L’océan est un espace de confrontation, de compétition et de coopération. Hier, la mer faisait peur et générait des mythes majeurs comme Ulysse errant pour retrouver Pénélope. Aujourd’hui, la course au contrôle de ce bien commun exacerbe les tensions et les rivalités entre les puissances maritimes. Plus que jamais, l’océan est devenu l’espace des imaginaires. Lire les premières lignes
1990 marque une bascule avec l’effondrement en cours du système politico-économique de l’URSS et de ses satellites. Le modèle économico-libéral semblait devenu la norme internationale avec le rejet du protectionnisme : c’est le début d’une mondialisation censée apporter un progrès général pour tous les peuples. Lire les premières lignes
Pour les États-Unis, l'engagement en Irak promet-il d'être un nouveau Viêt-nam ? Désormais, que de facteurs contre les États-Unis ! L'Irak n'est qu'une des scènes d'un vaste affrontement, celui qui oppose la modernité occidentale à tout ce qui lui résiste. Alors, où se trouve le terrain décisif ? Est-il en Irak ? Dans cette perspective, la guerre américaine du Viêt-nam (1964-1973) rappelle qu'un échec ou même une défaite à un niveau peut être une victoire à un autre. Le combat américain au Viêt-nam a « fixé » le conflit Est-Ouest pendant une décennie, durant laquelle l'Asie non-communiste a décollé, montrant que le communisme n'était plus l'avenir de cette région. De même, l'affaire irakienne s'inscrit dans un enjeu beaucoup plus vaste : la transformation du Proche-Orient. Alors pourquoi la victoire ? Pourquoi la défaite ? Trois éléments sont finalement décisifs : la puissance comme capacité d'innovation et de création ; le soutien du vent de l'histoire ; enfin, mais seulement en dernier ressort, une conception claire de ce que l'on veut faire.
L’occupation militaire fait partie des rapports entre entités politiques depuis l’aube de l’histoire. Traditionnellement l’occupation est un instrument, une expression de puissance. Avec la formation d’un ordre mondial démocratique, se développe l’occupation de police à des fins d’intérêt général : il s’agit de prendre en charge une population traumatisée et de la conduire vers la liberté et la prospérité. Or, quels que soient ses motifs et ses objectifs, une occupation reste une occupation, un « extérieur » s’imposant à un « intérieur ». Les changements majeurs concernant l’occupation intéressent peut-être moins ses buts que ses conditions. Un territoire occupé n’est plus isolé, ni isolable. L’occupant bute contre des contradictions sans bonne solution : faut-il imposer à un peuple ce qui est considéré comme le «bien» (économie de marché, démocratie...) ? Les occupations réussies ne sauraient être que des exceptions. Pourtant, sur une terre de plus en plus petite, de plus en plus interdépendante, les occupations sont appelées à se multiplier, toute zone abandonnée pouvant servir de refuge aux activités les plus dangereuses : trafics, caches d’armes de destruction massive, terrorismes... Lire les premières lignes
La souveraineté de l'État subit une double mutation : sa population est appelée à se montrer de plus en plus exigeante à son égard ; quant à la communauté internationale, elle soumettra cet État à une surveillance de plus en plus étroite. D'où une dynamique très profonde de responsabilisation des États : le souverain doit rendre des comptes certes à son peuple, mais aussi à tous les autres. Sur une Terre de plus en plus petite et liée, l'État, chargé d'un territoire, d'une population, n'est plus une île, c'est un élément d'un ensemble. Le passage d'une responsabilité floue, sauvage à une responsabilité organisée, institutionnelle promet d'être particulièrement chaotique, l'enracinement de cette responsabilité étatique requérant des conditions économiques et politiques très précises : croissance économique suffisamment forte pour tirer la majorité des sociétés ; universalisation des États démocratiques, commerçants, convaincus de leur intérêt à préserver ; consécration du droit des individus à contester leur propre État... Ces perspectives sont utopiques, mais comment penser l'avenir sans s'interroger sur les rapports complexes entre souhaitable et possible ?
L'Angleterre – celle des manuels d'histoire – et la France sont bien deux soeurs, opposées par d'interminables rivalités, mais, paradoxalement, indissolublement liées par leur permanente confrontation. Aujourd'hui l'Angleterre, après de longues aventures dans le grand large, est de retour en Europe ; la voici à nouveau petite île. Or cette Angleterre est très précieuse pour l'Europe. Qu'il s'agisse du régime parlementaire, de la révolution industrielle ou de l'adaptation à la mondialisation, elle est comme un laboratoire, osant la première poser des questions délicates : ainsi l'État-providence doit-il et peut-il survivre à la multiplication sans précédent des flux planétaires ? L'Angleterre apporte beaucoup à l'Europe, en particulier son sens aigu des réalités géopolitiques. Alors la France doit continuer de tout faire pour mieux insérer son partenaire d'outre-Manche dans l'édification de l'Union européenne et, à terme, asseoir un triangle Paris-Berlin-Londres.
