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  • Revue n° 571 Janvier 1996
  • L'État et la construction de l'Europe

L'État et la construction de l'Europe

Jean Picq, « L'État et la construction de l'Europe  » Revue n° 571 Janvier 1996 - p. 11-17

Allocution du Secrétaire général de la défense nationale (SGDN) à l’ouverture des journées d’études défense universités, le 14 septembre 1995.

Je suis heureux d’ouvrir les dix-huitièmes journées d’études du SGDN et je me félicite que, dans la continuité des travaux que nous avons menés depuis cinq ans sur l’Europe, Strasbourg ait été la ville choisie pour nous inviter à réfléchir sur la nature des rapports entre l’Union européenne et les États qui la composent. Je tiens à remercier tous ceux qui nous ont permis d’organiser ces journées dans d’excellentes conditions, notamment le président du Parlement européen, M. Klaus Hänsch, son vice-président, Mme Nicole Péry, mais aussi M. Vandewalle, responsable de la mission des enseignements de défense au SGDN et ses collaborateurs. Comment ne saisirais-je pas non plus cette occasion pour rendre hommage à mes prédécesseurs auxquels revient le mérite d’avoir créé puis développé ces rencontres qui suscitent chaque année un intérêt croissant !

M. Serge Boidevaix, ambassadeur de France, a accepté de présider nos travaux. Je m’en réjouis pour nous tous en raison de l’autorité que lui confère sa longue expérience des affaires internationales, fruit d’une carrière exceptionnelle au service de l’État. Comme ambassadeur à Bonn, puis comme secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Serge Boidevaix a eu le loisir de méditer sur l’Europe et le destin des nations qui la composent. Nul doute qu’il ne s’interroge parfois, comme François Furet, sur ce paradoxe qui voudrait « que la plus spectaculaire invention de l’Europe, l’État nation, soit aussi peut-être ce qui l’empêche d’exister comme tel ». Je le remercie d’avoir accepté cette tâche. Je remercie aussi les présidents des quatre commissions : MM. Jean-Paul Jacqué, Gabriel Robin, Raymond Lévy et Paul-Ivan de Saint Germain, les rapporteurs et tous les intervenants. Sur eux reposent pour une large part la conduite et le succès de nos travaux. Je suis convaincu qu’ils sauront créer les conditions d’un débat de qualité, permettant une libre confrontation des opinions, seule susceptible de favoriser l’apparition d’idées nouvelles. Permettez-moi maintenant de vous livrer à titre personnel les quelques réflexions que m’inspire le thème retenu. Ayant eu la chance de participer à cette grande aventure européenne qu’est l’Airbus, et de réfléchir, il y a peu, aux responsabilités de l’État, je ne puis rester indifférent à la question qui est soumise à notre délibération commune : quel destin pour nos États dans l’Europe que nous construisons ?

Construction européenne et destin de l’État

Je m’interrogerai d’abord devant vous sur le sens des mots ainsi rassemblés : construction européenne et destin de l’État.

Construction européenne

L’Europe est une construction, un projet ; comme tout projet, elle a des pères et des textes fondateurs auxquels il faut sans cesse revenir pour ne pas perdre de vue l’esprit qui les animait ; comme toute construction, elle n’est pas achevée et il faut accepter qu’elle connaisse parfois des moments d’incertitude mais aussi des rebondissements inattendus ; comme toute construction enfin, elle a besoin d’architectes. Les architectes de la construction européenne sont les États qui la composent, mais des États qui ne se coupent pas de la volonté des peuples dont ils sont les serviteurs. Le débat provoqué au Danemark, en France et en Europe, par la ratification du traité de Maastricht a révélé le danger que pourrait courir la construction européenne si elle obéissait à une logique purement technocratique et ne s’appuyait pas sur les aspirations des peuples. Rien de grand ni de durable ne peut se faire qui ne se vérifie régulièrement dans l’adhésion de ceux-ci à un projet qui scelle pour eux un destin commun.

Destin de l’État

Le « destin » est un terme polysémique, mais pris dans son sens le plus courant — qui le rapproche de l’issue de la vie et donc de la mort —, il pourrait laisser entendre que ceux qui ont choisi le thème de nos journées avaient à l’esprit que, face à la construction européenne en marche, le destin de l’État nation serait de mourir. Je crois pour ma part que si les hommes ont un destin, les États, eux, n’ont pas de destin propre. Les seuls qui en aient eu un, au sens d’une marche vers la mort, sont ceux qui ont manqué à leur mission, et au premier rang d’entre eux, les États totalitaires ; car loin d’être, comme l’État démocratique, le serviteur d’une communauté rassemblée par l’histoire, l’État totalitaire est un instrument au service d’une idéologie et de ses dirigeants. Rien d’étonnant à ce qu’il soit un jour emporté par ceux qui se révoltent contre la servitude et le mensonge. « La révolution l’emporte, écrit Hannah Arendt dans son Essai sur la révolution, quand l’État n’est plus porté par la confiance des citoyens ».

