Février 2016 - n° 787

Verdun : 100 ans après

2016-1916. Un siècle de sang et de feu avec la bataille de Verdun, symbole de l’inhumanité de la guerre où Français et Allemands s’affrontèrent durant des mois, les uns pour empêcher la chute d’une ville dont l’importance stratégique avait été négligée et pour les autres, il s’agissait d’épuiser l’ennemi pour l’amener à négocier, avant de basculer l’effort contre l’Empire des Tsars. Lire la suite

  p. 1-1

C’est pour moi un plaisir et un honneur d’avoir été invité à prononcer la leçon inaugurale de la Chaire « Grands enjeux stratégiques contemporains », pour le cycle de l’année 2016, et je dois dire que je suis très heureux d’être avec vous ce soir. Lire les premières lignes

  p. 5-19

Verdun : 100 ans après

Verdun fut un symbole majeur, avant même que la bataille elle-même soit achevée. Symbole de l’héroïsme français, Verdun a traversé le siècle avec une dimension politique sans précédent, entre Pétain, le défenseur de Verdun et la réconciliation franco-allemande, marquée par la poignée de main Kohl-Mitterrand en 1984. Lire les premières lignes

  p. 23-28

La bataille de Verdun n’avait été ni anticipée ni réfléchie du côté français, contrairement au commandement allemand qui avait soigneusement préparé son offensive. Au-delà de la surprise tactique et de l’improvisation initiale, le commandement français sut réagir avec efficacité. Lire les premières lignes

  p. 29-36

La bataille de Verdun a été un moment capital pour l’armée française avec la prise de conscience de devoir élaborer une nouvelle doctrine. Le général Pétain en a été l’artisan car il a véritablement pris en compte les enseignements tirés depuis l’été 1914. Le succès de 1918 a, hélas, sanctuarisé la doctrine qui se paiera en 1940. Lire les premières lignes

  p. 37-45

Un des paradoxes de Verdun a été dans la supériorité du commandement français, avec une organisation qui s’est adaptée avec efficacité pour répondre aux défis d’une guerre longue. À l’inverse, le commandement allemand a pâti de son incapacité à évoluer, alors même qu’il constituait un des points forts des armées du ReichLire les premières lignes

  p. 46-50

Le Service de santé, qui avait connu des défaillances en 1914, s’est organisé pour mieux répondre au nouveau défi que représentait la guerre des tranchés. À Verdun, il sut, malgré les difficultés, prendre en charge les blessés dès l’avant et en assurer les traitements en s’appuyant sur un échelonnement judicieux de ses capacités. Lire les premières lignes

  p. 51-54

La bataille de Verdun a vu l’échec du plan stratégique conçu par les Allemands, avec, à l’inverse, la perception du côté français que la victoire tactique devenait la condition nécessaire et suffisante pour obtenir la victoire. Une erreur qui fut fatale en 1940 en l’absence d’une vraie approche stratégique ; une leçon encore valable aujourd’hui. Lire les premières lignes

  p. 55-58

La jeunesse de France s’est battue à Verdun, il y a un siècle, pour défendre non seulement le sol, mais aussi une certaine idée de notre pays. Aujourd’hui, cette unité créée par le champ de bataille n’est pas une vaine idée et peut encore contribuer à la cohésion nationale. Lire les premières lignes

  p. 59-62

Enjeux de puissance

La Grande-Bretagne vient de procéder à la réévaluation de sa politique de défense avec de nouvelles ambitions et en considérant que la relation privilégiée avec la France – après celle avec les États-Unis – est devenue un pilier de sa stratégie et offre des perspectives importantes face aux menaces actuelles. Lire les premières lignes

  p. 63-67

La SDSR 2015 présentée par le gouvernement Cameron fixe les ambitions stratégiques de Londres pour la décennie à venir avec la réaffirmation de la dissuasion nucléaire, la reprise d’un réel effort budgétaire, le maintien du lien privilégié avec Washington, mais aussi sur l’importance de la relation avec Paris. Lire les premières lignes

  p. 68-76

La question du nucléaire reste essentielle dans les rapports entre les puissances, notamment pour la Russie et la Chine qui ont pleinement intégré cette dimension en particulier en Asie, contrairement à l’Europe qui évite soigneusement ce débat. Lire les premières lignes

  p. 77-82

La Russie fragilisée par les sanctions liées à l’annexion de la Crimée, et la Chine confrontée au besoin de relancer sa croissance, se sont engagées dans de nouvelles voies de partenariat avec, de part et d’autre, des intérêts stratégiques majeurs mais distincts, dans une perspective d’affirmation de puissance. Lire les premières lignes

