Outre-mer - Confirmation ou tournant de la politique africaine du Portugal ? - La crise éthiopienne
Depuis quelques mois, la politique d’outre-mer que mène le gouvernement portugais est l’objet de vives critiques. Les milieux libéraux, même s’ils sont proches du pouvoir, lui reprochent son immobilisme ; les « intégristes » le soupçonnent d’arrière-pensées évolutionnistes. M. Caetano ne se cache pas d’avoir envisagé, à son arrivée aux affaires, la recherche d’une solution politique : il a battu en retraite devant le risque qu’une telle expérience aurait fait courir à la présence portugaise en Afrique à cause de l’intolérance des mouvements africains. Il n’ignore pas, néanmoins, que la thèse juridique qu’il défend n’est pas acceptée par l’opinion mondiale, ni même par les pays occidentaux qui préféreraient le voir adopter une altitude plus souple. Le problème de l’admission de la « République de Guinée Bissau » à l’ONU sera posé certainement lors de la prochaine assemblée générale : il obligera les alliés du Portugal à un choix souvent difficile. Déjà les Pays-Bas ont fait savoir qu’ils ne soutiendraient pas la politique de Lisbonne parce qu’elle ne débouche sur aucune solution réaliste.
Par ailleurs, la poursuite de la guerre, souhaitée par les tenants du « lusitanisme », coûte cher en vies humaines et en argent ; le développement des territoires d’outre-mer se fait aux dépens de celui de la métropole et ne favorise que des groupes minoritaires, alors que l’ensemble de la population participe aux charges qu’il impose. Bien que les dernières élections, placées par l’opposition sur le thème de la décolonisation, aient été un succès pour le gouvernement, la population, qui s’inquiète des poussées inflationnistes, paraît anxieuse de l’avenir.
Les conjonctures extérieure et intérieure obligent donc le gouvernement à laisser entrevoir une évolution de sa politique, mais il ne peut le faire qu’avec une extrême prudence pour éviter de mécontenter les milieux intégristes, puissants dans l’administration, dans l’économie et dans une partie de l’armée. C’est pourquoi, tout en conservant à son argumentation sa rigueur dogmatique, M. Caetano essaie parfois de prendre des dispositions qui puissent être considérées comme tactiques par les conservateurs et comme encourageantes par les libéraux. La réforme de la constitution, qui donne au Mozambique et à l’Angola, parties intégrantes du territoire portugais, le statut d’État, représente une de ces tentatives ; l’autorisation accordée à Mme Joanna Simiao de parler au nom d’une « troisième force » mozambiquaise en est une autre. La publication par le général Spinola, ancien gouverneur et commandant en chef de Guinée Bissau, d’un livre intitulé Le Portugal et l’Avenir, publication qui n’a pu être faite sans un accord, au moins tacite, du gouvernement, est peut-être un troisième exemple de cette attitude ambiguë.
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