Après le discours du ministre de la Défense aux stagiaires de l’École de guerre, le 20 janvier 2011 (1), il a paru souhaitable à la rédaction de la RDN d’en reprendre l’argument et d’en diffuser les principaux moments dans le numéro de mars pour animer une réflexion sur un thème sensible et controversé, celui du retour de la guerre dans le paysage national. Lire la suite

  p. 1-1

En partant du rejet par des sociétés arabes de pouvoirs devenus inacceptables, l’auteur nous entraîne dans une rétrospective des comportements intolérables du siècle dernier. Il montre comment des lignes rouges collectives ont fini par dissuader la guerre, mais rappelle que l’immobilisme, l’égoïsme et la corruption des privilégiés conduisent toujours à l’inacceptable et mettent en mouvement les peuples. Lire les premières lignes

  p. 9-16

La famille et la défense

Accompagner les familles des militaires déployés en opérations est une responsabilité de commandement. L’auteur nous explique comment cette mission est désormais intégrée dans la manoeuvre opérationnelle tout au long du cycle émotionnel du déploiement. Lire les premières lignes

  p. 19-24

Les ambitions et les contradictions de la résolution 1325 du Conseil de sécurité portant sur « les femmes, la paix et la sécurité » sont l’objet de cette réflexion qui aborde entre autres la composition des troupes intervenant sous mandat de l’ONU et la question des femmes et des petites filles dans les conflits armés. Lire les premières lignes

  p. 25-30

Perspectives brésiliennes

L’action internationale du Brésil s’inscrit dans sa volonté de renforcer normes et institutions internationales. La consolidation de la stabilité interne, la promotion de l’intégration régionale et la réforme du secteur de défense lui donnent un nouveau rôle international. Le Brésil pense son secteur de défense comme une contribution à la stabilité de l’Amérique du Sud et à la rénovation de la structure de gouvernance mondiale. Lire les premières lignes

  p. 31-36

C’est par l’aide internationale au développement que le Brésil aborde l’Afrique avec la double intention de consolider sa posture internationale dans une « diplomatie de la générosité » et de défendre les intérêts d’une économie bien placée sur le marché africain. Ce faisant il cherche à s’assurer un espace naturel d’expansion stratégique. Lire les premières lignes

  p. 37-44

La stratégie de défense du Brésil s’attache à repenser la vocation maritime atlantique de ce grand pays. La marine brésilienne agit dans ce domaine non seulement comme organe de réflexion et d’impulsion mais aussi comme opérateur global engagé dans des programmes conséquents destinés à donner au Brésil les moyens de son ambition maritime. Lire les premières lignes

  p. 45-51

Le 20 janvier dernier, on fêtait place Joffre le retour de la guerre, plus exactement celui de l’école où on l’enseigne. C’est que, depuis la disparition de l’Union soviétique, elle n’était plus de mise : « guerre » devenue gros mot, c’est défense qu’il fallait dire. Faisant d’une pierre deux coups, on avait aussi décidé que l’École serait désormais Collège, gagnant ainsi en prestige international, ce dont notre académie militaire n’avait nul besoin, sa réputation n’étant plus à faire ; à tout problème, disait un bon mot où la vieille dame ne voyait pas malice, il y a deux solutions, la bonne et celle de l’École de guerre. L’affaire venait de loin puisqu’en 1969 déjà, le ministère des Armées, confié à Michel Debré, avait été rebaptisé ministère de la Défense. Lire la suite

  p. 52-52

Repères - Opinions - Débats

Pour aborder des temps incertains et se confronter à des partis nouveaux sur des terrains lointains, il faut désormais démultiplier nos approches de la conflictualité. Une relecture de Sun Tzu peut nous y préparer en recherchant des modes de pensée alternatifs au seul usage de la force et de la supériorité. Lire les premières lignes

  p. 55-61

La Pologne offre un excellent exemple de la longue et difficile marche des pays d’Europe centrale et orientale vers une défense vraiment européenne. Dotée d’une sensibilité particulière liée à son histoire, elle aborde le thème de la sécurité sur un registre distinct de celui des pays d’Europe de l’Ouest mais qui tend depuis peu à les rejoindre. Lire la suite

  p. 62-69

La décennie qui a suivi la fin de la guerre froide a été lourde de vicissitudes pour la Serbie. Sa relation à l’Otan en porte aujourd’hui les traces. Sans les masquer, la réflexion sur la posture de défense serbe vise aujourd’hui une intégration euro-atlantique progressive qui suppose un partenariat avec l’Otan. Lire les premières lignes