Le destin peut aussi avoir un autre sens qui nous renvoie à notre sujet. Je cite le Littré : le destin est « l’enchaînement des choses considéré comme nécessaire ». Ainsi compris, tout s’éclaire. Si l’État a alors un destin, ce n’est pas de mourir, c’est de servir au mieux la nation qui constitue la fondation sur laquelle il repose. L’État est alors l’architecte d’un « projet » politique qui permet à ce peuple de se dépasser pour survivre : à l’intérieur de ce que nous appelons le « pré carré », quand il faut surmonter les intérêts particuliers et rechercher le bien commun ou réduire les fractures géographiques ou sociales qui ruinent la cohésion d’une nation ; à l’extérieur, quand il faut se battre pour que les valeurs de liberté, d’égalité et de paix finissent un jour par l’emporter sur la servitude, la pauvreté et la guerre. C’est à ce titre que la construction européenne est un « enchaînement nécessaire ». L’Europe est ce grand projet dont, au nom des nations qu’ils représentent, les États doivent être les architectes.

Construction européenne et destin de l’État comme souvent dans les titres, ce sont les conjonctions qui sont éclairantes. Le « et » n’est pas ici synonyme d’opposition — l’Europe contre l’État —, il exprime tout au contraire une exigence de coordination ou de synthèse que je formulerai pour ma part ainsi : si le destin de nos États est de construire l’Europe, le destin de l’Europe est de respecter les États ; et c’est ainsi que pourra apparaître une communauté de destin.

Le destin de nos États est de construire l’Europe

Qui pourrait en douter quand on songe à ce que la construction européenne a apporté à nos nations depuis cinquante ans ? Au-delà de ce qu’il est convenu d’appeler les acquis communautaires, comment pourrions-nous oublier que pour toutes les générations de l’après-guerre, la construction européenne est devenue synonyme de paix et de développement ; qu’elle est aussi porteuse de ces grands projets politiques, économiques et industriels qui nous ont permis tout à la fois d’affirmer une ambition et d’offrir une utopie mobilisatrice. Force est de constater que l’Europe est devenue un grand pôle économique capable de s’imposer face à l’Amérique et à l’Asie, mais aussi une puissance commerciale apte à négocier d’égal à égal avec les plus forts. Comment ne pas rappeler enfin que la construction européenne a non seulement consolidé, mais encore élargi les perspectives ouvertes par la réconciliation franco-allemande, qu’elle a servi d’exemple pour tous ceux qui, à l’est de l’Europe, avaient trop longtemps vécu sous la servitude ? Par le seul fait d’exister, elle a permis aux peuples de l’Est de rêver d’un avenir moins sombre, en stimulant ces forces intérieures de l’âme et de l’esprit qui font refuser le mensonge et se battre pour la liberté.

Alors, on se prend aujourd’hui à rêver que nos pays découvrent que le marché unique puisse un jour se muer en un « espace stratégique unique », susceptible d’affirmer une diplomatie et une défense communes. Dans ces domaines de souveraineté, le destin de nos États est de construire l’Europe parce que l’espace d’action ou de défense de l’État nation est plus large que le seul territoire national, parce que les moyens dont ils ont besoin pour agir dépassent ceux d’une seule nation. Cependant, gérer l’espace stratégique européen ou développer des instruments de défense communs impliquent une vision partagée de l’avenir, qui ne se décrète pas mais doit se construire avec patience. Tel est bien l’enjeu de la défense européenne. Tout a été dit, mais l’essentiel reste cependant à faire : transformer des essais réussis de coopération politique et militaire en une véritable Europe de la défense capable de faire entendre sa voix et d’agir. Il nous faut réfléchir ensemble sur les menaces nouvelles qui peuvent affecter l’espace européen, développer des moyens d’action communs, forger enfin une industrie de défense apte à s’imposer face à la tentation permanente des États-Unis de considérer le marché européen comme un prolongement naturel de leur marché intérieur. C’est affaire de volonté politique, et c’est une illusion que de croire que, dans ce domaine plus encore que dans d’autres, l’Europe puisse se faire contre les États qui la composent.

Le destin de l’Europe est de respecter les États

« La seule institution qui ait qualité pour répondre d’une nation, c’est l’État qui la dirige », disait le général de Gaulle à Alain Peyrefitte. En quelques mots, comme toujours pesés, l’essentiel était dit. L’État est le seul, parce qu’il « répond » de la nation : c’est vers lui qu’elle se tourne pour qu’il prenne les décisions conformes aux orientations qu’elle lui donne par le vote démocratique, c’est de lui qu’elle attend qu’il la rassemble pour assurer son unité et sa cohésion. C’est à lui qu’elle demande d’être le gardien de sa mémoire. Il est vrai que, pour la première fois dans l’humanité, les peuples de la Terre ont un présent commun. La mondialisation des échanges, la disparition des blocs antagonistes, l’irruption de l’image — qui permet de vivre en direct des événements en n’importe quel coin de la planète — donnent le sentiment à chacun de vivre dans un monde sans frontières. Toutefois, ce présent commun n’est pas fondé sur un passé commun et ne garantit nullement un avenir commun. Nul ne peut être citoyen du monde comme il est citoyen de son pays, car la citoyenneté est liée au suffrage et le suffrage qui « choisit » reste national, il n’est pas encore européen. S’il y a des « politiques européennes », il n’y a pas encore d’« espace politique européen ».

