Janvier 2021 - n° 836

Armement et économie de défense

« Les grandes puissances se rendent compte que c'est de manière permanente qu'il faut pratiquer leur manœuvre d'armement. »

Pierre Marie Gallois
136 pages

Étrange année que 2020 ! Elle aura été marquée à la fois par son imprévisibilité incarnée par la pandémie de la Covid-19 et par la confirmation des fractures du monde avec l’accroissement des tensions et des rivalités géopolitiques. La liste des inquiétudes est hélas trop longue entre crises sanitaires, économiques, sociales et stratégiques où certains États ont délibérément jeté de l’huile sur le feu, comme la Turquie en Méditerranée orientale ou la Chine réécrivant l’histoire du coronavirus pour se disculper. Le repli sur soi et la tentation nationaliste renforcée par des surenchères populistes ont émaillé cette année passée comme la minimisation de la maladie par le Brésil ou par la campagne électorale aux États-Unis où le Président sortant est allé de protestations en dénégations. Lire la suite

  p. 1-1

Avant de prendre la plume pour mes vœux 2021, j’ai relu ce que je vous avais écrit l’an dernier pour cette année 2020. Je vous souhaitais « une très belle année, ce qui ne veut pas dire une année facile ». Je ne croyais pas si bien dire, même si dans les menaces que j’évoquais, le risque d’une pandémie mondiale n’apparaissait pas. Mais je terminais par « que les soubresauts intérieurs comme extérieurs que nous vivons et qui nous inquiètent, contribuent enfin à faire prendre en compte que notre capital le plus précieux est l’Homme dans son entièreté ». Lire la suite

  p. 5-6

Armement et économie de défense

Il y a un véritable défi à définir l’autonomie stratégique européenne, tant les approches divergent entre les pays membres de l’UE. Comment concevoir une souveraineté partagée, comment s’inscrire dans des cultures stratégiques différentes et comment se situer par rapport aux États-Unis ? Lire la suite

  p. 9-11

Le New Space a profondément bouleversé l’échiquier spatial, remettant en question la position européenne et fragilisant ses acquis. Il est nécessaire de réagir vite pour conserver une autonomie stratégique chèrement acquise. Cela passe par un investissement accru, mais constitue une opportunité à saisir. Lire les premières lignes

  p. 12-20

La question de l’autonomie stratégique européenne a été soulevée à l’occasion de la pandémie de la Covid-19, démontrant une faible résilience des pays de l’Union européenne. Un effort doit être réalisé par tous pour faire converger les différentes approches de ce principe si important pour l’avenir. Lire les premières lignes

  p. 21-25

La BITDE doit être une opportunité à saisir impérativement, d’autant plus que la compétition technologique s’intensifie. Les outils européens existent, pouvant favoriser l’innovation et moderniser les industries de défense, à condition d’avoir une réelle ambition au service des intérêts de l’Europe. Lire les premières lignes

  p. 26-32

Les coopérations d’armement peuvent être une approche intéressante pour contribuer à l’autonomie stratégique européenne. L’exploitation d’« interstices » peut permettre de progresser et de réussir à lever de nombreux obstacles et à rééquilibrer la relation avec les États-Unis. Lire les premières lignes

  p. 33-38

L’arrivée de la 5G est désormais une réalité pour la France. Cette technologie représente un intérêt pour notre défense, qui devrait très vite réfléchir à intégrer la 5G dans l’éventail de ses moyens de télécommunications pour en être un acteur. Des expérimentations permettraient de s’approprier cette nouvelle perspective. Lire les premières lignes

  p. 39-44

La puissance exponentielle des GAFAM remet en cause notre approche classique de la Base industrielle et technologique de défense (BITD). Il est nécessaire de réagir rapidement pour développer un modèle plus agile et plus efficace afin de retrouver un minimum de souveraineté dans un champ désormais incontournable pour notre défense. Lire les premières lignes

  p. 45-52

Opinions

Les équipages de navires sont de plus en plus des digital natives, d’où le besoin de réfléchir à l’usage des smartphones à bord. Le lien avec les réseaux sociaux est une réalité au quotidien qu’il convient de prendre en compte pour éviter de se trouver en position de faiblesse lors des engagements opérationnels. Lire les premières lignes