  p. 70-73

La Coopération structurée permanente (CSP) que prévoit le traité de l’Union est l’objet de toutes les spéculations. Instrument encore inexploité, mais réellement prometteur de la Politique de sécurité et de défense commune, il pourrait, selon l’auteur, être mis en oeuvre de façon progressive, pragmatique et attentive aux spécificités des États-membres. Pour l’esquisser, il expose quelques pistes pratiques. Lire les premières lignes

  p. 74-79

Le couplage géopolitique afro-asiatique suppose un meilleur décryptage de leurs projections planétaires. L’analyse des identités des deux continents permet de constater l’écart de leurs dotations naturelles et leurs ajustements différenciés aux contraintes de la mondialisation. Mais l’Afrique et l’Asie peuvent explorer des stratégies nouvelles pour corréler leurs atouts, corriger les effets de l’hégémonie euro-américaine et renforcer leur complémentarité géostratégique. Telle est la thèse défendue par l’auteur. Lire les premières lignes

  p. 80-86

Désarmement nucléaire et réduction des armements n’ont pas les mêmes finalités. Les confondre, c’est s’interdire de comprendre la logique qui prévaut actuellement dans les calculs de puissance des Grands d’hier et leur approche nécessairement couplée du nouvel acteur stratégique chinois. C’est ce qu’expose dans le détail l’auteur qui est un familier de ce dossier. Lire les premières lignes

  p. 87-94

Bill Clinton, candidat contre G. H. Bush, avait trouvé un slogan It’s the economy, stupid! qui lui avait permis, alors même que le mur de Berlin venait de tomber et qu’un premier printemps des peuples libérait l’Europe soviétisée, de tout ramener à l’économie et d’en faire le nouvel axe du monde. De cette formule à l’emporte-pièce, les sectateurs de la gouvernance ont fait, vingt ans durant, leur système d’exploitation unique et monopolistique d’un monde forcément global et marchand. Lire la suite

  p. 126-126

Revues - Rapports

À l’occasion d’une intervention à l’École militaire le 20 janvier dernier (voir éditorial), le ministre de la Défense, Alain Juppé, a invité les officiers stagiaires de l’École de guerre à « imaginer non pas une, mais dix surprises stratégiques, (...) que les militaires ont le devoir de proposer aux plus hautes autorités politiques de notre pays ». Dans cette thématique de créativité figurent les ruses de guerre, ces artifices qui permettent soit d’induire en erreur l’adversaire en le trompant délibérément, soit de l’entraîner à commettre des imprudences. Lire la suite

  p. 97-98

Selon le Livre blanc, le milieu spatial « est devenu un milieu aussi vital pour l’activité économique mondiale et la sécurité internationale que les milieux maritime, aérien ou terrestre » (1). La maîtrise de ce « nouveau champ d’affrontement potentiel » (2), est une « dimension indispensable de notre capacité d’intervention » et constitue une des « clés de la supériorité opérationnelle » (3). Elle est la capacité à garantir la liberté d’action dans l’espace achevant et préservant ainsi un statut de puissance spatiale. Lire la suite

  p. 99-100

La campagne pour les élections présidentielles de novembre 2012 est désormais lancée et, pour l’heure, ce sont le déficit et la dette publics qui tiennent lieu de principaux sujets d’affrontement. C’est donc par la question du budget de la défense, austère à plus d’un titre, que s’ouvre tout naturellement cette chronique, avant de passer en revue trois sujets qui nous semblent constituer les principales sources d’incertitude pour la politique étrangère américaine en 2011 et au-delà : la Chine, l’Afghanistan et le Moyen-Orient. Lire la suite

  p. 101-103

Si la nouvelle année russe commence traditionnellement le 14 janvier, une nouvelle ère semble bien avoir débuté le 1er janvier dernier et avec un fort parfum de nouvel an chinois. Le 1er janvier 2011 a en effet marqué un tournant majeur dans les relations bilatérales sino-russes, avec l’entrée en fonction du tout premier oléoduc reliant les deux pays. Alors que 60 % du pétrole russe est aujourd’hui acheminé vers l’Union européenne, Russie et Chine prévoient d’intensifier leurs échanges énergétiques jusqu’à atteindre progressivement 15 millions de tonnes par an. Comment interpréter cette nouvelle étape dans le développement des relations entre ces deux géants ? Et avec quelles conséquences pour leur premier partenaire commercial, l’Union européenne ? Lire la suite

