Février 1946 - n° 021

Dans l’oscillation périodique des idées, la rentrée en faveur de la géographie a conduit, à certaines époques et en particulier à la nôtre, à exagérer son influence. On met alors tout à son compte, au point que l’on attribuerait presque, par avance, la victoire au bénéficiaire d’une situation géographique favorable, sans considérations d’autre sorte. Cette façon de juger est vraiment excessive. On le voit, par exemple, à l’occasion des hostilités anglo-allemandes en mer du Nord pendant la guerre de 1914-1918, où, malgré la situation géographique exceptionnellement avantageuse dont profitaient les Anglais, les choses se seraient sans doute passées fort différemment si la supériorité navale avait été en faveur des Allemands, tant il est vrai qu’à côté du cadre physique pèsent d’un grand poids les forces qui, seules, donnent vie à ce décor immobile et statique. Lire les premières lignes

  p. 147-161

Neuf mois se sont écoulés depuis que la France est sortie du tombeau où, cinq ans plus tôt, l’Allemagne avait cru l’ensevelir à jamais. Neuf mois que le soleil de la Victoire a dissipé les ténèbres de la défaite et de l’occupation. Cependant, la France attend toujours que justice lui soit rendue, que le danger d’une nouvelle invasion ne plane plus sur sa vie quotidienne, en un mot que sa frontière de l’est soit fixée en tenant compte de l’impérieux enseignement de l’Histoire. Lire les premières lignes

  p. 162-181

La Revue de Défense nationale publiait récemment, sur la guerre aéro-navale, deux études d’inspiration opposée signées d’un marin et d’un aviateur (1). Peut-être n’est-il pas inutile d’en présenter une autre, où l’on essaiera de préciser la part qui revient à ce troisième partenaire de la « triphibious strategy » l’armée de terre. Il faut bien reconnaître que dans les dernières opérations où elle vient de se trouver aux prises avec la marine et l’aviation, son rôle n’a pas été très brillant. La défense des côtes était jusqu’ici une mission de tout repos. Les dernières tentatives, de forcement et de débarquement, celles de 1915 aux Dardanelles et dans la presqu’île de Gallipoli, avaient prouvé qu’un vieux canon derrière une crête ou une mitrailleuse dans un trou d’homme tenaient en échec les plus puissantes offensives venant du large. Les premières interventions de l’avion dans ce domaine n’avaient pas été très concluantes. Lire les premières lignes

  p. 182-191

Dans le cadre d’une revue spécialement consacrée à la Défense nationale, l’examen du problème agricole français doit être envisagé sous un angle spécial qui, au demeurant, n’est autre que celui du véritable intérêt national. Il est évident que la question se présenterait sous un aspect assez différent si on la considérait soit du point de vue des producteurs — qui ont le légitime souci d’améliorer leur situation — soit du point de vue des consommateurs, qui ont le désir non moins compréhensible d’être ravitaillés le mieux possible et aux moindres frais. En élevant le débat au-dessus des seuls producteurs ou des seuls consommateurs, on parvient au stade de l’économie nationale proprement dite, où les intérêts particuliers, et apparemment opposés, doivent être conciliés en fonction d’une solution optima, dans le cadre intérieur des frontières. Il semble bien alors que la vocation agricole de la France soit, d’une part, de nourrir les Français et, d’autre part, de donner aux agriculteurs un niveau de vie leur permettant d’être des clients suffisants du commerce et de l’industrie. Mais, si l’on veut bien encore franchir un nouveau degré dans l’échelle des intérêts, on s’aperçoit qu’il convient de songer moins directement aux Français en tant qu’individus ou classes professionnelles, qu’à la France elle-même. Cela signifie qu’il faut, avant et au-dessus toutes autres considérations, chercher l’intérêt profond de la Nation prise comme unité internationale. Il ne s’agit de rien d’autre, en la matière, que de l’indépendance agricole, aussi parfaite que possible, de la France vis-à-vis de l’étranger. Lire les premières lignes

  p. 192-206
  p. 207-223

Le temps de la glorieuse épopée napoléonienne a été celui d’une crise décisive des relations franco-allemandes, au cours de laquelle les garanties de sécurité laborieusement échafaudées par la diplomatie de nos rois disparurent dans les remous prolongés de cet événement d’où devait dater un monde nouveau : la Révolution française. Après les tâtonnements et les guerres de la période révolutionnaire proprement dite, ces relations sont façonnées par la main toute puissante de l’héritier de la Convention et du Directoire, dont malheureusement les vues si sages du début, là comme dans tant d’autres domaines, devaient évoluer jusqu’à renier la modération initiale au profit de violences croissantes, prélude de la chute. Lire les premières lignes