  p. 53-60

Repères

Les destroyers du type DDG-1000 Zumwalt devaient transformer l’art de la guerre navale. La complexité du programme a entraîné une forte hausse des coûts, limitant à trois cette classe en rupture avec l’architecture navale classique. Toutefois, les technologies développées vont servir à de nouvelles séries en développement. Lire les premières lignes

  p. 61-67

L’hélicoptère WG13 Lynx a été retiré du service après plus de 40 années. Il a profondément marqué la Marine en apportant des capacités anti-sous-marines, notamment lorsqu’il était embarqué sur frégate. Aujourd’hui, le couple Fremm/NH90 apporte une dimension essentielle conférant de nouvelles aptitudes opérationnelles. Lire les premières lignes

  p. 68-73

Opinions

L’essor de l’IA dans le champ militaire est exponentiel et apporte des atouts pour assumer notre supériorité opérationnelle. Cependant, il est essentiel d’en mesurer les dimensions et d’en maîtriser les processus décisionnels recourant aux algorithmes. Le chef devra toujours conserver la décision en ayant la vue globale de l’action. Lire les premières lignes

  p. 74-81

L’Europe de la défense reste un chantier difficile, complexe et en proie à un certain scepticisme. Or, il est nécessaire de progresser ensemble pour affronter les défis stratégiques actuels. Cela doit passer par une culture de défense partagée entre les différents pays partenaires. L’École de Guerre y participe avec ses homologues. Lire les premières lignes

  p. 82-87

L’environnement géopolitique international précaire oblige à réfléchir aux conditions de remontée en puissance de nos armées. La mobilisation, qui a été le pilier historique, avec plus ou moins de succès, ne répond plus aux besoins actuels. Il faut préparer les outils pour renforcer la résilience de la nation face à une crise majeure. Lire les premières lignes

  p. 88-93

Repères

James Bond, OSS 117, Malotrus… Autant de héros ou d’anti-héros ne révélant qu’une part très limitée de la réalité du monde de l’espionnage. Ces personnages, issus de l’imagination de certains auteurs, restent loin des héros de l’ombre qui, dans le secret, travaillent par patriotisme et abnégation. Lire les premières lignes

  p. 94-97

Approches historiques

Charles de Gaulle, comme capitaine, a été en mission en Pologne de 1919 à 1921, lui permettant de retrouver l’action après sa captivité en Allemagne. Il y retourne comme chef de l’État en 1967, souhaitant poursuivre une politique d’équilibre et d’ouverture vers l’est avec un résultat mitigé tant Varsovie était subordonné à l’URSS. Lire les premières lignes

  p. 99-104

La renaissance de l’État polonais à l’issue de la Première Guerre mondiale bénéficia de l’engagement militaire de la France qui permit à l’armée de Varsovie de l’emporter sur les troupes envoyées par Moscou. La question de l’alliance franco-polonaise est restée complexe, liée à une histoire commune douloureuse. Lire les premières lignes

  p. 105-111

Malraux, au destin si entier, a été un personnage charismatique. Engagé du côté républicain durant la guerre d’Espagne, puis dans la Résistance en 1944, c’est davantage son charisme que l’organisation de son commandement qui a contribué à forger sa légende. Peu militaire dans le comportement, mais guerrier dans l’esprit, il sut transformer son narratif en aventure artistique et politique. Lire les premières lignes

  p. 112-117

Chronique

Les armées françaises après 1945, bien que victorieuses avec l’aide des Alliés, vont connaître de grandes difficultés liées au contexte budgétaire d’une France ruinée par la guerre et le début des opérations en Indochine. La réduction des effectifs, la réforme des structures et le renouvellement des équipements ont constitué des problèmes quasi insolubles. Lire les premières lignes

  p. 118-126

Recensions

Alain Coldefy : Amiral - Du sel et des étoiles  ; Favre, 2020 ; 254 pages - Thibault Lavernhe

