Août/Sept 1999 - n° 612

200 pages

La crise russe

Ce matin, nous avons examiné dans différents domaines la situation actuelle en Russie. Cette analyse, certains la jugeront optimiste, d’autres réaliste, toujours est-il que nous avons eu une certaine description de ce qu’est effectivement la Russie, politiquement, économiquement et militairement. Lire la suite

  p. 5-6

Il me paraît essentiel que la Russie retrouve un rôle important sur la scène mondiale et nous avons intérêt à ce qu’elle soit forte. Tout d’abord, je voudrais faire des remarques qui vont à contre-courant de ce qui a été dit ce matin. Il est indispensable qu’on mesure ce qui s’est passé au mois d’août 1998 et qu’on prenne conscience de l’échec des réformes entreprises pour sortir du communisme dès 1991. Il y a eu échec de la politique de stabilisation du rouble, laquelle a masqué l’absence totale de réformes structurelles. Il y a eu un échec encore plus grave de la politique de privatisation, puisque, sous son couvert, on a assisté à un véritable pillage des richesses nationales avec la constitution d’une oligarchie parasitant le fonctionnement du pouvoir. Or, ces échecs économiques ont eu pour effet de mettre en péril le processus de démocratisation qui était engagé. En fait, la Russie aujourd’hui n’est pas une démocratie et ses aspects démocratiques masquent la réalité comme les fameux villages Potemkine qu’on plaçait sur le parcours de Catherine II. J’en vois pour preuves la déficience des législatives qui restent très embryonnaires et totalement dépendantes de l’exécutif, la tyrannie de la bureaucratie toujours extrêmement puissante au point de confisquer le développement économique, enfin la faiblesse de l’État en tant que garant des citoyens, notamment celle du pouvoir judiciaire russe en proie à des tentatives de corruption à tous les niveaux. Le tableau est particulièrement préoccupant en province, où en nombre d’endroits au lieu d’un développement économique régional on a collusion entre le pouvoir local et les intérêts mafieux qui empêche l’essor économique et en exclut la société civile. Lire les premières lignes

  p. 7-10

L’observation de la réalité russe actuelle me rend plutôt pessimiste. En décembre 1998, il était surprenant de constater que les Russes étaient dans une situation d’attente d’une définition de la stratégie économique du gouvernement. Je suis retourné en Russie deux mois après et on était sensiblement dans la même situation : tout le monde attendait que le gouvernement Primakov agît dans le domaine économique ; on attendait que soient réellement fixées la politique monétaire, la politique budgétaire, les réformes structurelles. Lire les premières lignes

  p. 11-16

L’armée constitue-t-elle une menace pour la stabilité politique en Russie ? Cette question, liée à la crise matérielle et morale que vivent les forces russes depuis la disparition de l’Union soviétique, figure au nombre des préoccupations qui, à Moscou comme en Occident, ont été renforcées par la crise financière et politique qui a frappé la Russie à l’automne 1998. À cette époque, le général Lebed ne fut pas seul à prédire que cette nouvelle secousse allait accentuer les risques de mutinerie et accroître les tensions dans les relations entre le pouvoir politique et l’armée. Lire les premières lignes

  p. 17-28

La Communauté des États indépendants (CEI) aurait pu être l’instrument d’une intégration sur de nouvelles bases de l’espace anciennement soviétique : c’est du moins ce que souhaitait la Russie. Elle ne l’a pas été et elle est aujourd’hui plongée dans une crise multiforme si sérieuse qu’on peut se demander si elle parviendra à la surmonter. L’appartenance à l’ancienne Union soviétique n’est désormais plus un dénominateur commun suffisant. Pour durer, la CEI doit se restructurer. Elle doit aussi, et surtout, trouver une raison d’être, ce qui suppose l’adhésion des États membres à un projet commun défini sur la base d’intérêts partagés. Les enjeux des évolutions en cours sont multiples, pour les nouveaux États indépendants (NEI) concernés au premier chef, en particulier pour la Russie qui a explicitement considéré que ce qu’elle appelle son « étranger proche » constituait sa « sphère naturelle d’influence » ; pour l’avenir des équilibres européens aussi. Que la CEI continue à se disloquer et la « maison Europe » pourrait être, de l’Atlantique à l’Oural, tout entière tournée vers ces pôles d’attraction que sont l’Union européenne et l’Alliance atlantique. Lire les premières lignes