  p. 224-232

Dans sa magistrale étude, intitulée « Le Corps expéditionnaire français en Italie » (octobre et novembre 1945), le général Carpentier ne semble pas avoir disposé de la place nécessaire pour évoquer le rôle de l’Armée de l’air française. Aussi paraît-il juste de déterminer la part qui revient à celle-ci dans la victoire. Lire les premières lignes

  p. 233-237

L'auteur, grand prix de littérature coloniale, après avoir esquissé l'histoire du Japon moderne et, notamment, décrit le culte de l’Empereur, analyse l’âme du peuple nippon. Lire les premières lignes

  p. 238-242

L’auteur de ces notes fut attaché de l’Air au Japon. Lire les premières lignes

  p. 243-248

Chroniques

  p. 249-253
  p. 254-259
  p. 259-263

Ce n’est pas sans doute empiéter sur la chronique diplomatique que de rendre compte des travaux que l’Assemblée générale des Nations unies a consacrés aux questions de tutelle internationale, ou de « trusteeship ». Cette première assemblée, véritable assemblée constitutive, est, comme on sait, chargée de mettre en œuvre l’organisation internationale que la Conférence de San Francisco (avril-juin 1945) a définie. Il s’agit de constituer ces organes essentiels de l’ONU que sont le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle, etc. Conseil de sécurité et conseil économique et social ont été créés, comme on sait, dès les premières séances de l’Assemblée. Mais il est évident qu’il ne peut être question de créer le Conseil de tutelle avant qu’il n’existe des « trusteeships », puisqu’aux termes de l’article 86 de la Charte, le nombre total des membres de ce conseil se partage également « entre les membres des Nations unies qui administrent des territoires sous tutelle et ceux qui n’en administrent pas ». Rappelons qu’aux termes de l’Accord de Yalta, confirmé par l’article 77 de la Charte de San Francisco, le régime de tutelle doit s’appliquer : aux territoires actuellement sous mandat, – puis conformément à un accord de tutelle – aux territoires qui peuvent être détachés d’États ennemis par suite de la Seconde Guerre mondiale ; enfin, aux territoires qui seraient placés volontairement sous ce régime par les États responsables de leur administration. Pour ce qui est des territoires détachés d’États ennemis, la Conférence de Moscou (décembre 1945) a décidé de placer la Corée sous une tutelle sino-russo-américaine. Mais il ne semble pas que les termes de l’accord de tutelle aient encore été arrêtés entre Tchoung King [NDLR 2024 : capitale provisoire de la Chine nationaliste], Moscou et Washington. Quant aux colonies italiennes, qui n’éviteront pas, toutes, le « trusteeship », il est probable que leur sort ne sera définitivement réglé qu’à la Conférence de la Paix. Restent donc les mandats de la Société des Nations (SDN). Ceux-ci pourraient être mis rapidement sous le régime de la Charte de San Francisco, ce qui permettrait de mettre aussitôt sur pied le Conseil de tutelle. Lire les premières lignes

  p. 263-267
  p. 268-272
  p. 273-277

Bibliographie

Général Gouraud : Mauritanie et Adrar  ; Librairie Plon, 1945 ; 349 pages - Henry Freydenberg

Cette série de notes, prises au jour le jour, pendant la préparation, puis au cours de la conquête de l’Adrar, constituent une des pages de la longue et glorieuse carrière coloniale du général Gouraud. Les tribus maures du Nord du Sénégal, sous l’obédience des fils de Ma el Aïnin, s’opposent à notre pénétration et pillent sans discontinuité ceux qui se sont soumis à la France ; la mort de Coppolani a porté un coup sensible à notre prestige et les tribus ralliées demandent du secours. Lire la suite

  p. 278-279

Richard Mc Millan : Montgomery et ses hommes. Histoire de la 8e Armée britannique en Afrique  ; Éditions Plon, 1945 ; 316 pages - Edmond Delage

M. Richard McMillan est un de ces correspondants de guerre anglo-saxons qui joignent au courage le coup d’œil stratégique et le talent littéraire ; c’est une bonne fortune pour un chef et pour ses soldats que d’avoir pareil historien. Le sujet est, d’ailleurs, magnifique puisqu’il s’agit de l’admirable épopée de la 8e Armée britannique. Quand M. McMillan la rallie sous le soleil impitoyable d’Afrique, elle fuit à travers le désert et cherche, pour se mettre en sûreté, à franchir le Nil ; l’ennemi croit tenir la victoire, l’Égypte semble perdue. C’est alors que, dans la nuit du 23 octobre 1942, cette même 8e Armée refoule Rommel et son Afrika Korps jusqu’en Tunisie, avant de le rejeter à la mer. Lire la suite

  p. 279-279

Henri Le Masson : Forces sur la mer  ; Sociétés d’Éditions géographiques, maritimes et coloniales, 1945 ; 323 pages - Edmond Delage