L’Amiral Alain Coldefy a-t-il eu plusieurs vies ? Une seule en réalité, mais incontestablement bien remplie ! En nous offrant ses mémoires, l’ancien président de la Revue Défense Nationale nous propose bien plus qu’un simple récit, mais une réflexion de haut vol sur la France, sa défense, ses armées, son industrie, sa jeunesse… et son avenir maritime. Alliant humilité et érudition, celui qui fut le premier major général des armées au tournant du siècle nous emmène d’abord – uniforme oblige – sur les théâtres d’opérations aéromaritimes où il servit durant plus de trente années : le Pacifique (commandant de La Paimpolaise), la Méditerranée (le Liban et la Libye), l’océan Indien (l’opération Prométhée à la fin des années 1980) et enfin l’Adriatique (comme commandant du Clemenceau durant les conflits en ex-Yougoslavie au début des années 1990, puis comme commandant du groupe aéronaval à bord du Foch durant la guerre du Kosovo en 1999). Du patrouilleur polynésien aux porte-avions en passant par l’escorteur d’escadre Du Chayla, l’Amiral Coldefy témoigne ainsi du parcours d’un marin qui a traversé la guerre froide (il entre à l’École navale en 1965) pour en sortir dans le dernier tiers de sa carrière, durant lequel il affrontera les nouvelles crises apparues sous l’effet du dégel du bloc de l’Est. Abordée de manière thématique, cette carrière opérationnelle sous la plume de l’Amiral Coldefy, donne l’occasion à de nombreuses réflexions sur le métier d’officier de marine, sur la force des équipages des bâtiments de combat (fondée au premier chef sur l’application de règles communes) et sur le rapport de l’homme à la mer. Lire la suite

  p. 127-128

Valéry Rousset : La Guerre à ciel ouvert – Irak 1991, la victoire rêvée  ; Éditions Decoopman, 2020 ; 432 pages - Philippe Wodka-Gallien

Nous voici le 2 août 1990, poste télé allumé pour le JT du matin d’Antenne 2. Ce petit matin, le monde apprend que Saddam Hussein vient de lancer ses troupes à l’assaut du petit royaume du Koweït. Il y a trente ans, le monde a basculé dans une crise d’un nouveau genre qui, au passage, douche d’un coup les dividendes de la paix espérés suite à l’effondrement du bloc de l’Est et avec lui, du mur de Berlin. Lire la suite

  p. 128-129

Frédéric Turpin : Pierre Messmer – Le dernier gaulliste  ; Perrin-Ministère des Armées, 2020 ; 446 pages - Benoît Pellistrandi

Quelle image les Français ont-ils gardée de Pierre Messmer (1916-2007) ? À l’évidence, et Frédéric Turpin le rappelle dans cette biographie extrêmement réussie, ce n’est pas l’austère second Premier ministre du président Pompidou qui s’est imprimé dans la mémoire collective. Est-ce l’élu lorrain, député (1968-1988) et maire (1971-1989) de Sarrebourg ? Ou encore le chancelier de l’Institut de France (1999-2005) ? Plus sûrement peut-être le ministre des Armées du général de Gaulle (1960-1969) et le combattant de Bir Hakeim, compagnon de la Libération… D’ailleurs, cet ouvrage est coédité par le ministère des Armées. Lire la suite

  p. 129-131

Olivier Chaline et Olivier Forcade (dir.) : L’Engagement des Américains dans la guerre 1917-1918  ; Sorbonne Université Presses, 2020 ; 608 pages - Emmanuel Desclèves

Cet ouvrage universitaire conséquent et tout à fait intéressant regroupe les actes d’un grand colloque tenu à Paris en 2017. Il présente de multiples et riches contributions, couvrant tous les aspects de cette formidable épopée, vus par les différents protagonistes, avec le recul du temps et en bénéficiant des recherches historiques les plus récentes. D’abord opposée politiquement à une participation active à ce conflit intra-européen, l’Amérique neutre du président Woodrow Wilson se décide à déclarer la guerre à l’Allemagne après l’instauration de la guerre sous-marine à outrance en janvier 1917. Lire la suite

  p. 132-132

Revue Défense Nationale - Janvier 2021 - n° 836

Armement et économie de défense

Arms and the Defence Economy

Defining European strategic autonomy presents quite a challenge, given the degree to which the approaches of the member countries of the EU diverge. How can shared sovereignty be created? How can the different strategic cultures be taken into account? Where should we stand with respect to the United States? Read more

New Space has deeply perturbed the space landscape, calling into question the European position and undermining what has hitherto been achieved. We have to react quickly in order to preserve the strategic autonomy acquired at great cost. That means increased investment but also an opportunity to be seized.

