Connexion
  • Mon espace
RDN Association loi 1904, fondée en 1939 RDN Le débat stratégique depuis 1939
  • Panier - 0 article
  • La Revue
  • e-RDN
    • Tribune
    • e-Recensions
    • Cahiers de la RDN
    • Débats stratégiques
    • Florilège historique
    • Repères
    • Brèves
  • Boutique
    • Abonnements
    • Crédits articles
    • Points de vente
    • Conditions générales de vente
  • Bibliothèque
    • Recherche
    • Auteurs
    • Anciens numéros
  • La RDN
    • Présentation
    • Comité d'études
    • L'équipe
    • Contact
    • Lettre d'infos
    • Agenda
  • Liens utiles
  • Mon espace
  • Connexion
  • Connexion

    Email :

    Mot de passe :

  • La Revue
  • e-RDN
    • Tribune
    • e-Recensions
    • Cahiers de la RDN
    • Débats stratégiques
    • Florilège historique
    • Repères
    • Brèves
  • Boutique
    • Abonnements
    • Crédits articles
    • Points de vente
    • Conditions générales de vente
  • Bibliothèque
    • Recherche
    • Auteurs
    • Anciens numéros
  • La RDN
    • Présentation
    • Comité d'études
    • L'équipe
    • Contact
    • Lettre d'infos
    • Agenda
  • Liens utiles
  • Accueil
  • e-RDN
  • Europe : fin de l'innocence stratégique – Regards du CHEM - 74e session
  • Opération Sagittaire au Soudan (22-28 avril 2023) : analyse d’un succès stratégique français

Opération Sagittaire au Soudan (22-28 avril 2023) : analyse d’un succès stratégique français

Sébastien Botheron, "Opération Sagittaire au Soudan (22-28 avril 2023) : analyse d’un succès stratégique français " Europe : fin de l'innocence stratégique – Regards du CHEM - 74e session

L’opération Sagittaire, conduite au Soudan en avril 2023, a permis d’évacuer 1017 ressortissants de 84 nationalités, dont 225 Français. Planifiée et conduite par les forces françaises stationnées à Djibouti, l’opération a été unanimement considérée comme un succès stratégique.  Comme pour toute stratégie militaire, c’est la parfaite combinaison des facteurs espace, temps et force qui a permis d’emporter la décision. Cela ne peut être précédé que d’une volonté politique et d’une capacité du diplomate et du militaire à agir ensemble en acceptant une nécessaire prise de risque dans la conduite des opérations.

Le 3 mai 2023, The Economist publie un article (1) relatant l’évacuation par les forces armées françaises de citoyens britanniques bloqués à Khartoum, au cœur du conflit soudanais. Il égratigne au passage les gouvernements anglais et américain, accusés de n’avoir évacué que leurs représentations diplomatiques, et salue de manière flatteuse l’action de la France : « the French did everything ».

Quelques jours auparavant, le 15 avril, le Soudan avait sombré dans le chaos en quelques heures piégeant au milieu de combats d’une extrême violence des centaines de ressortissants étrangers, surpris par la brutalité du déclenchement des affrontements. La France va alors planifier et conduire l’opération Sagittaire depuis son point d’appui de Djibouti, pour évacuer ses ressortissants du Soudan. Finalement, entre le 22 et le 28 avril, ce sont 1 017 personnes de 84 nationalités différentes, dont 225 Français, qui seront extraites, mises en sécurité puis évacuées par la France. À l’instar des éloges de l’hebdomadaire britannique ou des remerciements appuyés du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, au gouvernement français (2), l’action de la France a été unanimement saluée sur la scène internationale. D’abord, car elle a pleinement assumé son rôle de nation-cadre en entrant en premier et en tenant la porte ouverte à ses partenaires pour qu’ils puissent conduire leur propre évacuation. Ensuite, car fidèle à ses valeurs d’humanisme et de fraternité, elle a évacué des ressortissants du monde entier, là où d’autres Nations n’ont volontairement évacué que leur représentation diplomatique.

La frontière entre un succès retentissant et un échec cuisant est souvent ténue. Pourquoi la pièce est-elle retombée du bon côté au Soudan en avril 2023 ? Coup de poker et baraka ou opération millimétrée en planification comme en exécution ? Synchronisation maîtrisée des effets politique, diplomatique et militaire ? Spécificités françaises dans la conduite des opérations ? L’objectif de cet article est d’essayer d’y répondre et de donner la vision la plus complète possible de cette opération.