  p. 103-105

Le 5 janvier 2011, un commando islamiste a été encerclé dans la banlieue même de Bichkek. Ce commando, après avoir déposé des bombes, organisé des attentats et exécuté trois miliciens, a été massacré à son tour. Mineur en apparence, cet événement est d’importance. Il marque, après six mois de troubles au Tadjikistan comme au Kyrgyzstan, l’entrée en scène de la crise afghane jusqu’au cœur de l’Asie centrale. Ce début d’enlisement dans le bourbier afghan est confirmé par la participation de tous les pays centre-asiatiques, chacun à leur manière, au transit qui compense les difficultés d’approvisionnement rencontrées par la coalition au Pakistan : ce transit concerne par voie terrestre, le Réseau de distribution nord (RDN) (1) et par air, la Route nord (2). Hormis cette afghanisation rampante du Turkestan, le seul événement d’importance stratégique ces sept derniers mois est représenté par la visite au Turkménistan, le 15 janvier, du président de la Commission européenne : est en jeu le projet du gazoduc Nabucco, c’est-à-dire l’approvisionnement en gaz de l’Europe. Lire la suite

  p. 106-108

Recensions

Henri Hude : Démocratie durable - Penser la guerre pour faire l’Europe  ; Éditions Monceau, 2010 ; 336 pages - Pierre-Dominique Ornano (d')

Sur les pas du philosophe Henri Hude, professeur d’éthique militaire, vous êtes invités au bain lustral d’un renouvellement intellectuel. Renversement des fausses idoles, contestation de la culture dominante dans nos démocraties occidentales, de son « politiquement correct », de l’exubérance irrationnelle entretenue par les médias et de l’individualisme érigé comme un absolu. Plagiant feu monsieur Ravaillac, disons que l’affaire s’annonce rude. Lire la suite

  p. 111-117

Tony Judt : Retour sur le XXe siècle. Une histoire de la pensée contemporaine  ; (traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat et Sylvie Taussig), Éditions Héloïse d’Ormesson, 2010 ; 618 pages - Philippe Boulanger

Publier un recueil de textes n’est pas une tâche aisée pour un auteur, surtout un historien. Contrairement à une idée reçue, ce n’est jamais une solution de facilité et encore moins de paresse. Le choix des essais, leur articulation, comme autant de chapitres d’un livre « normalement » élaboré et écrit, autour des thèmes centraux dans la pensée de l’auteur, et la rédaction d’une introduction qui embrasse des sujets et une pensée étalés sur plusieurs années, constituent souvent une épreuve intellectuelle pour celui-ci. Une batterie de questions l’agite immanquablement : les textes ont-ils vieilli, ont-ils perdu de leur actualité, ont-ils été discutés puis réfutés par des collègues ? Lire la suite

  p. 117-119

Eugène-Jean Duval : Memento militaire  ; Elzévir, 2010 ; 508 pages - Michel Sarazin

« L’histoire de l’institution militaire n’est pas une simple affaire de batailles, loin de là, par-delà les batailles sur le terrain, il y a la Politique, c’est-à-dire une conception de la vie en société ». Cette phrase placée en début de la conclusion du livre, condense la réponse au « de quoi s’agit-il ? » que pourrait amener un rapide survol de ce curieux ouvrage à la présentation parfois touffue. Lire la suite

  p. 119-121

Collectif : L’armée décomplexée  ; Centre d’études et de prospective stratégique (CEPS), 2010 ; 87 pages - Bernard Norlain

Loin du misérabilisme et du pessimisme ambiants, voici un témoignage tonique sur la modernité de nos armées. En effet, malgré les contraintes politiques, sociales et budgétaires, cet ouvrage qui est le fruit d’une réflexion commune entre militaires de tous grades, politiques, entrepreneurs et experts, montre combien l’institution militaire a su ces dernières années, se remettre en cause et se transformer pour être en phase avec le monde en marche tout en conservant et en valorisant ses traditions et ses valeurs. Lire la suite

  p. 121-122

Daniel Ventre (dir.) : Cyberguerre et guerre de l’information : stratégies, règles, enjeux  ; Éditions Hermès Lavoisier, 2010 ; 320 pages - G. Apremont (d')