The question of European strategic autonomy was raised as the Covid-19 pandemic struck and demonstrated the low resilience of member countries of the European Union. Effort must be made by all to bring together the different approaches to this principle, which is so important for the future.

The EDTIB is an opportunity that must absolutely be seized—especially since competition in technology is intensifying. European mechanisms exist for favouring innovation and modernisation of defence industries as long as there is a genuine ambition to serve the interests of Europe.

Cooperation in the field of armaments may well prove a worthwhile approach and a contribution to European strategic autonomy. Exploiting chinks and loopholes could lead to progress and to successfully removing numerous obstacles, and also to rebalancing the relationship with the United States.

5G has arrived in France. This technology is of interest for our defence structure, which needs to think very quickly about integrating 5G into its range of telecommunications assets in order to be an actor in the field. Experimentation could lead to this new perspective being adopted.

The exponential growth in the power of the GAFAM companies (Google, Apple, Facebook, Amazon and Microsoft) is calling into question our conventional approach to the defence technological and industrial base. We need to react rapidly and develop a more agile and effective model in order to recover a minimum level of sovereignty in a field that is now essential to our defence.

Opinions

Ships’ crews are increasingly digital natives, which raises the need to reflect about the on-board use of smartphones. The everyday use of social networks should be taken into account to avoid finding ourselves in a position of weakness during operational commitments.

Viewpoints

The DDG-1000 Zumwalt class destroyers are said to transform the art of naval warfare. The design makes a break with conventional naval architecture and the complexity of the programme carries with it a considerable increase in costs, which has led to this class of vessel being limited to three ships. However the technologies developed will be used in future classes under development.

The WG13 Lynx helicopter has been retired from service after more than 40 years. It left a significant mark on the Navy by affording it anti-submarine capabilities, particularly when embarked on a Frigate. Today’s Fremm/NH90 pairing is bringing a vital dimension that offers the Navy new operational capabilities.

Opinions

The exponential growth of AI in military matters is bringing advantages that benefit our operational superiority. It is nevertheless essential to limit its scope and to maintain control of those decision-making processes that call upon algorithms. Since he or she has the overall view of the action, the chief must always retain the power of decision.

European defence remains a difficult issue: it is complex and the target of some scepticism, and yet we have to move forward together if we are to face up to current strategic challenges. That in turn requires a defence culture that is shared between the partner countries. The École de Guerre (French war college) is playing its part in this, together with its equivalents in other countries.

The precarious international geopolitical environment compels us to consider the conditions for build-up of our armed forces. Historically, mobilisation has been the pillar for achieving this with greater or lesser success, but it no longer meets current requirements. We need to prepare the mechanisms for reinforcing the nation’s resilience when faced with a major crisis.

Viewpoints

James Bond, OSS 117 and Malotrus count among those heroes or anti-heroes that reveal only one very limited aspect of the reality of the world of espionage. Such characters, formed in the imagination of a number of authors, are far from the heroes who remain in the shadows, working secretly and selflessly, driven by patriotism.

Historical Approaches

In the rank of Captain, Charles de Gaulle served in Poland from 1919 to 1921, a mission that allowed him to see action again after his captivity in Germany. As head of state he returned there in 1967 in the desire to conduct a policy of balance and openness towards the East, yet with mixed success given the degree to which Warsaw was under the control of the USSR.

The rebirth of the Polish State after the First World War was helped by French military commitment that allowed Warsaw’s forces to win against troops sent by Moscow. The matter of the Franco-Polish alliance remained complex and linked to a common and painful history.

Malraux was a charismatic figure who led a very full life. He engaged on the republican side during the Spanish civil war and later in the resistance in 1944, yet it was more his charisma than the organisation of his command that contributed to forging his legend. Not so military in his conduct although warrior in spirit, he was able to transform his narrative into an artistic and political adventure.

Chronicle

Although with the help of the allies they were victorious, after 1945 the French forces were to confront enormous budgetary difficulties in a France ruined by the war and at the start of operations in Indo-China. Reduction in manpower, reform of structures and renewal of equipment all presented almost unsolvable problems.