Retour sur la genèse de la crise soudanaise

La crise actuelle prend racine dans les profonds bouleversements politiques et les luttes de pouvoir consécutifs à la révolution soudanaise de 2019 qui a mis fin à la République islamique. À la suite de la destitution du président de la République du Soudan, Omar el-Bechir le 11 avril 2019, un conseil militaire de transition est mis en place. Il est présidé par le général Abdel Fattah al Buhran, commandant les Forces armées soudanaises (FAS), secondé par Mohamed Hamdan Dagalo dit Hemetti, commandant les Forces de soutien rapide (FSR), puissante organisation paramilitaire issue des Janjaouid (milices tribales originaires du Darfour). Dès sa création, il fait face à une coalition qui refuse la prédominance des militaires au pouvoir et souhaite un gouvernement civil. Cette opposition aboutit à la dispersion violente d’un rassemblement organisé devant le siège des forces armées et conduit finalement à la signature, le 4 août, d’un document constitutionnel prévoyant une répartition des pouvoirs entre civils et militaires. Un gouvernement civil de transition est alors nommé sous la direction de l’économiste Abdallah Hamdok. Refusant cet état de fait, al Buhran et Hemetti mènent un coup d’État le 25 octobre 2021 contre le gouvernement de transition et reprennent le pouvoir. La population, en proie à une profonde crise sociale et économique, descend à nouveau dans la rue et les manifestations sont encore une fois lourdement réprimées. Le fragile équilibre du partage du pouvoir entre les deux généraux s’érode peu à peu alors que se pose la question de l’intégration des forces paramilitaires au sein de l’armée régulière. Le 15 avril 2023, ce conflit latent aboutit au déclenchement d’affrontements armés entre les deux camps, plongeant encore un peu plus le pays dans le chaos et l’urgence humanitaire (3).

Chronologie succincte de l’opération Sagittaire

15 au 17 avril : début de la crise ; regroupement des ressortissants à Khartoum ; lancement de la planification d’une opération d’évacuation

Le 15 avril, les premières informations reçues font état de très violents combats entre les FAS et les FSR, principalement dans Khartoum. L’intensité comme la cinématique très rapide de la crise laissent présager que la situation pourrait s’aggraver rapidement et s’inscrire dans la durée. La majorité des ressortissants français, estimés à environ 300 personnes, est totalement bloquée en ville et imbriquée au milieu des combats, avec des réserves en eau et en nourriture limitées.

Durant les 18 mois de détérioration politique et sécuritaire consécutifs au coup d’État du 25 octobre 2021, l’ambassadrice de France au Soudan, Mme Raja Rabia, et la mission de défense, maintiennent des contacts réguliers et de confiance avec les deux camps. L’activation de ce réseau au déclenchement des hostilités permet de fournir aux échelons centraux une vision claire de la situation sur place, de suivre son évolution en temps réel, et de commencer à ouvrir des canaux de négociations avec les belligérants. En parallèle, les citoyens français les plus isolés sont récupérés par des agents de l’ambassade dans des conditions particulièrement délicates, puis déposés sur l’un des deux points de regroupement.

Compte tenu de ces éléments, des cellules de crise sont activées au Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et au Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) du ministère des Armées. Au niveau stratégique, ces deux centres, rodés à opérer ensemble, vont être au cœur de la gestion de la crise soudanaise pour préparer les options stratégiques d’intervention, appuyer la prise de décision politique, puis conduire l’opération. Il s’agit là d’un véritable défi : faire face à l’incertitude d’une crise qui implique directement des ressortissants français et dont l’évolution ne devra pas empêcher d’apporter une réponse militaire adaptée, en limitant au maximum les facteurs « surprise » et « risque ». L’échec est inenvisageable et inassumable puisque la vie de civils est en jeu. C’est dans ce cadre particulier et sous très forte pression opérationnelle que va se dérouler la planification de l’opération. Son objectif est de proposer des options différenciées au Chef d’état-major des armées (Céma) et au président de la République, pour qu’une éventuelle décision d’engagement soit prise.

Pour cadrer cette phase préparatoire, des critères de planification sont rapidement donnés par le niveau politique et stratégique à Paris. Ils permettent de comprendre l’esprit du chef, le style de l’action souhaitée, et donc de guider la construction des options militaires. Ces critères sont les suivants, élaborés sous le prisme des principes de la guerre du général Foch :

• La France doit garder une parfaite neutralité vis-à-vis des deux belligérants pour ne pas prendre part au conflit qui les opposent, et faire acter une trêve pour conduire l’opération (liberté d’action).

• L’opération doit être réalisée en mode « coup de poing », pour passer un minimum de temps sur place et limiter les risques d’enlisement qui mettraient en danger les ressortissants et fragiliseraient le dispositif de la force (concentration des efforts).

• L’empreinte au sol doit être la plus faible possible, ce qui implique une génération de force calibrée au juste besoin, mais aux compétences très larges et multi-spectres (économie des moyens).