Par une approche à la fois empirique et conceptuelle, cet ouvrage offre une réflexion sur les concepts-clés de « guerre de l’information » et de « cyberguerre » et dégage les mécanismes, logiques et modalités qui caractérisent les rapports de force au sein du cyberespace. Les trois premiers chapitres, « La cyberguerre et ses frontières » (François-Bernard Huyghe), « Guerre du sens, cyberguerre et démocraties » (colonel François Chauvancy), « Intelligence, the first Defence? Quelques observations sur la guerre de l’information dans son rapport à la surprise stratégique » (Joseph Henrotin), sont la partie théorique et conceptuelle de l’ouvrage. Les deux derniers chapitres offrent une approche plus pratique, empirique, opérationnelle dans « Aspects opérationnels d’une cyberattaque, renseignement, planification et conduite » (Éric Filiol) et « Émeutes au Xinjiang et guerre de l’information chinoise » (Daniel Ventre). Lire la suite

  p. 122-123

Voilà un livre passionnant, décapant, on pourrait dire terrifiant en ce qu’il dévoile au lecteur, pourtant averti, les dérives et les pratiques mafieuses d’une démocratie emblématique, miroir de nos sociétés. La thèse de l’auteur est, en gros, que la perte progressive de contrôle sur les décisions politiques majeures aux États-Unis a fait que le pouvoir a été confisqué de façon occulte, non démocratique, par des groupes de pression et que cette situation a totalement perverti le système politique américain et a notamment conduit au drame du 11 septembre 2001. Lire la suite

  p. 124-125

Revue Défense Nationale - Mars 2011 - n° 738

Starting from Arab society’s rejection of governance that has become unacceptable, the author takes us on a retrospective tour of intolerable behaviour over the past century. He demonstrates that while collective red lines have ended up by preventing outbreaks of hostilities, the opposition to change, egotism and corruption of the privileged always lead to the unacceptable, and to uprisings.

Support for the families of servicemen deployed on operations is a command responsibility. The author shows us how this mission is integrated into the military operation throughout the deployment emotional cycle.

The ambitions and contradictions of UN Security Council Resolution 1325 on women, peace and security are the subject of this study. Among other subjects, it discusses the composition of intervention units operating under UN mandate, and the question of women and girls caught up in armed conflict.

Brazil’s external policy is based on its desire to reinforce international standards and institutions. The consolidation of internal stability, the promotion of regional integration and the reform of its defence sector have all given the country a new international role. Brazil views its defence sector as a contribution to South American security and to the renovation of the structure of world governance.

Brazil uses international development programmes as its vehicle for its approach to Africa. It has two concerns: to consolidate its international posture of ‘generous diplomacy’, and to defend its interests as an economy which is already well positioned in the African market. By doing this it is looking to establish a natural outlet for its strategic expansion.

Brazil’s defence strategy is currently rethinking the Atlantic maritime role of this great country. The Brazilian Navy not only acts as a planning and operational entity, but also as a global operator with an acquisition programme aimed at giving the country the means to fulfil its ocean-going ambitions.

Opinions and Viewpoints

In order to cope with uncertain times and confront new adversaries in faraway places, we need to diversify our approaches to conflict. A fresh look at Sun Tzu can help to prepare us, by the search for ways of thinking which may lead us to alternatives to the use of brute force and material superiority.

Poland is an excellent example of the long and difficult march of the countries of Central and Eastern Europe towards a truly European system of defence. With its history giving the country a special sensitivity to the subject, Poland views the issue of its security on a different plane to the countries of Western Europe, but this attitude has been tending recently towards a more consensual approach Read more

The ten years following the end of the Cold War were more than eventful for Serbia. Its relationship with NATO still bears the scars. Without trying to hide these consequences, Serbian defence thinking today is aiming towards a progressive Euro-Atlantic integration, which assumes a partnership with NATO.

The permanent structured cooperation set out in the EU treaty is the subject of much speculation. This instrument of the Common Security and Defence Policy is currently unexploited; the author believes that it could be put into force in a progressive and pragmatic way, taking account of the specificities of member states. He sketches out some specific ways of doing this.

The geopolitical coupling of Africa and Asia assumes a better understanding of their influence in the world. Any analysis of the identities of the two continents highlights the differences between their respective natural resources, and the different ways they adjust to the constraints of globalisation. But the author maintains that Africa and Asia can explore new strategies to combine their assets, correct the effects of Euro-American hegemony, and reinforce their geostrategic complimentarity.