Book Reviews

Alain Coldefy : Amiral - Du sel et des étoiles  ; Favre, 2020 ; 254 pages - Thibault Lavernhe

Valéry Rousset : La Guerre à ciel ouvert – Irak 1991, la victoire rêvée  ; Éditions Decoopman, 2020 ; 432 pages - Philippe Wodka-Gallien

Frédéric Turpin : Pierre Messmer – Le dernier gaulliste  ; Perrin-Ministère des Armées, 2020 ; 446 pages - Benoît Pellistrandi

Olivier Chaline et Olivier Forcade (dir.) : L’Engagement des Américains dans la guerre 1917-1918  ; Sorbonne Université Presses, 2020 ; 608 pages - Emmanuel Desclèves

Revue Défense Nationale - Janvier 2021 - n° 836

Armement et économie de défense

Étrange année que 2020 ! Elle aura été marquée à la fois par son imprévisibilité incarnée par la pandémie de la Covid-19 et par la confirmation des fractures du monde avec l’accroissement des tensions et des rivalités géopolitiques. La liste des inquiétudes est hélas trop longue entre crises sanitaires, économiques, sociales et stratégiques où certains États ont délibérément jeté de l’huile sur le feu, comme la Turquie en Méditerranée orientale ou la Chine réécrivant l’histoire du coronavirus pour se disculper. Le repli sur soi et la tentation nationaliste renforcée par des surenchères populistes ont émaillé cette année passée comme la minimisation de la maladie par le Brésil ou par la campagne électorale aux États-Unis où le Président sortant est allé de protestations en dénégations.

Sur le plan opérationnel, les théâtres sont restés actifs avec – et c’est tant mieux – un recul de Daech au Levant et des groupes armés terroristes au Sahel grâce à Barkhane et à la coalition du G5 Sahel. Certes, la solution reste d’ordre politique, mais les coups portés à ces entités islamistes sont essentiels pour déboucher sur une esquisse de règlement du conflit. À ces satisfecit, d’autres lieux de confrontation se sont réveillés comme au Haut-Karabagh où la défaite de l’Arménie face à l’Azerbaïdjan a révélé une bataille de haute intensité avec la mise en œuvre de moyens low cost de la guerre de demain, comme l’emploi massif des drones. Une campagne à étudier de très près, car elle préfigure les engagements du futur avec des adversaires de mieux en mieux organisés et tirant profit des technologies de l’information.

2020 a cependant permis un timide réveil de l’Europe et la prise de conscience de sa vulnérabilité stratégique dans de nombreux domaines dont la santé, le numérique et la défense. Même si l’élection de Joe Biden rouvre une nouvelle période de dialogue plus apaisé avec Washington, les Européens commencent à comprendre qu’ils sont trop dépendants dans tous les domaines et qu’il convient de redresser la barre tant face aux États-Unis et notamment les GAFAM sur les données, enjeux essentiels de l’économie du futur, que face à la Chine dont le projet impérialiste, remettant en cause les normes construites depuis des décennies, doit désormais être pris en compte au-delà de l’appétence pour un marché économique certes colossal, mais qui n’est plus l’Eldorado d’hier. La mainmise définitive sur Hong Kong doit faire réfléchir, de même que l’agressivité diplomatique envers des États comme l’Australie trop dépendante économiquement désormais de Pékin.

2021 s’ouvre donc sur un nouveau cycle avec la mise en place de l’Administration Biden. Pour l’Europe, c’est une opportunité, mais aussi un risque de retourner à une certaine léthargie stratégique en considérant que l’amélioration du dialogue avec Washington dans sa forme suffira à occulter le fond, c’est-à-dire le besoin de renforcer une souveraineté européenne plus crédible. Le débat est ouvert, mais il risque d’être très vite refermé avec la campagne électorale allemande pour la succession de la chancelière Angela Merkel à l’automne, les conséquences désormais concrètes du Brexit et le début de la campagne présidentielle française à la rentrée de septembre. La politique intérieure risque donc de dominer les débats dans les pays de l’Union européenne, laissant hélas le champ libre à d’autres États aux ambitions géopolitiques clairement affichées. ♦

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Janvier 2021 - n° 836

Armement et économie de défense

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