Une fois ce cadre posé et à ce stade de la crise, trois modes d’action vont être étudiés, en étroite coordination entre Paris, Khartoum et Djibouti, pour couvrir l’ensemble du champ des possibles :

– une option « par les airs », en s’appuyant sur un aéroport soudanais ;

– une option « par la mer », qui nécessite de pouvoir faire rallier par la route les ressortissants qui se trouvent majoritairement à Khartoum, vers Port-Soudan situé à environ 800 kilomètres au Nord-Est ;

– une option « par la terre », en rejoignant le Soudan par la route depuis Djibouti (1 600 km).

18 avril : les forces françaises stationnées à Djibouti conduiront l’opération ; renforcement du point d’appui de Djibouti

La situation continue de se dégrader au Soudan et la perspective d’une intervention se dessine. À ce stade de la montée en puissance, il est désormais nécessaire d’identifier la force qui assurera le commandement opératif de l’opération. Parmi les différentes options possibles, ce sont les Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) qui présentent le plus d’avantages compte tenu de leur organisation et de leur situation (distance avec le Soudan, moyens interarmées prépositionnés, capacité d’accueil de la base, troupes interarmées aguerries et prêtes). Le Céma confie donc officiellement au général de division aérienne Laurent Boïté, commandant les FFDj (Comfor) depuis l’été 2022, le commandement opératif de l’opération. Le 18 avril, le Comfor annonce que les FFDj (4) sont en opération.

Cette bascule opère un changement d’état d’esprit immédiat pour les unités sur place, dont le seul objectif est d’être prêt quelle que soit l’option d’engagement retenue et la configuration qui y sera associée.

Signe tangible de cette décision, les premiers renforts de France arrivent à Djibouti pour compléter les capacités des FFDj. Il s’agit de trois avions A400M, d’un C-130, d’unités des forces spéciales et du Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), de personnels du Centre de planification des opérations interarmées (CPOIA) pour renforcer l’état-major des FFDj, du Centre air de planification et de conduite des opérations (CAPCO) pour un appui aux opérations aériennes, et également d’un renfort du Service de santé des armées (SSA). Très vite, la Frégate multimissions (Fremm) Lorraine qui transite en mer Rouge est également placée sous les ordres des FFDj.

20 avril : les forces sont prêtes à être engagées ; l’option stratégique est validée ; les négociations pour obtenir une trêve se poursuivent

En 48 heures, les FFDj ont planifié l’opération et les forces sont prêtes à être engagées mais toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour déclencher Sagittaire puisque l’assurance d’une trêve n’a pas encore pu être actée au niveau politique. En revanche, le mode d’action est à présent établi et validé par le Céma : la piste de l’aéroport de Khartoum n’étant plus praticable, l’évacuation sera conduite par les airs depuis l’aérodrome de Wadi Seidna situé à environ 25 km au nord de la capitale. En plus d’unités des forces spéciales, un détachement ad hoc d’une centaine de soldats est constitué pour cette opération, dont le commandement est confié au 5e RIAOM. Autour d’un poste de commandement tactique, il est composé d’éléments interarmées légers pour couvrir l’ensemble du spectre des besoins sur place (sécurisation, gestion administrative des ressortissants, coordination aérienne, gestion logistique des aéronefs, opérateurs du CDCS et un soutien santé particulièrement robuste intégrant un module de chirurgie vitale qui permet d’opérer dans des conditions sommaires). Cette phase d’attente permet d’étudier les cas non conformes et d’affiner les mesures de coordination interarmées et interministérielles qui sont un point clé pour la réussite de l’opération.

Au Soudan, le consulat établit le contact avec les ressortissants français pour s’assurer qu’ils sont en sécurité et leur donner les consignes de regroupement. La nouvelle de l’imminence de l’opération française se répand rapidement dans la communauté des expatriés. Pour certains sans nouvelles de leur représentation diplomatique, de nombreux ressortissants étrangers rejoignent l’ambassade de France en espérant être évacués par la France. Les services de l’ambassade activent également leurs réseaux pour faciliter les préparatifs de l’opération : appui à la négociation et maintien de contacts de haut niveau avec les belligérants, renseignement sur la situation en ville grâce au personnel civil soudanais dont l’aide se révélera déterminante, identification d’entreprises de transports prêtes à louer des bus en pleine guerre civile…

22 avril : accord des belligérants pour une trêve – déclenchement de l’opération Sagittaire ; évacuation par l’aérodrome de Wadi Seidna

Au plus haut niveau de l’État, Emmanuel Macron négocie personnellement un accord avec le général al Buhran, qui est obtenu le vendredi 21 avril dans la soirée. La ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna obtient également la garantie d’une trêve avec Hemetti. La dernière condition sine qua non ayant été obtenue, le Président autorise le déclenchement de l’opération. Le lendemain en fin de journée, pour que l’engagement puisse se faire à la faveur de la nuit, un C-130 et trois A400M décollent de Djibouti avec les opérateurs des forces spéciales et le détachement des FFDj. L’entrée au Soudan par les airs se fait dans des conditions risquées. « L’ouverture d’itinéraire » est réalisée par le C-130 des forces spéciales malgré une menace sol-air persistante et des tirs antiaériens à proximité.