Nuclear disarmament and arms reduction do not have the same aims. Confusing their definitions means misunderstanding the logic which currently drives the power calculations of yesterday’s Great Powers, and their associated approaches to the new strategic actor—China. The author knows the subject well from personal experience.

Book reviews

Henri Hude : Démocratie durable - Penser la guerre pour faire l’Europe  ; Éditions Monceau, 2010 ; 336 pages - Pierre-Dominique Ornano (d')

Tony Judt : Retour sur le XXe siècle. Une histoire de la pensée contemporaine  ; (traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat et Sylvie Taussig), Éditions Héloïse d’Ormesson, 2010 ; 618 pages - Philippe Boulanger

Eugène-Jean Duval : Memento militaire  ; Elzévir, 2010 ; 508 pages - Michel Sarazin

Collectif : L’armée décomplexée  ; Centre d’études et de prospective stratégique (CEPS), 2010 ; 87 pages - Bernard Norlain

Daniel Ventre (dir.) : Cyberguerre et guerre de l’information : stratégies, règles, enjeux  ; Éditions Hermès Lavoisier, 2010 ; 320 pages - G. Apremont (d')

Revue Défense Nationale - Mars 2011 - n° 738

Après le discours du ministre de la Défense aux stagiaires de l’École de guerre, le 20 janvier 2011 (1), il a paru souhaitable à la rédaction de la RDN d’en reprendre l’argument et d’en diffuser les principaux moments dans le numéro de mars pour animer une réflexion sur un thème sensible et controversé, celui du retour de la guerre dans le paysage national.

En changeant son nom pour reprendre la traditionnelle dénomination d’École de guerre et en choisissant le général de Gaulle comme parrain de sa 18e promotion, l’institution militaire se place aujourd’hui dans un sillage illustre. Elle le fait sur le site d’une École militaire qui se transforme progressivement en haut lieu de réflexion et de formation à la sécurité globale, en campus universitaire de sécurité et de défense, pour constituer à moyen terme, outre une base de défense, la seule implantation militaire dans Paris intra muros.

Morceaux choisis

Voici ce que rappelle le ministre d’État, Alain Juppé, du général de Gaulle :

Dans l’inconscient collectif, le Général symbolise autant, sinon davantage, l’engagement politique au service de la France que la vocation militaire au service de ses Armées. Pourtant, à travers sa carrière au sein de l’institution militaire, il incarne aussi l’ensemble des qualités qui font l’étoffe des plus grands chefs. De Gaulle, en effet, c’est d’abord l’expérience de l’action. Quand il entre à l’École supérieure de guerre, en 1922, il a comme beaucoup d’entre vous connu la réalité de l’engagement opérationnel. Il a vécu les combats, les gaz et la captivité. C’est un soldat expérimenté, un chef tactique aguerri, un homme marqué dans sa chair. C’est riche de cette expérience et de cette profondeur humaine qu’il décide d’entrer à l’École supérieure de guerre. Car il sait qu’il lui faut désormais acquérir une vision stratégique et politique :

– Vision qui s’appuie sur l’indispensable culture générale, « véritable école du commandement » (in Le Fil de l’Épée).

– Vision qui lui permettra, en 1940, de mettre en perspective la défaite de la France et de comprendre que notre pays n’a perdu qu’une bataille, dans une guerre qu’il pressent déjà comme un conflit mondial.

– Vision qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au moment où s’ébauche la confrontation des deux blocs, le conduit à créer la force de dissuasion française, qui assurera à notre pays au sein de l’Alliance atlantique et de l’Europe une autonomie stratégique et le rang de puissance.

De Gaulle, c’est aussi l’esprit d’audace. Audace du théoricien, d’abord, qui, s’inspirant du général Estienne et de Sir Liddell Hard, affirme dans Le Fil de l’Épée, puis dans Vers l’armée de métier, la nécessité d’une guerre de mouvement s’appuyant sur l’emploi des blindés, en complément de la guerre statique. Et qui en déduit l’exigence, à côté de l’armée de conscription indispensable pour défendre la ligne Maginot, de créer une armée de métier. Audace du praticien également, de l’homme d’action ancré dans le réel qui, en 1940 s’illustre à Montcornet et à Abbeville à la tête de la 4e division cuirassée.

