Politique et diplomatie - L'unification de l'Allemagne ; Genève et la Sarre
Ainsi qu’il en avait été décidé par les chefs de Gouvernement lors de leur réunion à Genève du 18 au 23 juillet, les ministres des Affaires étrangères des trois grandes puissances occidentales et de l’U. R. S. S. se sont retrouvés à Genève, le 27 octobre. Leur tâche était définie par des directives qui furent rendues publiques, en guise de communiqué, à la fin de la rencontre des chefs de gouvernement. À dire vrai, ces directives étaient rédigées sous une forme assez ambiguë pour ne pas laisser apparaître les divergences qui, sans doute, avaient persisté malgré les offensives du sourire et des banquets. Les chefs de gouvernement avaient en commun le souci de présenter avant les vacances d’été un bilan positif de leurs échanges de vues ; deux au moins parmi les trois Occidentaux se trouvant déjà engagés dans la préparation des élections — présidentielles aux États-Unis, générales en France — ni le président Eisenhower, ni M. Edgar Faure, ne pouvaient se permettre de prendre la responsabilité d’un re-gel des relations Est-Ouest. Aussi les difficultés, volontairement escamotées dans les directives, étaient-elles renvoyées aux ministres des Affaires étrangères.
Ces difficultés en ce qui concerne l’Europe, et plus précisément l’Allemagne, sont au nombre de deux. D’abord, les Occidentaux, fidèles à la politique qu’ils ont suivie depuis que s’est faite la coupure entre les « occupants » de l’Ouest et de l’Est, ne reconnaissent d’existence légale qu’à une Allemagne, celle de Bonn. Le Chancelier Adenauer se considère comme autorisé à parler au nom de toute l’Allemagne et le Bundestag de Bonn est censé exprimer les volontés des 18 millions d’Allemands de l’ex-zone d’occupation soviétique qui, n’ayant pu procéder à des élections libres, ne sont pas actuellement politiquement représentés. En d’autres termes, les Occidentaux, comme le gouvernement du Chancelier, ignorent le gouvernement de la République démocratique allemande (la D. D. R.) qui siège à Pankow. Il va sans dire que cette ignorance a des limites, en particulier lorsqu’il s’agit des Allemands de l’Ouest. Ceux-ci ont de toute évidence besoin de prendre contact avec les autorités de la D. D. R. à l’occasion de voyages, de transactions commerciales, de manifestations culturelles, sportives, etc… Et le moindre incident survenu sur la ligne de démarcation impose aux autorités mêmes de la République fédérale de rencontrer les autorités de la République démocratique. Par conséquent, si le gouvernement de Bonn nie l’existence juridique de la D. D. R., il n’en est pas moins vrai qu’en fait, les deux Allemagne se touchent et se parlent.
De son côté, l’U. R. S. S. a eu, pendant toute la durée de la guerre froide, une position symétrique de celle des Occidentaux. Elle ne reconnaissait qu’une Allemagne, celle de Pankow. Le gouvernement de Bonn était considéré comme un gouvernement de marionnettes, de réactionnaires, d’ennemis de la démocratie, du peuple allemand et de la paix, manœuvré dans les coulisses par les Puissances occidentales et tout particulièrement par les États-Unis. Mais, avec la fin de la guerre froide, l’U. R. S. S. a modifié radicalement son attitude. Après que les attaques contre Bonn eurent cessé, le gouvernement soviétique, par l’entremise de son ambassadeur à Paris, a fait savoir, le 7 juin 1955, qu’il serait favorable à une normalisation des relations entre l’U. R. S. S. et la République fédérale. En même temps, on invitait le chancelier Adenauer à Moscou ; et l’on sait que de ce voyage le chancelier Adenauer rapporta, avec la promesse du retour des prisonniers encore retenus en U. R. S. S., un accord sur l’échange d’ambassadeurs entre Moscou et Bonn. En sorte que dans un avenir désormais proche, Moscou sera également représenté auprès de la République démocratique, et auprès de la République fédérale. Et d’autre part, les deux Allemagnes auront chacune leur ambassadeur à Moscou.
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