  p. 29-42

• Que manque-t-il à Gaïdar et Kirienko pour se réhabiliter aux yeux des Russes ? Lire la suite

  p. 43-48

Repères - Opinions - Débats

L'ancien chef d'état-major de l'Armée de terre nous fait part de ses réflexions « Force alliée » au Kosovo en la mettant en relations avec la pensée de Foch et de Beaufre dont il cite deux ouvrages : Introduction à la stratégie (1964) et Stratégie de l'action (1966).

  p. 49-61

L'auteur nous livre une synthèse des évènements qui se sont déroulés au Kosovo et qui ont abouti à un règlement du conflit, mais non pas à la solution du problème que pose cette province au sein de la république de Yougoslavie. Lire les premières lignes

  p. 62-79

À l'occasion du 50e anniversaire de l'Otan, l'auteur, spécialiste des relations internationales, des questions de défense et économiste éminent, nous fait part de ses réflexions sur les liens entre l'Europe et les États-Unis. Cet article reprend l'essentiel d'une communication présentée au colloque organisé les 1er et 2 avril 1999 à Paris par la Fondation Singer-Polignac. Lire les premières lignes

  p. 80-86

Les divorces entre peuples pourraient devenir une pratique normale de la politique internationale. Déjà, au début des années 90, survint une première vague de séparations : en 1991, éclatement de la Yougoslavie puis de l’Union soviétique ; en 1993, rupture entre Tchèques et Slovaques. Cette même année 1993, l’Érythrée, qui ne s’était jamais résignée à être annexée par l’Éthiopie, obtint son indépendance. D’autres divorces ne sont pas à exclure : le dossier tchétchène en Russie demeure ouvert ; le souverainisme québécois, en dépit de ses défaites en 1980 et 1995, ne renonce pas à son rêve d’un destin propre pour la Belle Province ; au Royaume-Uni même, l’indépendance de l’Écosse donne lieu à débat (toutefois le Parti national écossais, SNP, accomplit une performance décevante lors de la première élection du nouveau Parlement en mai 1999). Et puis, que d’unités nationales secouées : Belgique entre Flamands et Wallons ; Turquie avec les Kurdes… Lire les premières lignes

  p. 87-93

L'auteur nous livre une étude très approfondie sur l'Europe et son avenir, tels qu'il les souhaite. Ce texte a été rédigé avant l'intervention au Kosovo.

  p. 94-108

Le siècle s’en va et laisse les nations désemparées ; aucune évidence ne succède encore à l’ordre qui régissait le monde. Les hommes observent le silence stratégique, nostalgiques de l’ancien tumulte rassurant de la multitude réglée des États, impatients et inquiets à la fois de la cohérence à venir, désorientés par l’accélération du temps. Une certitude cependant : quand le rythme s’accroît et que les repères deviennent flous de paraître si rapidement dépassés, il est prudent de prendre le temps de restaurer leur netteté ; quand la vue se trouble, il est sage de retrouver l’usage de la vision globale et celle des trois principes de Joël de Rosnay : « S’élever pour mieux voir, relier pour mieux comprendre, situer pour mieux agir » (1)Lire les premières lignes

  p. 109-121

Cette étude expose les conséquences pour les militaires de la création de juridictions pénales internationales : un thème abordé dans le numéro d'avril 1999 par Marc Bonnefous sous le titre « Mars et Thémis »Lire les premières lignes

  p. 122-127

L'auteur, qui va rejoindre Bucarest auprès de l'attaché de défense, nous présente la situation et la politique actuelles de la Roumanie, pays qui cherche à s'intégrer parfaitement dans la nouvelle Europe : cependant, de nombres difficultés doivent être surmontées.