Il est l’homme qui a connu les deux grands conflits mondiaux. L’homme qui a mis fin aux guerres de décolonisation. L’homme qui a ouvert la voie à une évolution profonde de nos Armées, de leur finalité même, de l’emploi délibéré de la force, conçu comme un mode acceptable de règlement des conflits entre les nations, ouvert la voie aussi au projet d’interdire la guerre par la dissuasion nucléaire. Pour autant, jamais le général de Gaulle n’a imaginé que cette guerre interdite nous mettrait définitivement à l’abri de la renaissance de phénomènes guerriers, quelle que soit leur forme. Jamais il n’a imaginé que ces « luttes armées et sanglantes entre groupements organisés » pour reprendre la définition du philosophe Gaston Bouthoul (in Traité de polémologie), disparaîtraient de l’histoire des hommes.

Aujourd’hui, c’est vrai, en Europe et au-delà, nous ne connaissons plus de guerres au sens traditionnel du terme. Mais au-delà des querelles de mots et des controverses de spécialistes, la réalité, c’est qu’aujourd’hui, nos forces sont parfois conduites à engager au niveau tactique et micro-tactique des combats d’une intensité comparable aux affrontements extrêmes des grandes guerres du siècle passé.

C’est la raison pour laquelle j’ai voulu que votre école reprenne le nom d’École de guerre. Ce changement n’est pas de pure forme. Ce n’est pas un simple retour en arrière. Il a plusieurs objectifs.

Le premier, le plus important, c’est de réaffirmer la place particulière des militaires, et en particulier des officiers, dans notre société, en rappelant que le métier que vous avez choisi est un métier à part, un métier qui fait de vous les dépositaires du monopole de la violence légitime de l’État et peut vous conduire à donner jusqu’à votre vie. Le deuxième objectif, c’est de renouer avec la tradition d’excellence qui a fait des Écoles supérieures de guerre les viviers de la pensée militaire et stratégique française. Je pense au maréchal Foch, rappelant à ses élèves que « les improvisations géniales sur le champ de bataille ne sont que le résultat de méditations antérieures », à l’amiral Castex, théoricien du lien entre guerre terrestre et guerre navale et fondateur de l’Institut des hautes études de défense nationale ou encore au général Gallois, père de la dissuasion nucléaire. Le troisième objectif, c’est de donner une meilleure visibilité à l’École, au sein de la communauté nationale, avec un nom ancré dans le subconscient des Français, mais aussi sur le plan international, grâce à une harmonisation avec les Écoles de guerre des puissances militaires alliées ; je pense notamment au War College américain. Enfin, quatrième objectif, tourner la page du chantier de l’interarmisation qui, s’il constituait un défi majeur au lendemain de la guerre du Golfe, au moment de la fusion des Écoles supérieures de guerre des quatre forces armées, est désormais derrière nous. J’ai pu le constater au moment des fêtes, lors de ma visite aux forces déployées en Afghanistan.

Cette École, j’attends qu’elle fasse de vous les Officiers d’élite dont la France a besoin. Des Officiers capables d’abord de tirer le meilleur de nos moyens actuels et de penser notre outil de défense de demain. Pour relever ce défi, n’oubliez jamais la nécessité d’inscrire votre réflexion dans le cadre de l’ensemble de nos institutions. N’oubliez jamais de prendre en compte les grands enjeux de notre société, qu’ils soient politiques, sociaux, économiques ou culturels, mais aussi du bouleversement du monde qui nous entoure.

Vous devrez également être capables de penser nos relations de défense de demain. Profitez des opportunités qui vous sont offertes pour échanger, créer des liens et faire de ces relations des partenariats toujours plus étroits, toujours plus innovants, dans cet esprit d’autonomie qui doit rester celui de nos Armées. Profitez-en également pour confronter vos expériences et vos visions du monde dans lequel vous évoluerez, lorsque vous serez les décideurs en charge de vos forces armées respectives.

Vous devez enfin être capables de penser les conflits de demain. Cela suppose d’abord d’inventer les concepts qui permettront de faire face aux menaces déjà répertoriées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et contre lesquelles nous n’avons pas encore élaboré de capacités d’action ni défini de doctrines. Comment conduirons-nous demain la défense antimissiles balistique ? Comment mènerons-nous les actions offensives et défensives de la cyberguerre ? Comment lutterons- nous contre les nouvelles formes de prolifération ?