Henri Le Masson qui assure, depuis 1942, la publication des Flottes de Combat, répertoire de toutes les marines de guerre, fondé par le commandant de Balincourt, vient de faire paraître, sous le titre Forces sur la mer, un ouvrage documentaire, destiné à renseigner le grand public sur le matériel aéronaval moderne. La guerre a entraîné d’importantes transformations dans la structure du matériel ; l’auteur a pensé qu’au moment où se terminait une lutte de six années qui a mis aux prises les plus grandes flottes du monde, il serait intéressant de « faire le point ». Il a donc voulu examiner ce que sont devenues les diverses catégories de navires qui viennent de lutter sur les océans, montrer à la suite de quelle évolution elles sont arrivées à leur état actuel et les besoins auxquels elles répondent. Mais, comme il l’écrit dans l’avant-propos, il n’a pas voulu anticiper sur l’avenir et porter de jugement sur le matériel de l’avenir. Lire la suite

  p. 279-280

Joseph Paul-Boncour : Entre deux guerres. Souvenirs sur la IIIe République  ; Éditions Plon, 1945 ; 297 pages - Edmond Delage

Le deuxième tome de Souvenirs sur la IIIRépublique, de Joseph Paul-Boncour, a suivi de près le premier ; il possède les mêmes qualités que son devancier et, sous une forme agréable, retrace d’importants événements, dans lesquels l’auteur a joué souvent un rôle d’observateur bien placé, ou d’acteur de premier plan. Le volume a trait à la période qui s’étend depuis les dernières guerres, plus précisément depuis l’arrivée du Président Wilson à Paris, jusqu’en 1936. Fort intéressants sont ses impressions à son retour du front en 1918, et les souvenirs qu’il évoque de la chambre bleu horizon et de l’opposition de ses camarades socialistes. Mais la partie qui restera, sans doute, la plus précieuse, pour qui voudra écrire l’histoire de la période d’entre-deux-guerres, est celle qu’il a consacrée à la Société des Nations où, pendant de longues années, il fut l’avocat, aussi compétent qu’éloquent, des intérêts de la France, qui se confondaient avec ceux de la Société des Nations eux-mêmes. À ce propos, nous voyons défiler, sous la plume alerte de M. Paul-Boncour, une série d’esquisses spirituelles et vivantes, des hommes qui parurent alors à Genève et qui s’appelaient : Herriot, McDonald, Henderson, Lord Cecil, Politis, Pilsudski, Titulesco, le comte Bernsdorff, Litvinoff, André Tardieu, et. Il met également en relief les travaux déployés par la France pour réaliser sa foi et son idéal du désarmement, ainsi que la sécurité collective, grâce à la création d’une force internationale, dont la lucidité d’un André Tardieu avait reconnu l’absolue nécessité. Lire la suite

  p. 280-281

Joachim Joesten : What Russia wants [Ce que veut la Russie]  ; World Book Company, 1944 ; 207 pages - A. L.

M. Joachim Joesten, auteur de ce livre très suggestif, est un Allemand de Cologne, ancien collaborateur de la Weltbühne, naturalisé citoyen américain, après avoir dû fuir son pays à travers le Danemark, la Suède et la Russie. Il nous donne, en un ouvrage très riche de pensées et de faits, dans lequel il ne cache pas, d’ailleurs, ses sympathies pour la cause russe, ses impressions politiques sur ce que veut l’URSS. Comme le livre a été publié il y a déjà une bonne année, et qu’une grande partie des vues de l’auteur semble se réaliser sous nos yeux même, nous sommes tentés de lui reconnaître une réelle pénétration et largeur de vue politique. La thèse essentielle soutenue par M. Joachim Joesten est que, depuis la dissolution de l’Internationale communiste en mai 1943, qui marque la victoire définitive de Staline sur le trotskysme, la Russie ne veut pas une Europe soviétique ; elle ne veut pas davantage une Europe réactionnaire, un faisceau de fédérations qui l’entoureraient d’un nouveau « cordon sanitaire ». Sincèrement pacifique, elle n’ira pas, de gaîté de cœur, chercher querelle à une coalition anglo-américaine ; ce qu’elle recherche, avant tout, c’est une sécurité, sans laquelle il n’y aura pas de paix durable. Lire la suite

  p. 281-282

Revue Défense Nationale - Février 1946 - n° 021

Revue Défense Nationale - Février 1946 - n° 021

Il n'y a pas d'éditorial pour ce numéro.

Revue Défense Nationale - Février 1946 - n° 021

La RDN vous invite dans cet espace à contribuer au « débat stratégique », vocation de la Revue. Cette contribution doit être constructive et doit viser à enrichir le débat abordé dans le dossier. C’est l’occasion d’apporter votre vision, complémentaire ou contradictoire. Vos réponses argumentées seront publiées sous votre nom après validation par la rédaction.

Aucune contribution n'a encore été apportée.