L'une des faiblesses structurelles de l'Union européenne réside dans son extrême difficulté à se penser comme un ensemble géopolitique, comme une entité inscrite dans l'espace et le temps. Cette myopie s'explique par trois raisons fondamentales : la protection du grand allié américain, chargé, lui, des enjeux géopolitiques, du Proche-Orient aux armes de destruction massive ; la philosophie de la construction européenne menée comme un processus démocratique, institutionnel, liant les États par des valeurs et des règles communes ; enfin, probablement, une certaine lassitude des Européens qui se sont tellement fait la guerre. Aujourd'hui, l'Union est vouée à assumer cette dimension géopolitique, d'abord parce qu'elle sera jugée comme un succès (ou un échec) historique par sa capacité (ou son incapacité) à organiser et développer sa périphérie, de l'Afrique à la Russie. L'Union européenne, profondément pacifique, ne saurait oublier qu'elle fait partie d'un monde toujours régi par la guerre.
La doctrine Bush, lutte totale et permanente contre le terrorisme, se donne comme instrument majeur « l'action militaire pre-emptive » : anéantir la menace dans l'œuf, frapper l'ennemi avant qu'il ne puisse agir. Cette question de la guerre préventive fait partie de ces débats stratégiques qui reviennent régulièrement. Les principes donnent finalement une réponse ambiguë : l'usage de la force ne saurait être admissible que pour réparer un tort ; en même temps, comment interdire totalement à un État, ou une communauté d'États, de prendre l'initiative, dès qu'il est sûr que l'adversaire développe des armes redoutables ? La prévention est-elle efficace ? La guerre est par nature imprévisible. Elle n'est jamais le produit d'une volonté parfaitement libre, mais le fruit d'une combinaison hasardeuse de circonstances et de calculs. La plupart des guerres pouvant être présentées comme préventives ont échappé à leur initiateur. Pourquoi une action militaire préventive en Irak échapperait-elle aux lois multiséculaires de la puissance et de ses aléas ? Cette action ne peut être limitée ni dans l'espace, ni dans le temps. Lire les premières lignes
Alors que l'unilatéralisme s'impose comme une dominante de la politique étrangère américaine, le multilatéralisme demeure bien l'un des mouvements de fond du système mondial, porté à la fois par la formidable efficacité de la machine à produire des richesses, la multiplication des interdépendances et la diffusion des principes démocratiques. Dans la pratique, unilatéralisme et multilatéralisme sont voués à être associés dans des mélanges variables et changeants, le champ international restant régi par des rapports de force entre États souverains et inégaux, tout en commençant d'esquisser quelque chose comme une société interétatique. L'unilatéralisme s'inscrit dans l'univers de la guerre, le multilatéralisme dans celui de l'échange. Le multilatéralisme a besoin de prospérité. Que surviennent des difficultés graves, les États privilégient leurs atouts propres et pratiquent, dans la mesure de leur force, l'unilatéralisme. Il n'en demeure pas moins que le multilatéralisme, tout en étant condamné à être très imparfait, est dans la logique de la démocratisation de l'ordre international, cette démocratisation, pour être pacifique, requérant un contrat entre les États, fixant pour tous des droits et des devoirs égaux sous le contrôle d'autorités incontestables.
Parmi les innombrables questions que soulève la tragédie du 11 septembre 2001, figure celle du sentiment qui guide les auteurs des attentats : la haine de l'Occident. L'univers des relations internationales est présenté comme un monde de calculs froids. Il n'en est rien, les émotions, les sentiments y pèsent très lourd ; ainsi la haine. Le choc de la modernité occidentale, en brisant toutes les barrières, en promettant à l'individu le droit au bonheur, conduit chacun à comparer sa situation à celle de l'autre, suscitant toutes sortes de frustrations. De même que la haine de la bourgeoisie fut un moteur historique dans l'Europe des XIXe et XXe siècles, la haine de l'Occident marque les rapports Nord-Sud. Celle-ci peut-elle acquérir le rôle politique central qu'eut celle-là dans l'Europe de la première moitié du XXe siècle ? Deux conditions doivent être réunies : cette haine doit disposer de machines politiques, en clair d'États, qui fassent d'elle le vecteur de projets (comme le furent l'Allemagne nazie ou le Japon impérial) ; cette haine doit être portée par le climat de l'Europe, et inspirer les relations inter-étatiques. Pour le moment, ces conditions ne sont pas réunies.