Les avions se posent en début de nuit à Wadi Seidna avec deux objectifs :

– s’assurer d’une zone sécurisée pour accueillir les ressortissants au plus tôt ;

– établir une relation de confiance avec les militaires soudanais pour les rassurer sur les intentions de la France, s’assurer que les conditions de la trêve aient été diffusées jusqu’aux plus petits échelons et faciliter dans le temps la coordination aérienne et la fluidité des évacuations.

L’information du début de l’opération n’est effectivement pas parvenue aux échelons tactiques soudanais. Après négociation, les conditions sont finalement réunies. En lien avec l’ambassade, les forces spéciales débutent dans la nuit la récupération des premiers ressortissants dans un environnement sécuritaire très tendu et volatile. À Wadi Seidna, le détachement se prépare à l’accueil des ressortissants tout en planifiant et coordonnant l’ensemble des mouvements aériens. D’autres pays, dans le sillage de la porte ouverte par la France, ont effectivement débuté leurs opérations d’évacuation selon le même mode d’action.

En 48 heures, grâce à une dizaine de convois en ville, ce sont environ 500 ressortissants qui sont regroupés à Wadi Seidna puis évacués vers Djibouti où les FFDj, l’ambassade de France, les familles et la communauté françaises les accueillent de manière remarquable.

25 et 28 avril : évacuation par Port-Soudan et El Fasher

Pendant que l’opération principale d’évacuation se déroule à Wadi Seidna, la France engage également ses autres capacités disponibles. Ainsi, le 23 avril, un convoi de l’ONU d’environ 1 000 personnes part par la route de Khartoum pour rejoindre Port Soudan. À la demande de l’ONU, la Fremm Lorraine contribue le 25 avril à l’évacuation de 398 membres du personnel des Nations unies vers Djeddah en Arabie saoudite. Enfin, le 27 avril, une centaine d’agents de l’ONU sont rassemblés à El Fasher (capitale de la province du Darfour). Les Nations unies sont dans l’incapacité de les évacuer et sollicitent un appui des Nations. La France est le seul pays à répondre favorablement, et de nouveau, un C-130, deux A400M et des opérateurs des forces spéciales procèdent à leur évacuation vers N’Djamena au Tchad.

Une situation singulière et inédite sur le terrain ayant nécessité de concevoir une opération « sur mesure »

La France a conduit ces dernières années de nombreuses évacuations de ressortissants et en maîtrise parfaitement les savoir-faire. Dès lors, il existe un risque non négligeable de tomber dans le syndrome du prêt à porter, l’un des cinq péchés capitaux de la gestion de crise décrits par le général Didier Castres, sous-chef opérations de l’EMA de 2011 à 2016 (5). Il pourrait effectivement être tentant d’apporter une « réponse type » applicable pour chaque crise de ce type. Or le 15 avril, la complexité et la singularité de la situation « au départ du coup » nécessite une réponse taillée sur mesure pour maximiser les chances de succès Elle se révèle effectivement très différente d’autres opérations d’évacuation de ressortissants (RESEVAC) conduites par la France :

• Lors de l’aide au départ des ressortissants au Niger d’août 2023, ces derniers ont pu se rendre sur le point d’évacuation par eux-mêmes compte tenu d’une situation sécuritaire favorable. Au Soudan, la cinématique des combats ayant été très rapide, elle n’a pas permis d’encourager le départ des ressortissants dès les premiers signes de la crise. Ils se sont retrouvés par conséquent fixés au milieu d’affrontements de haute intensité, et pour certains dans l’incapacité de rejoindre les points de regroupement. Il a donc fallu aller les chercher, parfois chez eux, et les escorter jusqu’à l’aéroport sous menace permanente.

• À la différence de la RESEVAC en Côte d’Ivoire de 2004 conduite par la force Licorne déjà déployée sur place, la France n’a pas de troupes prépositionnées au Soudan, ni une connaissance approfondie du pays.

• Contrairement à la RESEVAC en Afghanistan d’août 2021 (opération Apagan) où l’aéroport de Kaboul était sécurisé par les Américains au moment de l’intervention française, le point d’évacuation n’est ici pas « tenu » par une armée alliée.

• Enfin, à la différence de l’opération Bonite (RESEVAC à Kolwezi au Zaïre en 1978), les ressortissants ne sont ni menacés ni ciblés et une trêve a pu être négociée avec les belligérants pour conduire l’opération.