  p. 128-138
  p. 139-149

Chroniques

Entre autres singularités, la guerre du Kosovo aura présenté celle d’être conduite par une Alliance défensive sans qu’une attaque ne l’ait menacée et sans que le Conseil de sécurité de l’Onu soit saisi ni qu’il ait ensuite à formuler les clauses mettant fin aux frappes. Or, selon la Charte de l’Onu, le Conseil de sécurité est responsable du maintien de la paix : il n’a pas pour objet de dire le droit mais d’exercer une fonction médiatrice sans toutefois qu’il lui soit permis d’intervenir dans les affaires intérieures des États. Précisons que cette dernière disposition a été reprise du pacte de la SDN à la requête des États-Unis. Lire les premières lignes

  p. 150-153
  p. 154-166

Au printemps dernier, les événements du Kosovo ont quelque peu occulté deux importantes réunions internationales. À Washington, les 23 et 24 avril, l’Alliance atlantique a tenu un sommet, comme elle le fait à peu près tous les trois à quatre ans. À Cologne, les 3 et 4 juin, le Conseil européen a siégé sous présidence allemande. Ces deux conférences ont été l’occasion de faire avancer significativement le concept d’Identité européenne de sécurité et de défense (IESD). Lire les premières lignes

  p. 167-170

Le projet de loi organisant la réserve militaire et le service de défense a été adopté, en première lecture, par le Sénat, jeudi 20 mai 1999. Ce texte, examiné en Conseil des ministres le 27 janvier dernier, constitue la dernière pièce de l’édifice progressivement mis en place par la réforme législative de notre défense. Il complète la loi du 2 juillet 1996 sur la programmation militaire 1997-2002, celle du 19 décembre 1996 relative aux mesures en faveur du personnel militaire concernant la professionnalisation des armées et, enfin, la loi du 28 octobre 1997 (1) portant réforme du service national. Lire les premières lignes

  p. 171-175

Faisant suite aux bouleversements stratégiques engendrés par la chute du mur de Berlin, le programme Partenariat pour la paix (PPP) a été lancé en 1994 par l’Otan afin de favoriser le dialogue avec les anciens membres du pacte de Varsovie. Devant le succès rencontré par cette initiative, la teneur du programme a été renforcée, notamment en ce qui concerne les missions de maintien de la paix. Bien entendu, la marine participe à ce programme et son action revêt plusieurs formes dans des domaines aussi variés que la guerre des mines, l’action de l’État en mer ou encore la formation du personnel. Lire la suite

  p. 176-178
  p. 179-184

Considérer la gendarmerie comme une force policière suppose de concevoir le terme de « police » dans son sens fonctionnel, celle-ci désignant alors toute institution qui contribue, selon des règles d’organisation et des modalités de fonctionnement pouvant être fort diverses, à l’exercice des fonctions de police. En effet, comme a pu l’écrire David H. Bayley, précurseur de la sociologie des institutions policières, « la police est une organisation autorisée par une collectivité pour réguler les relations sociales internes en recourant si nécessaire à la force physique. Par conséquent, lorsque le mot police est utilisé, il doit être pris dans le sens d’une fonction particulière et non comme un groupe donné d’individus » (1)Lire la suite

  p. 185-187

C’est une armée relativement peu nombreuse (environ 80 000 hommes pour une population totale de plus de 100 millions d’habitants), mais puissante et omniprésente, qui, au Nigeria, a laissé le 29 mai 1999 le pouvoir à un régime civil. Après une transition d’une année, rondement menée par le général Aboubakar, l’élection présidentielle de février 1999 a vu la victoire de l’ancien président Olesegun Obasanjo. Il s’agit là d’un tournant important pour le pays le plus peuplé du continent, qui s’étend en Afrique occidentale sur 923 700 kilomètres carrés de l’océan Atlantique aux frontières du Bénin, du Niger, du Tchad et du Cameroun. Pays pétrolier (95 % de ses ressources extérieures en devises), le Nigeria a durement affronté la guerre civile sécessionniste du Biafra de 1967 à 1970 et reste encore fortement marqué par la complexité de sa situation ethnique (250 ethnies), religieuse et sociale. Lire la suite