Les missions de police internationale se multiplient. Le monde est-il en train de sortir de l'âge de la guerre ? La guerre implique une jungle, dans laquelle les États se trouvent en lutte permanente les uns contre les autres, le but de chacun étant la victoire, avec la conscience de sa précarité. La police requiert une forme de société, avec un contrat fondateur. Le policier garantit le respect des règles du jeu. L'objectif n'est plus la victoire mais la paix et la réconciliation. Pourquoi une telle évolution ? À l'échelle internationale, des sociétés, des communautés se constituent, les États participants partageant des intérêts essentiels et d'abord l'attachement prioritaire à une gestion transparente et pacifique des échanges de toutes sortes. Dans ces conditions, la conquête territoriale semble appartenir au passé. Désormais la richesse et la puissance ne viendraient plus du pillage mais du commerce et de la création. Lire la suite
L’un des problèmes fondamentaux d’aujourd’hui est : comment avoir des normes internationales adaptées aux besoins des multinationales et des opérateurs financiers et, en même temps, s’assurer que ces normes respectent les exigences du contrôle démocratique, notamment lorsque ces règles n’ont rien d’objectif mais sont plutôt subjectives ? La question est vraiment difficile. Comment combiner l’impératif de responsabilité démocratique dans la « gouvernance » internationale et avoir des normes internationales juridiquement contraignantes ? Soit nous aurons des règles internationales pour clarifier tout cela, soit nous agirons par nous-mêmes. Telle est notre position. Ces propos émanent de l’Américaine Lori Wallach (1), qui résume bien la problématique du déficit démocratique : dans des sociétés et dans un monde régis par les principes démocratiques, selon lesquels toute décision, pour être légitime, doit résulter d’un consentement explicite du peuple, comment et en quoi des règles négociées et adoptées dans des enceintes technocratiques internationales peuvent-elles s’imposer aux peuples ? Pour Lori Wallach et les courants qu’elle représente, les normes internationales en vigueur sont illégitimes, car elles résultent de l’application de mécanismes bureaucratiques non responsables. Il y aurait bien déficit démocratique. Lire la suite
L’échec des négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en décembre 1999 a été présenté comme le premier grand succès de la société civile mondiale. Pour la première fois, semble-t-il, des organisations non gouvernementales (ONG), qui se veulent les porte-parole de cette société, ont réussi une mobilisation massive, paralysant pendant quelques jours la ville de Seattle — où se déroulaient les négociations — et amenant le maire à décider un couvre-feu. Surtout, ces manifestations vigoureuses des ONG auraient obligé les gouvernements à renoncer à lancer un nouveau cycle de libéralisation des échanges. Selon une imagerie largement répandue, notamment par une télévision plus attirée par le spectacle que par l’aridité des dossiers, les peuples, grâce aux ONG, avec, à sa tête le nouveau Robin des bois, José Bové, se seraient unis victorieusement pour faire reculer l’hydre de la mondialisation, cette machine des multinationales pour uniformiser notre planète. Lire la suite
Le 5 octobre 1999, le Commissariat général du plan a rendu public le rapport d’un de ses groupes de travail, consacré à La nationalité de l’entreprise. Ce document traite d’une question fondamentale, au moment où la mondialisation bouleverse le statut et le rôle des États, ainsi qu’évidemment les rapports entre États et entreprises. D’un côté, ces dernières, pour se développer et survivre, sont conduites à considérer le monde entier comme un espace unique de compétition. Leur marché d’origine — le marché national — à la fois, est désormais trop petit et pénétré de toutes parts par les concurrents étrangers. Les entreprises ne sont plus défendues par l’État, dont le territoire paraît — en fait à tort — ouvert à tous les vents ; de toute manière, celles-ci, limitées à ce territoire, dépériraient vite. L’affrontement économique, comme la guerre, exige la rapidité, le mouvement ; les forteresses les mieux protégées sont vouées à tomber. De l’autre côté, les États, enracinés dans leurs frontières, ne peuvent se déplacer. Le territoire et sa population fondent la légitimité de l’État. N’est-ce pas lui qui, souverainement, confère la nationalité, source fondamentale de tous les droits ? Enfin, il est jugé sur sa capacité à défendre son territoire, mais aussi à en assurer la prospérité. Lire la suite