Le Livre blanc ne limite évidemment pas le champ de la spéculation intellectuelle que vous devrez conduire. Qui peut aujourd’hui définir de manière certaine ou même probable ce que sera la donne stratégique ? Bien sûr, nous disposons du concept de « surprise stratégique » officialisé par le Livre blanc. Mais ce concept reste flou. Aujourd’hui, je vous donne mandat d’imaginer non pas une, mais dix « surprises stratégiques », de construire des hypothèses crédibles et concrètes, d’élaborer les réponses doctrinales et capacitaires qui fonderont les choix de défense essentiels que les militaires ont le devoir de proposer aux plus hautes autorités politiques de notre pays. « (Le) caractère de contingence propre à l’action de guerre, écrivait le Général, fait la difficulté et la grandeur de la conception. Sous une apparence de sommaire simplicité, elle offre à l’esprit humain le plus ardu des problèmes, car, pour le résoudre, il lui faut sortir des voies ordinaires, forcer sa propre nature » (in Le Fil de l’Épée).

Sachez, vous aussi, sortir des voies ordinaires pour mener une réflexion originale et audacieuse. Sachez, vous aussi, forcer votre propre nature pour permettre à la France de conserver un outil de défense digne d’une grande puissance militaire.

Débats sur la guerre : attention

Cette exhortation à la pensée active et créative des militaires satisfera tous ceux qu’inquiète une période où le brouillard stratégique règne au point qu’ils redoutent une nouvelle surprise stratégique qui nous mettrait à nouveau au défi de subir une autre « étrange défaite ». Elle rejoint aussi naturellement la préoccupation constante de la RDN d’« éclairer le débat stratégique » et ce, depuis son lancement, juste avant la Seconde Guerre mondiale. Pour autant, elle incite à regarder non dans le rétroviseur historique, mais bien dans la longue vue prospective. Et au moment où la société française compte moins de 0,5% de sa population engagée dans le métier militaire, il convient de s’interroger sur le message actuellement diffusé du caractère inévitable de la guerre : nous serions en période d’avant-guerre. Mais prophétiser ainsi les choses n’est-ce pas se condamner à ne pas les comprendre ? Ainsi en a-t-il déjà été de la « non-guerre », de la « guerre contre le terrorisme », d’Al-Qaïda hier ou d’AQMI aujourd’hui.

Il y a près de cinquante ans, en pleine guerre froide, le général Beaufre annonce, réaliste, « la grande guerre et la vraie paix seront alors mortes ensemble » (2). Il y a plus de vingt ans, le Livre blanc décrète que « pour la première fois de son histoire, la France ne connaît plus de menace militaire directe à proximité de ses frontières ». Fin janvier, le général Desportes, en célébrant l’établissement récent de l’École de guerre, explique dans Le Figaro que le mot guerre avait « retrouvé son actualité, sa noblesse peut-être » et qu’elle est « pnotre futur ». Ces guerres qui viennent est le titre d’un livre que vient de publier le général Paris. Bien d’autres avant lui avaient également abordé ce thème. Je crains que le manque de sang-froid, l’amalgame et les effets de mode guettent nombre de ces analyses dont l’émotion médiatique se saisit avec avidité. Pour la confusion générale.

La question de la guerre est un thème fort, exigeant, mais qui justifie un débat de qualité, résolument tourné vers les temps à venir et plus serein que ce que la presse en rapporte généralement. La mobilisation politique de nos compatriotes, la légitimité de nos actions militaires, la budgétisation de nos moyens d’action et la stature stratégique de la France en dépendent. La réalité stratégique actuelle est sans doute bien plus complexe qu’un simple retour aux sources de la conflictualité intrinsèque de toutes les sociétés humaines. La guerre a en réalité muté et nous sommes engagés aujourd’hui dans des conflits qui imposent des combats de plus en plus durs, mais des « combats sans bataille » et des « conflits sans guerre » (3). Cette situation perturbe profondément l’approche de nos métiers militaires et la conduite des missions que l’on nous confie dont l’intensité peut pourtant rappeler les engagements du temps des grandes guerres. Aussi est-il bien légitime et nécessaire, et j’en conviens, de rappeler à temps et à contretemps que le métier militaire, c’est le combat, pour s’imposer par la force au risque de la vie. On l’oublie vite (4).