  p. 188-190

Depuis le 9 mai, l’armée indienne, avec 30 000 hommes, appuyés par l’aviation à partir du 26 mai, tente de reconquérir une série de pics situés à environ 6 kilomètres du côté indien de la ligne de contrôle qui sépare les deux parties du Cachemire, occupés depuis plusieurs mois par quelques centaines de soldats pakistanais et des indépendantistes cachemiris renforcés de volontaires islamistes étrangers. C’est la plus sérieuse confrontation entre les deux pays depuis près de trente ans. Le front des combats sur la ligne de démarcation s’étend sur plus de cent vingt kilomètres. Dans la querelle indo-pakistanaise pour la souveraineté sur le Cachemire, le Pakistan bénéficiait généralement de la sympathie de l’opinion internationale. À l’origine de cette nouvelle crise, il perd ce crédit au profit de son adversaire et risque l’effondrement économique. Malgré les discours guerriers, on peut espérer que les deux nouvelles puissances nucléaires déclarées sauront jusqu’où ne pas aller trop loin. Lire les premières lignes

  p. 191-194

Bibliographie

Hervé Coutau-Bégarie : Traité de Stratégie  ; Économica, 1999 ; 996 pages - Marcel Duval

Il est inutile de présenter Hervé Coutau-Bégarie à nos lecteurs, puisque nous avons souvent eu l’occasion de commenter ici les écrits de cet auteur dont l’œuvre est déjà considérable, en particulier dans le domaine maritime, qu’il s’agisse de la « pensée » et de la stratégie navales, de la géostratégie des océans et de l’histoire de ses personnages et événements contemporains. Son champ de réflexion s’est depuis quelques années sensiblement élargi puisqu’il est non seulement directeur d’études à l’École pratique des hautes études, président de l’Institut de stratégie comparée, qui est partenaire de la Fondation pour la recherche stratégique, et directeur de la revue Stratégique, mais aussi directeur du cours d’introduction à la stratégie au Collège interarmées de défense. Et c’est en fait la somme des réflexions qu’il a accumulées dans ces différentes fonctions qu’il nous présente aujourd’hui dans ce Traité de StratégieLire la suite

  p. 195-197

Charles Saint-Prot : Histoire de l’Irak. De Sumer à Saddam Hussein  ; Éditions Marketing, 1999 ; 264 pages - Marc Bonnefous

La splendeur de Babylone, Ur en Chaldée, le Code de Hammourabi, l’épopée de Gilgamesh, Ninive, Nabuchodonosor, Haroun el-Rachid, l’empire des Abbassides, le sultan Saladin, tout cela c’est l’Irak, dans l’histoire et dans la légende ; mais il est aussi le théâtre, plus proche de nous, d’une des grandes révolutions du siècle, celle du nationalisme baassiste, si important et si mal compris, qui reprend la grande leçon que leur passé a enseignée aux Irakiens, à savoir que pour survivre en tant que peuple il leur faut la force d’un État, « c’est-à-dire l’autorité au service d’un projet innovateur et s’inscrivant dans la durée ». Et l’État est né à Sumer. Lire la suite

  p. 197-199

Eric Werner : L’avant-guerre civile  ; L’Âge d’Homme, Lausanne, 1998 ; 117 pages - Pierre Morisot

Sous une présentation d’allure modeste, le lecteur découvrira, émanant d’un universitaire qui a déjà beaucoup publié en Suisse, un petit livre original dans le fond et dans la forme et politiquement fort incorrect. Le thème en est à peu près le suivant : étant donné que l’amour ne se construit, négativement, qu’à partir de la haine, le meilleur lien qui puisse souder une collectivité est l’existence d’un ennemi dûment identifié, contre lequel la guerre (ou au moins une hostilité viscérale) « maintient la cohésion de l’ensemble » au nom de l’union sacrée. Lire la suite

  p. 199-200

Revue Défense Nationale - Août/Sept 1999 - n° 612

Revue Défense Nationale - Août/Sept 1999 - n° 612

Il n'y a pas d'éditorial pour ce numéro.

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