Analyse des principaux facteurs de succès de l’opération Sagittaire

Pour s’interroger rétrospectivement sur les raisons du succès de cette opération, il est intéressant d’apprécier l’option stratégique retenue sous le prisme de la triade fondamentale de la pensée stratégique militaire (le temps, l’espace et la force) dont la combinaison, en planification et en conduite, garantit le succès ou l’échec d’une opération (être fort au bon moment et surtout à l’endroit décisif selon l’approche clausewitzienne).

Nous y ajouterons un quatrième facteur : le risque. Invoqué régulièrement par les autorités politiques et militaires pour enjoindre à en prendre davantage, le risque, inhérent au métier des armes, se heurte pourtant comme dans le reste de la société à des freins puissants, comme le poids de la norme, le principe de précaution désormais constitutionnel, ou à une forme de judiciarisation des conflits armés, qui peuvent inhiber l’action militaire. La propension à en accepter et en assumer une part est donc au cœur de la réussite ou de l’échec d’une opération.

Le facteur temps : faire le bon choix au bon moment

À la différence d’une opération militaire « classique », une évacuation de ressortissants et singulièrement celle-ci est préparée sur un tempo très court et implique d’autres ministères que celui des Armées, en l’occurrence le MEAE et celui de l’Intérieur, mais également des pays alliés cherchant eux aussi à sécuriser leurs ressortissants. L’ensemble de ces acteurs est soumis à une très forte pression temporelle, médiatique et au final cognitive (je dois aller vite car de mon action dépend la survie de mes compatriotes au Soudan) qui complexifie fortement les phases de planification et de conduite.

Ainsi, là où habituellement chaque niveau (stratégique, opératif, tactique) définit ses objectifs et élabore sa planification successivement, dans le cas de Sagittaire et afin d’optimiser les délais, chaque niveau a dû planifier en parallèle et en étroite coordination avec les parties prenantes de son niveau :

– stratégique à Paris entre le CPCO du Minarm, le CDCS du MEAE, les autorités militaires alliées et les belligérants soudanais ;

– opératif à Djibouti, entre l’état-major interarmées des FFDj, l’ambassade de France à Djibouti et celle au Soudan, les représentants des nations étrangères sur place, et les autorités djiboutiennes ;

– tactique au Soudan, entre l’échelon de commandement déployé sur place, les opérateurs du CDCS, l’ambassade de France, le chef de la base aérienne soudanaise et les chefs tactiques des contingents alliés déployés sur l’aérodrome.

Face à la pluralité et la complexité de cette organisation, on peut considérer que les éléments suivants ont été déterminants dans la maîtrise du facteur temps et dans la limitation des adhérences :

• La singularité du système de décision politico-militaire français. Suivant la volonté du général de Gaulle, la Constitution de la Ve République consacre la prééminence du président de la République (PR) dans la conduite des opérations militaires. Exception notable au sein des démocraties occidentales, cette concentration des pouvoirs dans les mains du PR répond au besoin « qu’émanent réellement de lui toute décision importante aussi bien que toute autorité, (…) qu’en cas de crise grave, intérieure ou extérieure, il lui appartient de prendre les mesures exigées par les circonstances ». Cette hypercentralisation de l’exécutif permet au PR, chef des armées, de les commander en lien direct par l’intermédiaire de son Chef d’état-major particulier (CEMP) et du Céma, et le cas échéant de pouvoir décider de les engager sur très court préavis. Dans le cas de Sagittaire, dès l’assurance d’une trêve obtenue avec les belligérants et sans autre forme de procédure, le PR a autorisé immédiatement le déclenchement de l’opération par l’intermédiaire de son état-major particulier.

• La subsidiarité au sein des armées. Compte tenu de sa sensibilité, l’opération a été suivie en temps réel au plus haut sommet de l’État, ce qui aurait pu mécaniquement conduire à écraser les niveaux de commandement (micro-management) et rigidifier les processus de décision. La tentation est toujours très forte de vouloir commander les unités sur le terrain directement depuis Paris pour s’assurer d’une vision immédiate et d’une maîtrise de la conduite des opérations (effet loupe). Au contraire, une subsidiarité importante a été laissée à chaque niveau de commandement dans l’exercice de ses responsabilités opérationnelles. Très ancrée dans la tradition militaire française, le commandement par l’intention favorise l’initiative du chef sur le terrain, limite l’entropie des échelons supérieurs en permettant des adaptations opérationnelles sans attendre de longues et fastidieuses validations. Si le système militaire peut présenter des rigidités dans certains pans de son fonctionnement, il est un modèle d’agilité lorsqu’il s’agit d’opération de ce type : reconfigurations complexes quelques heures avant le décollage des premiers avions suite à une évolution rapide de la situation, adaptation réactive du dispositif militaire en lien avec l’ambassade au Soudan dans l’exécution, prévalence des échanges à la voix plutôt qu’à l’écrit en s’attachant davantage au pourquoi qu’au comment, etc.