  p. 83-88

Approches régionales

Les Accords Sykes-Picot, vieux d’un siècle, ont explosé récemment tant les antagonismes régionaux sont clivants. La complexité de la mosaïque des identités associées à la dimension confessionnelle constitue un défi majeur pour les pays concernés mais aussi pour l’Occident. Lire les premières lignes

  p. 89-93

Repères - Opinions

Les objets connectés via Internet vont constituer une nouvelle opportunité à usage militaire. S’appuyant sur des technologies innovantes, ils pourraient apporter des réponses utiles à des besoins spécifiques de la Défense, à condition de bien en maîtriser la cybersécurité. Lire les premières lignes

  p. 97-103

Les incertitudes stratégiques ne cessent de croître et de remettre en cause les fondements actuels des relations entre les pays. Il est aujourd’hui vital de retrouver un ordre international plus cohérent, et en particulier pour l’Europe, de repenser son effort de défense pour faire face aux menaces. Lire les premières lignes

  p. 104-109

Les VIe Assises du CSFRS ont eu lieu le 1er décembre 2015 à l’École militaire et ont abordé la question centrale : « Qui est l’ennemi ? », aujourd’hui. La montée inexorable du terrorisme islamiste ces dernières années nous oblige à revoir avec lucidité cette réalité dramatique désormais au cœur de la Nation. Lire les premières lignes

  p. 110-116

Chroniques

La tragédie des migrants en Méditerranée a conduit l’Union européenne à envisager la mise en place – une nouveauté – d’une opération militaire de gestion de crise pour démanteler le « Business model » des réseaux de trafic clandestins d’êtres humains. Lire les premières lignes

  p. 117-120

Un fil directeur est présent dans ces différentes revues : le monde devient de plus en plus imprévisible, les situations binaires n’ont plus court, d’où la nécessité pour les diplomaties, dont celle la France, d’être souples, évolutives, multifonctionnelles. Lire les premières lignes

  p. 121-123

Les relations franco-russes n’ont cessé d’être houleuses tout au long du XIXe siècle, jusqu’à être marquées par des conflits majeurs, que ce soit sous l’Empire ou la guerre de Crimée. Néanmoins, après 1871, la France se trouvait isolée en Europe du fait de la volonté de Bismarck qui s’est attaché à modeler l’ordre européen autour de l’« alliance des trois empereurs », même s’il est conscient de sa fragilité, l’Autriche-Hongrie et la Russie demeurant en compétition aiguë dans les Balkans. À l’issue de la crise de 1877-1878 conclue par le Traité de Berlin qui a vu la Russie privée de l’exploitation de sa victoire contre l’Empire ottoman (territorialement, elle visait une progression vers les Détroits), le chancelier allemand parvient toutefois à ressouder l’alliance germano-austro-russe. En 1881, le système bismarckien triomphe avec la constitution de la Triple Alliance, conclue entre Berlin, Vienne et Rome. La France demeure bel et bien isolée. En 1887, enfin, Bismarck conclut un traité de réassurance avec la Russie qui verrouille son système diplomatique européen. Lire les premières lignes

  p. 124-126

Recensions

Bénédicte Vergez-Chaignon : Pétain  ; Éditions Perrin, 2014 ; 1 040 pages - Jérôme Pellistrandi

Il ne fallait pas moins de 1 040 pages pour proposer une nouvelle biographie – passionnante – de Philippe Pétain, maréchal comme héros de Verdun puis chef de l’État français replié à Vichy, condamné à mort puis finissant sa vie comme prisonnier dont la seule issue fut le cimetière de l’île d’Yeu. Le résultat est à la hauteur et ce livre mérite toute sa place dans toute bonne bibliothèque d’histoire de France. Lire la suite

  p. 127-128

Jean-Claude Cousseran et Philippe Hayez : Renseigner les démocraties, renseigner en démocratie  ; Éditions Odile Jacob, 2015 ; 384 pages - Benoît Aboville (d')

On a énormément écrit sur le renseignement, ses techniques, ses succès, et ses échecs, notamment dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale et à l’époque de la guerre froide (1). Il y a là une source inépuisable de romans et de films dont le public ne se lasse guère. L’affaire Snowden avec la révélation publique de l’étendu des écoutes téléphoniques et le recueil de métadonnées pratiquées par la NSA ; et d’autres pays ont toutefois largement changé la donne. Lire la suite

  p. 128-130

Jean-Baptiste Jeangène Vilmer : La responsabilité de protéger  ; PUF, 2015 ; 125 pages - Marie-Dominique Charlier-Barou

