégie de l’âge nucléaire, l’un des pics de sa trajectoire de stratège, remarquable point d’observation de l’ensemble d’une carrière. Qui est Pierre Gallois en 1960 ? Général de brigade, il l’est depuis trois ans ; mais militaire en activité, il ne l’est plus : démissionnaire de l’Armée de l’air en février 1957, il a rejoint la firme aéronautique de Marcel Dassault en tant que conseiller opérationnel (2). Il est alors étroitement associé à la mise au point du premier vecteur de l’arme nucléaire française, le Mirage IV, se trouvant plus spécialement chargé des relations de haut niveau avec l’état-major et la Délégation ministérielle pour l’armement (DMA) (3) du général Lavaud. Stratégie de l’âge nucléaire (4) est son premier grand ouvrage, mais « PMG » n’est certes pas un inconnu dans le monde de la littérature stratégique. Cet homme de quarante-neuf ans a fait ses premières armes d’écrivain militaire en tant que chroniqueur au sein de la revue La France libre, à Londres en 1944, revue dont Raymond Aron était le rédacteur en chef. Activité de plume qui se glissait dans les interstices de ses missions de bombardement stratégique au-dessus de l’Allemagne ; le lieutenant Gallois, au sein du groupe « Guyenne » des Forces aériennes françaises libres (FAFL) participait aux raids du Bomber Command britannique. Raids géants puisque certaines missions étaient effectuées par un essaim meurtrier de 1 200 quadrimoteurs, sans compter la chasse d’accompagnement. Après la guerre la carrière d’officier et celle d’écrivain militaire ne se sont plus jamais réellement séparées.
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