• Une coordination interministérielle, interalliés et interarmées claire et efficace, permise notamment par des procédures adaptées (réunion interservices régulières sous l’égide du CDCS, boucle de messagerie entre les différents niveaux, mise en place d’officiers de liaisons, co-localisation des postes de commandement sur le terrain, etc.) pour garantir une fluidité optimale dans la circulation, les remontées et le partage de l’information. L’un des nœuds du succès de cette opération est sans nul doute la capacité, à chaque strate de commandement, à coordonner avec fluidité un très grand nombre d’acteurs.

Maîtriser le temps, c’est enfin préparer les conditions pour obtenir une fenêtre d’opportunité choisie et délimitée dans le but d’optimiser l’engagement optimal. Les négociations relatives à la date de la trêve seront ainsi volontairement axées autour de la date de la fête de l’Aïd-El-Fitr (fin du Ramadan – 21 avril), favorable pour les deux parties à une pause dans les combats, et suffisante (4 jours) pour que la force soit prête à être déployée.

Le facteur espace : maîtriser les accès

Si dans le cadre de cette opération il ne s’agissait pas à proprement parler de conquérir un espace de manœuvre face à un ennemi identifié, l’étude du facteur espace et les choix stratégiques associés ont été déterminants, notamment parce que la maîtrise des espaces a eu un effet direct sur le facteur temps :

• La Revue nationale stratégique de 2022 met en exergue l’importance du prépositionnement des forces militaires qui joue un rôle clé dans l’exercice de la fonction prévention, comme pour les autres fonctions stratégiques (6). Le point d’appui de Djibouti en est une parfaite illustration. Il a effectivement été un facteur de supériorité déterminant dans le succès de l’opération Sagittaire et a mis en lumière la « stratégie d’accès » de la France, en miroir de celui des Forces françaises aux Émirats arabes unis (FFEAU) lors de l’opération Apagan. Spécificité française au sein des Nations européennes, contribuant à l’autonomie d’appréciation et de décision, cette stratégie participe à la liberté d’action des armées dans un environnement international de plus en plus contesté où le déni d’accès est désormais assumé par certains compétiteurs. Pour s’en convaincre, il faut mesurer les difficultés qu’ont eues d’autres pays alliés ne possédant pas ces points d’appui. Ils ont dû conduire leur opération directement depuis leur territoire national ou attendre l’appui d’un partenaire de la région après de longues discussions. Les FFDj offrent ainsi un réservoir de capacités interarmées, entraînées, aguerries au milieu, et immédiatement engageables dans des formats polyvalents et réactifs quel que soit le type de crise. Ce point d’appui permet également une autonomie dans l’appréciation de situation, comme dans la connaissance de la zone de responsabilité, avec des interlocuteurs identifiés et mobilisables rapidement en cas de crise. Les liens de confiance étroits et singuliers qui unissent la France et Djibouti ont permis de réaliser Sagittaire dans les meilleures conditions, puisque les autorités djiboutiennes ont très rapidement donné leur accord pour accueillir sur leur sol les ressortissants évacués. Associés politiquement très en amont, dans le respect de leur souveraineté, c’est bien la robustesse de la coopération entre partenaires qui a permis de conduire l’opération sans autre forme de procédure avec l’État djiboutien.

• En zoomant davantage, deux autres facteurs ont contribué à la maîtrise de l’espace et ont été déterminants dans le choix de l’option stratégique (évacuation par les airs versus évacuation par la route ou la mer) :

– la capacité nationale à identifier un point d’extraction viable à proximité immédiate suite à la destruction de la piste de l’aéroport de Khartoum, permise par la connaissance fine de la zone d’action par les services de l’ambassade et confirmée par des capacités souveraines de renseignement ;

– l’autorisation de survol de l’Éthiopie pour diminuer drastiquement les temps de vol et donc la durée de l’opération, acquise par une action politique et diplomatique volontariste auprès des autorités éthiopiennes.

Le facteur force : complémentarité du soldat et du diplomate

La France est une puissance moyenne avec un modèle d’armée qui privilégie la cohérence sur la masse, doté de capacités complètes mais limitées pour certaines. En réalité, la puissance d’un pays ne se limite pas à la somme ou à l’empilement de ses capacités. C’est davantage la combinaison de la volonté politique de les employer et des effets militaires qu’elles produisent qui est un élément de mesure pertinent. Les armées françaises sont en effet un modèle expéditionnaire de référence, désormais modernisé, dont la crédibilité repose notamment sur sa capacité avérée et reconnue de projection et de conduite d’opérations complexes, y compris hors des standards. Sagittaire illustre ainsi le savoir-faire peu partagé des armées françaises à conduire des actions en milieu semi-permissif, sans avoir le contrôle préalable du terrain.