Mais le problème d’aujourd’hui n’est-il pas ailleurs ? Nous ne savons plus faire la guerre parce que nous ne savons pas faire la paix. Le problème est que la paix n’est pas seulement le silence des armes, mais l’acceptation a minima par l’adversaire de l’équilibre qu’on lui impose. Et la réalité est que la grammaire stratégique ancienne, celle qu’avait élaborée l’ordre de Westphalie, « l’État pour acteur, la Guerre pour moyen », cette grammaire ancienne structurée par les mots de guerre, de bataille, d’ami, d’ennemi, de vainqueur, de vaincu, de victoire et de défaite est aujourd’hui peu utilisable, hors d’usage, en particulier parce que l’État n’est plus le seul, voire le premier entrepreneur de violence et que les conflits sont devenus très profitables (5). Alors on peut regretter, c’est mon cas, la convocation excessive de la guerre pour redéfinir notre identité militaire qui n’en a pas vraiment besoin. Manquerions-nous à ce point de confiance en nous ? On peut regretter ce débat mal parti qui ne peut que dérouter une opinion publique plus mûre qu’on ne le pense et qui ne demande qu’à comprendre la situation actuelle et à soutenir ses forces armées dans leurs dangereux engagements, une opinion publique qui sait bien que la France n’est pas en guerre, mais qu’elle doit sécuriser au mieux ses intérêts dans un monde en crise.

Il faut donc aller plus loin que ce retour analogique à des sources datant de temps désormais révolus ; il faut explorer les conditions nouvelles de l’engagement opérationnel de nos forces. Et ne pas céder à la tentation commode de mobiliser un passé glorieux certes, mais dans lequel la guerre signifiait la mobilisation du « peuple en armes » pour défendre la Patrie, son territoire et sa population. Une période aussi où l’engagement industriel, budgétaire, culturel, politique du pays était acquis pour relever le défi vital d’un voisinage antagoniste. Les circonstances sont aujourd’hui tout autres aurait dit le parrain de la 18e promotion de l’École de guerre. La guerre est-elle morte comme l’annonçait le général Le Borgne en 1987 ? Sans doute pas, mais assurément elle a profondément muté et ce que nous vivons aujourd’hui est bien plus complexe qu’un simple retour aux fondamentaux de l’histoire militaire. Au travail.

Émergences

Pour conclure cet éditorial, il faut présenter le numéro de mars. Il évoque la place des femmes et des familles dans notre système de défense. Le soin apporté à leur soutien est intégré d’emblée dans la manœuvre opérationnelle pour consolider l’environnement du militaire engagé en opération. Autre consolidation en cours, celle du Brésil, un pays qui s’affirme comme un acteur du nouveau système du monde qui se dessine, non seulement en Atlantique Sud, en Afrique, mais aussi dans la réforme de la gouvernance mondiale. La transition politique à l’œuvre dans le monde arabe est un autre phénomène émergent qui modifie la carte de notre voisinage méditerranéen. Elle fera l’objet d’un suivi régulier dans notre « Tribune » (www.defnat.com). Elle fournit à l’amiral Lacoste, la matière d’une réflexion sur l’inacceptable commun, ferment de la coopération des peuples. Vous noterez enfin dans nos chroniques des éléments d’analyse sur les évolutions stratégiques en cours, notamment aux États-Unis et en Russie. ♦


(1) Le discours complet du ministre d’État, ministre de la Défense à l’amphi Foch de l’École militaire, le 20 janvier 2011 est consultable sur le site (/www.vie-publique.fr/discours/180983-declaration-de-m-alain-juppe-ministre-de-la-defense-et-des-anciens-com).
(2) Cf. Introduction à la stratégie ; Armand Colin, 1965, p. 93.
(3) Voir La fin des guerres majeures, ouvrage collectif sous la direction de Frédéric Ramel et Jean-Vincent Holeindre, Économica, 2010, chapitre 4.
(4) Voir dans ce même numéro les recensions du Mémento militaire d’Eugène-Jean Duval, de L’armée décomplexée, ouvrage collectif du CEPS et de Démocratie durable - Penser la guerre pour faire l’Europe d’Henri Hude.
(5) Cf. « Esquisses stratégiques », Cahier d’Agir n° 3, printemps 2010 (www.societestrategie.fr/?ca=esquisses-strategiques).

Jean Dufourcq

Revue Défense Nationale - Mars 2011 - n° 738

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