La responsabilité de protéger (R2P), sur laquelle se sont accordés les États en 2005, a dix ans. Ce concept apparu en 2001, et reconnu quatre ans plus tard par l’Assemblée générale de l’ONU, est une norme émergente des relations internationales qui connaît à ce jour une actualité particulièrement riche. Souvent invoquée pour justifier des interventions militaires, comme notamment en Libye, elle ne se réduit pas à l’usage de la force et ne peut pas être confondue avec le droit d’ingérence. Lire la suite

  p. 130-131

Pierre Manent : Situation de la France  ; Desclée de Brouwer, 2015 ; 173 pages - Claude Le Borgne

Ce qu’écrit Pierre Manent doit être considéré avec attention. Cette affirmation peut paraître indécente. Elle est plus pertinente que jamais. En effet, si l’islam ne figure pas dans son titre, ce n’est que de lui qu’il nous parle, comme si la « situation de la France » d’aujourd’hui se résumait en son actuel rapport à l’islam. Rapport nouveau à deux titres. D’une part, si notre société reste « de marque chrétienne », qui donc aujourd’hui ose nous parler du Dieu des chrétiens ? Lire la suite

  p. 131-132

Général Benoit Royal (dir.) : L’artillerie dans les guerres de contre-insurrection  ; Économica, 2015 ; 140 pages - Claude Le Borgne

On jugera, a priori, que le général Benoît Royal, dirigeant cet ouvrage sur le rôle de l’artillerie dans la contre-insurrection, engageait une gageure. Il se sort bien de ce défi. Le général est un Bigor, artilleur de Marine pour les non-initiés, qui ne seront guère mieux renseignés par cette précision, s’imaginant que ledit artilleur tire le canon à partir de la mer, ce qui n’est pas le cas. Restons-en là ! Lire la suite

  p. 132-132

Revue Défense Nationale - Février 2016 - n° 787

Verdun : 100 ans après

Battle of Verdun: 100 years after

Verdun was a major symbol even before the battle was finished. Symbol of French heroism, Verdun has gone through the century with a unprecedented political dimension from Pétain, the defender of Verdun, to the French-German reconciliation marked by the handshake of Kohl and Mitterrand in 1984.

The battle of Verdun was neither anticipated nor considered by the French side, contrary to the German command that was carefully prepared for its attack. Beyond the tactic surprise and the initial improvisation, the French command knew how to react with efficiency.

The battle of Verdun has been a major moment for the French army to be aware that they should elaborate a new doctrine. General Pétain was the craftsman of it since he was truly aware of the education drawn since the summer of 1914. The success in 1918 had, unfortunately, sanctuarized the doctrine that had consequences in 1940.

One of the paradoxes of Verdun was the superiority of the French headquarter, with an organization which has adapted with efficiency to respond to the challenges of a long war. On the contrary, the German command has suffered because of its incapacity to adapt, although it was one of the strongest units in the armies of the Reich.

The health service, who has been known for the failures in 1914, reorganized itself to respond better to challenges representing the trench warfare. In Verdun, despite all difficulties, it knew how to take charge of the injured early and ensure the treatments based on a wise staggering of its capacities.

The battle of Verdun witnessed the failure of strategic plan conceived by the Germans, and the perception of the French side that the tactical victory would become the necessary and sufficient condition to obtain the victory. The fatal error committed in 1940 was the absence of a true strategic approach; the lesson is still valuable today.

It has been a century since the youth of France fought in Verdun, to defend not only the land, but also a definite idea of our country. Today, this unity created by the battlefield is not a vain idea and it could contribute once again to the national cohesion.

Issues of Power

The Great Britain comes to process the re-evaluation of its defense policy with new ambitions and considerations of its privileged relation with France–after the relation with the United States–which has became a pillar of its strategy and offers important perspectives in facing current threats.

The SDSR 2015 presented by the Cameron government fixes the strategic ambitions of London for decades to come, with the reaffirmation of nuclear dissuasion, the return to a real budgetary effort, the maintenance of privileged links with Washington as well as the importance of relation with Paris.

The nuclear question remains essential in the relations between powers, for Russia and China in particular, who have integrated completely such dimension in Asia, but carefully avoid such debate in Europe.

Russia is weakened by sanctions related to the annexation of Crimea. And China, confronted by the needs of relaunching its growth, is engaged in new ways of partnership with, on both sides, different but important strategic interests, in a perspective of affirming its power.

Regional Approaches

The Sykes-Picot Agreement, a century old, has gone off so much that the regional antagonisms are split. The complicity of multiple identities associated to the denominational dimension, constitutes a major challenge for the related countries and the West.

Opinions and Viewpoints

The connected objects via Internet will constitute a new opportunity for military usage. Leaning on innovative technologies, they could bring useful responses to specific needs of the ministry of Defense, in a condition that cyber security is well controlled.

The strategic uncertainties never cease to increase and to question the current foundation of relations between countries. It is important today to find again an international order that is more coherent, and especially for Europe, to rethink about its effort in facing threats.