La force de la France repose aussi sur son réseau diplomatique, l’un des plus vastes et denses au monde. Il se distingue par sa capacité d’influence et cette approche très française du travail en réseau et de l’interculturalité. À Djibouti et à Khartoum, les deux ambassadrices, Dana Purcarescu et Raja Rabia, s’appuient ainsi sur leurs connexions et les liens de confiance singuliers tissés avec les partenaires pour ouvrir les canaux de discussion et de négociation, faciliter l’obtention des autorisations, et rassurer les parties prenantes. Avantage comparatif déterminant dans la conduite de la crise, les deux ambassades, comme les armées, prennent très rapidement un ascendant naturel et une place d’interlocuteur privilégié, vis-à-vis des autres Nations, des belligérants, et du pays hôte. Cet « avantage comparatif » a permis de conserver autonomie dans la décision et liberté d’action dans le déroulement de l’évacuation.

En avril 2023, c’est donc la conduite diplomatico-stratégique (7) de l’opération qui a été un des gages de succès. Loin de se concurrencer ou d’agir sans coordination, les fonctions diplomatique et militaire se sont articulées de manière indissociable en s’épaulant par alternance ou parfois concomitamment, afin de créer et de conserver l’initiative, d’entraîner les autres nations dans le sillage et, au final, d’emporter la décision.

Le facteur risque

« Il y a bien des manières de ne pas réussir, mais la plus sûre est de ne jamais prendre de risques » (Benjamin Franklin)

Il n’y a pas de puissance véritable si elle ne se conjugue pas directement à une volonté d’agir. Le choix d’intervenir et d’entrer en premier est une manifes-tation concrète de la volonté politique de la France. Compte tenu de la situation, de l’incertitude et de la menace avérée sur place au moment de la décision, cette volonté suppose de la part du politique et du militaire d’accepter et d’assumer une part de risque dans la conduite de l’opération. Elle est à mettre en perspective avec l’approche beaucoup plus prudente de certains alliés.

Le corollaire du risque consenti réside dans les mesures d’atténuation qui doivent nécessairement l’accompagner. La plus significative est certainement celle du déploiement au plus près de l’action au Soudan d’un module de chirurgie vitale, venu en urgence de France quelques jours avant l’engagement. Il a permis qu’un opérateur des forces spéciales grièvement blessé par balle durant l’opération soit opéré sur place dans des conditions de rusticité extrême et sauvé grâce à l’action remarquable des équipes du SSA. Seul service en Europe à posséder une « chaîne de bout en bout » (prise en charge du lieu de la blessure, y compris à l’étranger, jusqu’à un Hôpital d’instruction des armées [HIA] en France sans discontinuité), cette complétude unique est enviée car elle participe au socle de capacités permettant d’être agile et réactif et ainsi de donner une vraie liberté d’action au chef dans la prise de décision et l’acceptation du risque.

L’ensemble des acteurs de cette opération s’accorde également pour reconnaître que la confiance collective a joué un rôle majeur dans l’acceptation du risque et le succès de Sagittaire. Fondement structurant du fonctionnement militaire, la confiance est le ciment de la cohésion et de l’efficacité opérationnelle car elle démultiplie les forces morales et la « capacité d’encaisse ». Elle est également un préalable à la subsidiarité et à la délégation de responsabilité, dont le rôle majeur a été évoqué précédemment. Lors de Sagittaire, que ce soit pour les forces spéciales ou conventionnelles, les « têtes de chaîne » de chacun des trois niveaux de commandement (stratégique, opératif, et tactique), se connaissent au moins, ou au mieux ont déjà travaillé ensemble. Il en est de même entre les armées et les différents échelons du MEAE (cabinet, CDCS et les deux ambassades). Politiquement, la valeur et la capacité opérationnelle des armées françaises sont reconnues et dans le contexte du retour de la guerre en Europe, le président de la République a rappelé qu’il faisait confiance et savait pouvoir compter sur les armées (8).

Au final, une « chaîne de confiance » s’est donc naturellement créée entre les acteurs politiques, diplomatiques et militaires, et a été implicitement un facteur de supériorité opérationnelle en tant que catalyseur de l’acceptation du risque.