L’espace d’action de l’État nation n’est plus toujours national au sens territorial du terme, mais le fait national reste un fondement d’appartenance politique à une communauté de citoyens, car être citoyen, ce n’est pas seulement avoir des droits, c’est aussi éprouver un devoir envers la nation à laquelle on appartient. Celle-ci rend solidaires ces deux aspects en les liant à un cadre commun : le citoyen doit à la nation son émancipation individuelle — nécessaire pour qu’il puisse participer aux décisions politiques — et il rend à la nation le devoir de partager une dette, celle qui lui impose d’être solidaire de ses concitoyens. L’État est au service de cette communauté de citoyens que constitue une nation moderne : c’est pourquoi la nation fonde l’État. Si l’on veut que des nations s’unissent, parce que les temps modernes invitent à des espaces plus larges et à des actions communes pour la paix et le développement, il faut respecter leur personnalité, leur apprendre à vivre ensemble, car rien n’est au-dessus des nations, sinon ce que les États décident ensemble et que les peuples ratifient : « On n’intègre pas des nations comme des marrons dans une purée » rappelait Charles de Gaulle dans son style inimitable.

C’est ainsi que pourra se forger un destin commun

Ma conviction personnelle est que notre Europe est fragile, parce qu’elle est en permanence exposée à la menace rampante du nationalisme, mais que le meilleur remède contre ce danger est de respecter le sentiment national. Le nationalisme consiste à affirmer sa propre nation au détriment des autres, c’est une revendication, un repli égoïste. Le sentiment national, c’est, chez un peuple, la perception de son identité, unique, originale, la conviction de former une nation indépendante, consciente des valeurs qu’elle représente, c’est-à-dire qu’elle doit rendre présentes. Notre chance est que ces valeurs sont si communes à nos nations qu’elles peuvent faire naître un jour chez chacun d’entre nous une « conscience européenne », un sentiment national européen. Je crois que les Européens ne prendront vraiment leur destin en main que s’ils se sentent liés par cette conscience commune, c’est-à-dire un sentiment profond d’appartenance, nourri par une histoire et une tradition spirituelle millénaires et composées de ces héritages successifs qui, d’Athènes à Rome, de la Renaissance aux Lumières, sont autant de réserves de sens qui sont comme en pointillé dans nos mentalités collectives. L’Europe est formée de nations dont l’histoire politique et spirituelle est composée de milliers de fils entrelacés en un seul et même lien.

Notre tâche est de faire partager cette conscience commune par les nouvelles générations qui ignorent le passé douloureux qui fut parfois le nôtre, d’en faire mémoire, plus encore de lui donner un sens nouveau, car la conscience européenne s’exprime dans cette tradition humaniste qui relie la « fraternité des lettrés » d’Érasme à la « solidarité des ébranlés » de Jan Patocka pour constituer une communauté vivante qui trouve dans la culture et le refus de la guerre le seul chemin qui puisse libérer l’homme de la servitude. Ce n’est pas un hasard si le nom d’Érasme a été choisi pour désigner ce grand programme d’échanges universitaires qui fera plus pour la construction de l’Europe que bien des directives sur les brevets ou les concentrations. C’est en réduisant l’incompréhension qui surgit de l’ignorance des cultures et des langues que nous ferons découvrir à nos enfants les valeurs communes que nous partageons et que nous pourrons leur donner envie de les défendre au nom d’une communauté de destin. Seule une conscience commune des valeurs partagées peut créer le sursaut nécessaire pour les défendre si elles sont bafouées. De ce point de vue, il est juste de dire que, d’une certaine manière, c’est le sort de l’Europe qui se joue depuis quatre ans dans l’ex-Yougoslavie, parce que la conscience européenne sortirait profondément meurtrie d’une victoire de la purification ethnique sur les valeurs de tolérance que nous avons vocation à incarner.

* * *

Dans un remarquable discours prononcé devant l’Académie des sciences morales et politiques en octobre 1992, Vaclav Havel, qui venait de quitter la tête de l’État tchécoslovaque, célébrait les vertus de l’attente, non pas celle qui consiste à attendre de l’extérieur un vague salut et qui n’est qu’une illusion — « Godot, dit-il, ne vient jamais » —, mais l’attente en tant que patience. Il concluait en ces termes : « Il est illusoire de croire qu’on fait avancer l’histoire de la même manière qu’un enfant tire sur une plante pour la faire pousser plus vite. Il faut aimer patiemment les graines, arroser avec assiduité la terre où elles sont semées et accorder aux plantes le temps qui leur est propre. On ne peut duper une plante, pas plus qu’on ne peut duper l’histoire, mais on peut l’arroser, patiemment, tous les jours, avec compréhension, avec humilité, mais aussi avec amour ». Soyons les jardiniers de la terre commune qui est confiée à notre garde, pourchassons les mauvaises herbes qui menacent toujours de repousser, et arrosons patiemment la graine qui suscite notre espérance. ♦

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