The 6th Conference of CSFRS took place in December 1, 2015 at Military School and came up with a central question today: “Who is the enemy?”. The inexorable rising of Islamic terrorism in the past years oblige ourselves to review this dramatic reality lucidly at the heart of the nation.

Chronicles

Book reviews

Bénédicte Vergez-Chaignon : Pétain  ; Éditions Perrin, 2014 ; 1 040 pages - Jérôme Pellistrandi

Jean-Claude Cousseran et Philippe Hayez : Renseigner les démocraties, renseigner en démocratie  ; Éditions Odile Jacob, 2015 ; 384 pages - Benoît Aboville (d')

Jean-Baptiste Jeangène Vilmer : La responsabilité de protéger  ; PUF, 2015 ; 125 pages - Marie-Dominique Charlier-Barou

Pierre Manent : Situation de la France  ; Desclée de Brouwer, 2015 ; 173 pages - Claude Le Borgne

Général Benoit Royal (dir.) : L’artillerie dans les guerres de contre-insurrection  ; Économica, 2015 ; 140 pages - Claude Le Borgne

Revue Défense Nationale - Février 2016 - n° 787

Verdun : 100 ans après

2016-1916. Un siècle de sang et de feu avec la bataille de Verdun, symbole de l’inhumanité de la guerre où Français et Allemands s’affrontèrent durant des mois, les uns pour empêcher la chute d’une ville dont l’importance stratégique avait été négligée et pour les autres, il s’agissait d’épuiser l’ennemi pour l’amener à négocier, avant de basculer l’effort contre l’Empire des Tsars.

Verdun a concerné toutes les générations en son temps, les Poilus, au Front, et les familles, à l’Arrière, avec la litanie interminable des morts – père, fils, frères… – pour la France. Ainsi, moins de dix communes n’ont pas de monuments aux morts, épargnées par le hasard des guerres. 13 novembre 2015, des hommes et des femmes – de la même tranche d’âge que les Poilus de Verdun – ont été frappés par le hasard terrible du fanatisme de terroristes islamistes venus pour tuer. Avec une dimension nouvelle, l’a-humanité des meurtriers pour qui la mort est plus importante que la vie. Pour nos sociétés occidentales, c’est un changement stratégique majeur. Les espoirs du monde post-guerre froide auront à peine duré deux décennies avant de se fracasser sur de nouvelles confrontations pour lesquelles le monde occidental ne semble plus dorénavant en mesure d’assumer un leadership incontesté. La multipolarité actuelle impose de réfléchir et de revoir notre posture stratégique en relevant notre niveau d’ambition. Après des années de réduction des budgets et donc de nos capacités, la courbe a été inversée avec la conviction que le temps des « dividendes de la paix » était largement révolu. Ce que la France a décidé – en appui des engagements comme au Mali depuis janvier 2013 et contre Daech – n’est pas un acte isolé. Il y a désormais une prise de conscience européenne – à commencer par le Royaume-Uni – que la Défense est redevenue une priorité. Le retour de la puissance est une réalité. Londres, qui pendant des années de désinvestissements couplés à l’épuisement des forces consécutivement à l’Afghanistan et l’Irak, a décidé de reprendre sa place comme un acteur militaire de premier rang avec la réaffirmation du rôle central de la dissuasion nucléaire militaire, la confirmation de la mise en service des deux porte-avions et le retour des patrouilles aéromaritimes pour contrer le retour des sous-marins russes. Un parfum de nouvelle guerre froide car l’attitude actuelle de la Russie reflète une ambiguïté inquiétante et déstabilisante de la part de Moscou.

Anticiper ces menaces, répondre à l’affrontement imposé par Daech, aider nos partenaires et alliés à renforcer leur défense, autant de défis que la France a décidé de relever, en s’appuyant sur ses armées, directions et services, ainsi que sur les forces de sécurité intérieure avec un nouvel effort budgétaire. Mais aussi en renforçant ses capacités d’analyse, notamment en termes de recherche stratégique. Un champ de réflexions et de travaux auquel la RDN apportera son concours avec l’expression et la mise en valeur du débat stratégique. Une exigence envers tous ceux qui ont combattu pour la France, au cours de ce siècle, en particulier les Poilus de Verdun ; Verdun symbole de la réconciliation franco-allemande, indispensable pilier de la paix en Europe, paix qu’il convient désormais de protéger avec courage. ♦

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Février 2016 - n° 787

Verdun : 100 ans après

La RDN vous invite dans cet espace à contribuer au « débat stratégique », vocation de la Revue. Cette contribution doit être constructive et doit viser à enrichir le débat abordé dans le dossier. C’est l’occasion d’apporter votre vision, complémentaire ou contradictoire. Vos réponses argumentées seront publiées sous votre nom après validation par la rédaction.

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