Conclusion

Dans la bataille, la victoire et le succès ne s’acquièrent que si l’option stratégique retenue est une parfaite combinaison des facteurs espace, temps et force, afin de pouvoir appliquer les bonnes capacités opérationnelles sur l’adversaire, au bon endroit et au bon moment. Cela ne peut être précédé que d’une volonté politique et d’une capacité du diplomate et du militaire à agir ensemble en acceptant une nécessaire prise de risque dans la conduite des opérations. Face à la complexité et à l’urgence de la situation au Soudan, le succès prêté à l’opération Sagittaire repose certainement sur le respect de ces principes intangibles. Certainement aussi sur la valeur opérationnelle des armées françaises, fruit de ses engagements en opération depuis trente ans et de l’effort consenti par la nation pour les moderniser. Cette opération est aussi une manifestation de la façon dont la France entend assumer son « devoir de protéger » et plus largement ses responsabilités sur la scène internationale, en se positionnant comme une puissance d’initiative et d’entraînement. ♦


(1) Pedder Sophie, « How France led the Evacuation of Foreigners from Khartoum », The Economist, 3 mai 2023.
(2) « Guterres remercie la France de son aide pour l’évacuation d’employés de l’ONU du Soudan », ONU Info, 28 avril 2023 (https://news.un.org/fr/story/2023/04/1134637).
(3) NDLR : Pour plus d’informations sur les tenants et les aboutissants de la crise soudanaise, voir Marchal Roland, « Les trois guerres soudanaises », RDN n° 882, « L’Afrique face aux mutations stratégiques » (https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php?carticle=23763&cidrevue=882).
(4) Fortes de 1 600 militaires, les FFDJ constituent une base opérationnelle avancée servant à la fois de véritable point d’appui aux opérations, notamment en Afrique, comme d’une porte d’entrée vers l’Indo-Pacifique. Leur présence et leurs missions sont encadrées par un Traité de coopération en matière de défense avec la République de Djibouti. Elles sont constituées : d’un régiment de l’armée de Terre, le 5e Régiment interarmes d’outre-mer (RIAOM), qui est organisé comme un groupement tactique interarmes en opérations avec un panel complet de capacités aéroterrestres : infanterie, cavalerie, génie, artillerie, hélicoptères, maintenance et logistique ; d’une base aérienne de l’armée de l’Air et de l’Espace, la BA 188 avec quatre Mirage 2000-5, un avion de transport CASA, trois hélicoptères Puma et des capacités d’accueil ; d’une base navale de la Marine nationale, permettant d’accueillir les bâtiments de passage ; de détachements de soutien interarmées.
(5) Conférence au CHEM.
(6) Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), RNS 2022, p. 23 (https://www.sgdsn.gouv.fr/publications/revue-nationale-strategique-2022).
(7) Conceptualisée par Raymond Aron dans Paix et guerre entre les nations (1962).
(8) Macron Emmanuel, « Message du président de la République aux armées », 28 février 2022 (https://www.defense.gouv.fr/actualites/message-du-president-republique-aux-armees).

Partagez...

  • Accéder au sommaire du cahier

Novembre 2025
n° 884

La Charte de Paris (1990), une ambition déçue - Adapter nos armées pour faire la guerre

Je participe au débat stratégique


À vos claviers,
réagissez au dossier du mois

 

Actualités

03-12-2025

Le GAA (2S) Luc de Rancourt élu président du CEDN – Directeur de la publication de la RDN

01-12-2025

Lancement réussi de la 6e mission de Vega C – Succès de la mise en orbite de KOMPSAT-7

28-11-2025

U-Space sélectionne le lanceur de MaiaSpace pour la mission Toutatis de l’AID

28-11-2025

La DGA réalise avec succès le premier tir de la fusée-sonde SyLEx

25-11-2025

Décès du quartier-maître de 2e classe Thilen Manzon-Bonnet, fusilier marin en service dans l'Aude

25-11-2025

Commémoration des 80 ans du Transport aérien militaire le 27 novembre 2025

18-11-2025

Nomination de Patrick Pailloux à la tête de la DGA

Adhérez au CEDN

et bénéficiez d'un statut privilégié et d'avantages exclusifs (invitations...)

Anciens numéros

Accéder aux sommaires des revues de 1939 à aujourd’hui

Agenda

Colloques, manifestations, expositions...

Liens utiles

Institutions, ministères, médias...

Lettre d'infos

Boutique

  • Abonnements
  • Crédits articles
  • Points de vente
  • CGV
  • Politique de confidentialité / Mentions légales

e-RDN

  • Tribune
  • e-Recensions
  • Cahiers de la RDN
  • Florilège historique
  • Repères

Informations

La Revue Défense Nationale est éditée par le Comité d’études de défense nationale (association loi de 1901)

Directeur de la publication : Thierry CASPAR-FILLE-LAMBIE

Adresse géographique : École militaire,
1 place Joffre, Paris VII

Nous contacter

Tél. : 01 44 42 31 90

Email : contact@defnat.com

Adresse : BP 8607, 75325 Paris cedex 07

Publicité : 01 44 42 31 91

Copyright © Bialec Tous droits réservés.