Dix ans déjà depuis l’effondrement du bloc soviétique en Europe orientale ! D’un côté, le Vieux Continent a été radicalement redessiné : plus de rideau de fer ; ralliement de tous les États européens — ou presque — à l’économie de marché et à la démocratie ; inclusion de tous ces États — à l’exception de l’espace ex-soviétique, pays Baltes exclus — à un même système de sécurité, autour des États-Unis. De l’autre côté, la coupure Est-Ouest, si elle n’est plus une ligne absolue et nette entre deux idéologies, semble renaître, non plus au cœur de l’Europe, mais plus à l’est, séparant une Europe occidentale et centrale (États baltes, Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovénie) ancrée dans la mondialisation et une Europe balkanique et orientale, enlisée dans ses vieux démons (développement médiocre, haines ethniques…). À cet égard, les événements du Kosovo confirment la division de l’Europe entre un Ouest, où l’État est acquis au pluralisme et à la négociation, et un Est encore dominé par les exclusivismes nationaux. En même temps, l’opération du Kosovo exprime bien la volonté de la communauté occidentale (États-Unis et Europe occidentale) d’assurer l’unité du continent. Lire la suite
Au milieu des années 30, se jouait à Paris La guerre de Troie n’aura pas lieu. Cette pièce de Jean Giraudoux raconte les efforts faits par quelques hommes pour empêcher l’éclatement de la guerre de Troie. Dans l’une des plus belles scènes, le Grec Ulysse et le Troyen Hector, tous deux sages et intelligents, nouent une ultime négociation. Troie, propose Hector, pourrait rendre Hélène, l’épouse de Ménélas enlevée par Pâris ; l’affront serait effacé. Cependant, Ulysse, pourtant parfaitement conscient de la vanité de toute l’affaire, répond qu’il est trop tard : rien ne peut faire qu’Hélène n’ait pas été enlevée, les Grecs exigent une vengeance. Les deux héros se séparent, la guerre de Troie aura lieu. Lorsque Jean Giraudoux fait jouer cette pièce, il pense évidemment aux nuages qui s’accumulent sur l’Europe. Prophétique, il annonce que toute la bonne volonté du monde ne peut arrêter la fatalité : la guerre surviendra. La force des choses, ce mélange de dynamiques obscures, mais aussi de machinations individuelles, pèse finalement plus lourd que la raison. Lire la suite
La crise asiatique de cette fin des années 1990 annonce-t-elle la fin de la mondialisation ? Quatre facteurs vont, semble-t-il, dans ce sens. Lire la suite
En cette veille du XXIe siècle, le multiculturalisme s’impose comme l’une des composantes de la mondialisation : à un premier niveau, les valeurs occidentales de liberté et d’égalité, parce qu’elles s’identifient à la modernité, deviennent planétaires ; qu’il s’agisse des individus, mais aussi de n’importe quelle collectivité — ethnique, religieuse, sexuelle… —, tous ont un droit égal au plein épanouissement. Cette revendication à la fois libertaire et égalitariste s’inscrit dans la vague de fond démocratique qui, mise en branle par la philosophie des Lumières, par les révolutions américaine et française, pénètre toute l’humanité : chacun doit pouvoir être lui-même, à la fois disposer des mêmes droits que les autres et être reconnu dans sa différence, dans sa spécificité. À un second niveau, la mondialisation, la démocratisation, bousculant toutes les structures établies (famille, école, armée, États, institutions, Églises, partis…), désacralisant les cadres d’autorité, dissolvent les repères de l’individu ; celui-ci, perdu dans une immensité confuse, celle d’agglomérations sans limites, « bricole » des solidarités, des identités, ce « bricolage » pouvant aussi bien engendrer des structures nouvelles (bandes, mafias, sectes…) que remodeler des réalités anciennes (ainsi les intégrismes, réactions identitaires typiques de cette fin de XXe siècle, préconisant la restauration d’un âge d’or parfaitement mythique). Lire la suite
Le 22 février 1993, par la résolution 808, le Conseil de sécurité des Nations unies, à l’unanimité, « décide la création d’un tribunal international pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 ». Le 8 novembre 1994, par la résolution 955, il institue un tribunal du même type pour le Rwanda. Ces deux créations sont importantes, d’abord parce que le Conseil de sécurité les fonde sur le chapitre VII de la Charte, domaine du maintien de la paix dans lequel il peut adopter, s’il le juge nécessaire, des mesures coercitives que doivent appliquer tous les États membres de l’Organisation mondiale. Les violations graves du droit humanitaire constituent donc une menace contre la paix, appelant la mobilisation de toute la communauté internationale. En outre, depuis les tribunaux mis en place à l’issue de la Seconde Guerre mondiale (Nuremberg, Tokyo), aucune juridiction pénale internationale n’avait été établie. Lire la suite
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